Un ouvrage rare, une grande réussite éditoriale.
La réussite éditoriale, ce n’est pas seulement le bel aspect du livre (typographie, papier), c’est d’abord la présentation de cette autobiographie par la traductrice : une synthèse parfaitement explicite du propos de l’auteur. Au point que l’on se demande si l’ouvrage lui-même va avoir un grand intérêt.
Et là, c’est la surprise : ce passage en revue de tout un siècle américain du point de vue d’un militant noir, entre Sud agricole et Nord usinier, est très riche, même quand on connaît (quand on croit connaître!) la période. La vérité humaine du récit, sa quotidienneté, donne un relief particulier à ce qui reste sinon des abstractions sociologiques : la particularité de la violence américaine, le racisme à l’intérieur de l’entreprise. Le décalage aussi entre les discours syndicaux et politiques et la volonté de justice de l’auteur (quelle énergie, très américaine aussi!) : qu’il s’agisse des syndicats, combatifs ou pas, égalitaires pour la question raciale en paroles mais pas dans les faits, ou des groupes politiques (parti communiste, parti trotskiste, mouvements nationalistes noirs des années 60) : les deux premiers l’attirent un moment mais le « vaccinent » vis-à-vis « des discours révolutionnaires enflammés qui ne s’enracinent pas dans un patient travail à la base », comme le dit Camille Estienne.
Charles Denby, Camille Estienne (présentation et trad.), Cœur indigné : Autobiographie d’un ouvrier noir, éditions Plein chant ( coll. Voix d’en bas), 2017, 448 p., 21 €.
– Un extrait : http://www.pleinchant.fr/livresplus2/voixdenbas/Denby.html