Alors que la canicule de ces derniers jours rend les conditions de travail insupportables dans de nombreux établissement scolaires, le ministère répond comme à son habitude par une inénarrable suite de recommandations dont l’objectif le plus évident est de ne pas avoir à aborder frontalement les questions qui fâchent.
Heureusement pour le ministre de l’EN, le ridicule tue moins que le réchauffement climatique. Alors que la canicule de ces derniers jours rend les conditions de travail insupportables dans de nombreux établissement scolaires, le ministère répond comme à son habitude par une inénarrable suite de recommandations officielles dont l’objectif le plus évident est de ne pas avoir à aborder frontalement les questions qui fâchent.
Une circulaire contre la chaleur…
Dans une école primaire de Rennes (35° à l’ombre hier), 11 élèves ont dû être pris en charge par les pompiers, plusieurs conduits à l’hôpital suite à un coup de chaleur. Dans la plus traditionnelle langue de bois qui est sa marque de fabrique, l’EN a trouvé la parade :
– « Gardez les enfants dans une ambiance fraîche » : c’est vrai que les enseignants n’y auraient jamais pensé tout seuls.
– « Vérifier la fonctionnalité et l’installation des stores et volets » … quand ils existent.
– « Etudier les possibilités de limiter les entrées de chaleur dans les salles » : fermer les volets (quand ils existent) est donc une possibilité à étudier. On attend la prochaine circulaire.
– « Disposer d’un thermomètre par salle », ce qui ne devrait pas peser trop lourdement sur le budget communal et « avoir une solution de « repli » dans un endroit « frais » (bénéficiant de stores, ventilation » : les consignes de sécurité contre le terrorisme sont également valables contre la chaleur.
– « Distribuer régulièrement de l’eau à température ambiante… veiller aux conditions de stockage des aliments » : heureusement que l’administration est là pour rappeler au gestionnaire de la restauration scolaire les règles d’hygiène élémentaire dont il ne se soucie manifestement jamais.
Etc etc
Face à un problème donné, un responsable politique peut certes chercher à amuser la galerie ou se donner l’impression d’exister ; il peut aussi faire le choix – mais c’est plus rare – d’affronter la réalité. Dans le cas présent, la réalité porte pour nom l’inadaptation de la plupart des locaux scolaires mais aussi celle des rythmes et du calendrier scolaire face au changement climatique. Si la question des locaux scolaires renvoie aux contraintes budgétaires – des contraintes qui, au passage, épargnent les dépenses militaires – il n’en va pas de même pour les rythmes scolaires qui dépendent principalement du courage politique, un courage qui fait singulièrement défaut, quelle que soit la couleur du gouvernement, lorsqu’il s’agit de défendre l’intérêt des élèves face à ceux des professionnels du tourisme.
… mais un lobby du tourisme tout puissant
De fait, depuis de nombreuses années, les professionnels du tourisme – notamment du tourisme en montagne – se livrent à un lobbying forcené auprès de l’Éducation nationale, notamment par élus interposés. Objet de la manœuvre : concentrer le plus possible les vacances scolaires sur la période d’enneigement… et par corollaire les périodes de travail sur la saison chaude. Exemple : entre le 15 décembre 2016 et le 15 avril 2017, sur une période de quatre mois, les élèves de la zone C auront travaillé pendant seulement 2 mois et demi pour 1 mois et demi de vacances (de Noël, de février et vacances dites de printemps). Ce sont les élus des régions de montagne, de droite comme de gauche, qui jouent les intermédiaires à travers les questions écrites dont ils submergent le ministère. La dernière offensive en date portait sur les vacances de printemps qui se voyaient reprocher d’être fixées … au printemps, c’est-à-dire après la fermeture des installations de ski, une offensive couronnée de succès avec le calendrier promulgué en avril 2015 qui reprend à son compte toutes les revendications de la profession (notamment le décalage des vacances de printemps). Pourtant, avec l’institution des congés d’hiver et leur étalement sur trois zones, le tourisme de montagne avait obtenu au cours des dernières décennies un privilège considéré aujourd’hui comme une rente de situation qu’on s’interdit de remettre en cause malgré les dommages évidents sur l’ensemble des rythmes scolaires et malgré le fait, également, que seuls 8 % des Français partent à la neige en hiver.
Même si le calendrier actuellement en vigueur répond principalement aux vœux insistants de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (UMIH), il faut croire que ce n’est pas suffisant.
Il y a quelques jours, Blanquer évoquait – à demi-mots pour l’instant, en attendant la suite – la nécessité de « rééquilibrer » l’année scolaire en avançant la rentrée en août ou en retardant la sortie plus tard encore en juillet (le 7 juillet cette année), rééquilibrage couplé à un zonage des grandes vacances réclamé de longue date par le même lobby du tourisme. D’une certaine façon, puisque la période hivernale est massivement occupée par les congés et que la semaine en primaire se trouve réduite à 4 jours, le “rééquilibrage” en question ne peut effectivement passer que par allongement de la période scolaire sur les mois d’été, des étés toujours plus chauds, des étés caniculaires. Solution que le ministre qualifie de « pragmatique ».
Pragmatique ? Les choses étant ce qu’elles sont et le réchauffement du climat inéluctable (sauf pour Trump), on pourrait considérer comme pragmatique de s’y préparer à l’avance en adaptant à cette nouvelle donne les infrastructures et les rythmes scolaires compris dans leur globalité. Mais entre l’intérêt des élèves et celui à courte vue d’une profession, le choix est vite fait. Pour le ministre et les politiques également : il est vrai que les hôteliers, les restaurateurs, les agents de voyage votent, les élèves non.