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International | L’école en Hongrie laboratoire autoritaire et néolibéral

« Libérez le pays ! Libérez l’école ! » :
le slogan gronde dans les rues de Budapest en février 2016 alors que des milliers
d’enseignant·es, de parents et d’étudiant·es sont mobilisé·es contre les réformes solaires du Premier ministre Viktor Orbán.


Depuis son arrivée au pouvoir en 2010, ce dernier considère que l’éducation doit participer à « la guerre culturelle » en cours afin d’éradiquer la culture « diversitaire » des « progressistes d’aujourd’hui [qui] tentent de séparer la civilisation occidentale de ses racines chrétiennes ». Au nom de ces valeurs, il a entrepris une « rechristianisation de l’école », privant peu à peu de leurs moyens les écoles publiques pour privilégier celles gérées, aux frais de l’État, par l’Église.
Selon l’OCDE, la Hongrie est celui « des pays membres de l’organisation qui alloue le pire budget à l’éducation, devant la Grèce ». Le salaire mensuel moyen d’un professeur est de moins de 600 euros, contraignant la plupart à prendre un 2e ou un 3e emploi… alors même que leur temps de service est passé de 22 à 36 heures – sans la moindre augmentation de salaire.


La « normalisation » du système éducatif s’est étalée sur plus d’une décennie.
Les écoles publiques ont été placées sous le contrôle d’un organisme bureaucratique (le Klik) et sont privées de tout budget propre. Le ministère de l’Éducation a été mis sous tutelle du ministère des Ressources
humaines. Ce dernier gère également les nominations des directeurs – dont on exige une loyauté sans faille. Car l’obsession du pouvoir est d’encadrer idéologiquement et pédagogiquement les professeur·es. Le gouvernement a réformé leurs statuts, le déroulement des carrières, les grilles des salaires (mettant fin à leur indexation sur le seuil de pauvreté) et a « invité » les personnels à signer un nouveau contrat avec adhésion obligatoire à la Chambre nationale des enseignants et à sa charte « éthique », à la fois professionnelle et privée. Une manière de museler toute contestation. Au point qu’en 2022, alors qu’un mouvement social se dessine, le ministère des Ressources humaines qualifie la grève d’illégale et menace de licencier les contestataires. Dans la foulée, le gouvernement publie un décret imposant la présence des grévistes dans les écoles.


La pénurie de personnels – en 5 ans, le nombre de postes non pourvus est passé de 7 000 à 35 000 – a accru leur charge de travail, tout comme les nouveaux programmes ont transformé le quotidien des élèves. Leur emploi du temps est passé à 35/ 38 heures de cours, sans compter les devoirs à la maison ! Il faut dire que les programmes ont été alourdis : cours de religion ou de morale mais aussi séance quotidienne de sport. En réduisant le choix des manuels scolaires à deux par discipline, le gouvernement Orbán entend également imposer sa vision de la société. Une vision nationaliste de l’histoire minimisant le passé nazi du pays, mais aussi une éducation placée sous le signe du sexisme : « Certaines capacités physiques et intellectuelles sont différentes chez les filles et les garçons », peut-on lire dans les manuels de biologie de 5e (l’équivalent du CM2), qui expliquent que les filles sont meilleures que les garçons dans les travaux manuels, que les premières ont plus de facilité en lecture tandis que les seconds sont meilleurs en maths et dans certains sports. Si les inégalités sociales ont explosé, les discriminations se sont également renforcées : quand on ne refuse pas tout simplement l’inscription des enfants tsiganes dans une école, on les place dans des établissements sous-financés qui leur sont réservés.
En juillet 2023, les enseignant·es ont perdu leur statut de fonctionnaire. Pour répondre à la pénurie de personnels, ils et elles pourront travailler jusqu’à 12 heures par jour, 48 heures par semaine, tout en étant ballotté·es d’une école à l’autre pour des remplacements. Une réforme surnommée la « loi de la vengeance »…


Augmentation de la charge et du temps de travail, aide massive au privé, signature d’une « Charte », pénurie de personnels, salaires indécents, mise au pas de la jeunesse et répression des enseignant·es. Difficile de ne pas voir combien le modèle hongrois fait, chez nous aussi, école.

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