Sur les traces des maîtres freinétistes catalans et espagnols
Utilisant Twitter comme veille pour les questions d’éducation, j’ai été interpellée récemment par le nombre de publications concernant d’anciens maîtres d’école espagnols appartenant au mouvement Freinet : exposition, livres, documentaire, les ressources et les présentations ne manquent pas. Pourquoi l’histoire de ces instituteurs et de leurs revues suscite-t-elle aujourd’hui un tel engouement en Espagne : intérêt pour cette pédagogie, devoir de mémoire, hasard des découvertes ? J’ai voulu en apprendre davantage en interrogeant deux acteurs de ce lent et passionnant travail de récupération de la mémoire collective. Ce qui m’a étonnée aussi c’est que sans être ni enseignant ni chercheur en éducation ils aient pu s’identifier à ce point à la cause de ces instituteurs, au point d’être devenus, de fil en aiguille, spécialistes des techniques Freinet des années 30. Je remercie Sergi Bernal et Albert Taulé pour leur patiente collaboration et suis très heureuse de pouvoir mettre ainsi en valeur leur travail.
Cécile Morzadec
NB: para los hispanohablantes la entrevista está disponible en castellano en la segunda parte del artículo.
Bonjour, pour commencer, pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Albert : Je suis archiviste de profession dans ma province, à Barcelone, c’est-à-dire que je suis archiviste municipal et que je rayonne sur diverses communes de moins de 10 000 habitants.
Sergi : Bonjour, moi c’est Sergi, j’ai deux métiers, je travaille sur des systèmes d’information géographique et je fais aussi des photographies, l’un me nourrit et l’autre me permet de me sentir vivant. Ma passion, c’est la photographie, j’aime ouvrir des fenêtres sur des vies engagées et pleines de vie.
Comment est née votre envie d’enquêter sur le sujet des instituteurs Freinet alors que vous n’êtes pas chercheurs en éducation ? Y a-t-il eu un événement particulier, une rencontre par exemple ?
Albert : Ce qui m’a d’abord intéressé a été une question restée sans réponse d’un chercheur (précisément Sergi Bernal) qui recherchait des revues scolaires publiées dans une ville par des enseignants ayant appartenu au mouvement Freinet pendant les années 30. Soutenu par la mairie, j’ai lancé une campagne de localisation des revues, qui a porté ses fruits car les revues ont été retrouvées chez un particulier, mon but était de numériser les magazines de l’école pour pouvoir les diffuser sur Internet. Ce projet a été une réussite et les revues des deux écoles sont actuellement disponibles gratuitement.[1]
Une fois cette étape terminée, je me suis particulièrement intéressé au contexte des écoles, aux biographies des deux professeurs, et à la valeur des textes et des dessins des protagonistes des deux revues. Cela a conduit à une première collaboration écrite sous forme d’un livre sur les maîtres Freinet d’Olèrdola et leurs revues scolaires l’Endavant! et Llum!, et à une exposition “Quan la vida entra a l’escola. La Tècnica Freinet al Penedès, 1934-1937” avec des ateliers proposés autour de l’exposition et des articles.[2]
Sergi : Je ne suis pas enseignant et jusqu’en août 2010 je ne connaissais ni Freinet ni Benaiges. J’étais le père d’une fille, maintenant j’ai aussi un fils, et à l’été 2010 je suis allé faire un reportage sur l’exhumation d’une fosse commune de personnes assassinées en 1936 à Burgos. Après 8 jours d’exhumation, 105 squelettes ont été récupérés et un homme est apparu en disant que l’instituteur de sa ville était là. À partir de ce moment-là, j’ai commencé une quête effrénée pour retrouver la mémoire de ce professeur catalan, disciple de Freinet et nommé Antoni Benaiges. C’est à partir de là que j’ai commencé à mener mon enquête jusqu’à aujourd’hui. Avec cette recherche sont nés deux expositions, un essai, un roman et un documentaire.
Exhumation de la fosse commune (photo de Sergi Bernal)
Photo de Sergi Bernal prise devant l’école d’Antoni Benaiges à Bañuelos
Diriez-vous qu’aujourd’hui nous assistons à un regain d’intérêt pour cette histoire des maîtres Freinet ? Pensez-vous qu’il y ait une explication à ce phénomène ?
Sergi : Je pense que nous assistons à un regain d’intérêt pour l’éducation et la pédagogie d’autrefois, Freinet a laissé la preuve imprimée de ce qui se faisait en classe avec des exemples émouvants qui révèlent la vision qu’avaient les enfants de leur ville, de leurs jeux, de leurs excursions, de leurs traditions d’alors… Ce sont des documents essentiels pour savoir comment ils travaillaient et à quoi ressemblaient ces écoliers, leur professeur, leur école et leur vie en général…
Albert : Personnellement, je crois que depuis le rétablissement de la démocratie en Espagne, il y a toujours eu un intérêt pour les histoires de la République et de l’exil. Ce qui est certain, c’est que la facilité de diffusion via les réseaux sociaux nous fait croire que davantage de personnes s’y intéressent. De nos jours, il y a beaucoup plus d’informations qu’avant. En ce qui concerne les enseignants Freinet, il est vrai que l’histoire politique a son cheminement, mais que les histoires du quotidien avec des gens ordinaires, les histoires de travail et de passion, les histoires de sacrifice, comme celui des enseignants républicains sont aujourd’hui très appréciées et reconnues.
Pouvez-vous nous dire comment vous menez vos enquêtes ? Sergi m’a parlé des appels à la radio par exemple.
Sergi : À Olérdola, où le dossier était géré par Albert Taulé, nous avons lancé un appel à la radio municipale et dans le magazine de la ville. Ça n’a pas donné les résultats escomptés car ce que je cherchais c’était le numéro 1 de la revue Gestos. Nous savons en effet qu’il avait été envoyé par la classe d’Antoni Benaiges à cette commune du Penedès en 1935 dans le cadre d’une correspondance. Mais grâce à cet appel, nous avons au moins pu récupérer deux volumes de revues conservés par une dame de Sant Pere Molanta.
Mais en général, je vais directement aux archives après avoir fait une recherche préalable sur leur site web ou en cherchant dans leurs fonds documentaires ce qui me semble intéressant. En ce moment avec le confinement, j’essaye de trouver des documents digitalisés et je demande plus d’aide aux archivistes. Il y a des archives spécifiques, comme par exemple l’Archive Générale de l’Administration, mais ils ont des délais incroyables. En décembre 2020, je leur ai demandé des dossiers d’instituteurs, mais il va falloir que j’attende 6 mois pour obtenir quelque chose. Dernièrement à cause du confinement, mais ça reste exceptionnel, j’ai même envoyé des copains des différents coins de la péninsule consulter des sources non numérisées de livres, de documents ou d’archives de journaux.
Claudina, 100 ans, feuillette la revue Llum! Qui a été retrouvée grâce à elle (photo d’Albert Taulé)
Albert : Pour le moment, je me suis concentré sur une région spécifique de la Catalogne – le Penedès – où se concentrent une demi-douzaine de magazines et environ 8 à 10 professeurs freinétistes. Mon objectif principal a été de localiser les originaux ou de localiser des exemplaires que j’avais trouvés sur Internet. Tous les exemplaires des magazines d’une école ne se trouvent pas toujours dans cette même ville, mais en raison des correspondances qui se pratiquaient entre les écoles, ils peuvent se trouver à des centaines de kilomètres. J’ai ainsi pu consulter les collections complètes de certaines revues et donc connaître toute leur production, même si certaines sont encore en attente d’être découvertes.
De plus, en raison de mon travail aux archives, j’ai consulté les archives municipales des villes où travaillaient les enseignants et j’ai pu obtenir des données biographiques des enseignants, j’ai même pu dans le cas d’Olèrdola publier les dates de naissance et les noms des parents de tous les élèves qui ont écrit dans les revues de la ville.
Je dois également saluer la chance de pouvoir trouver sur internet la quasi-totalité de la bibliographie générale et particulière du mouvement freinétiste catalan et espagnol.
Faire connaître les progrès de l’enquête dans la presse et la radio locales à aussi permis à des personnes disposant d’informations de prendre contact avec nous et d’élargir le champ de la recherche.
Un texte libre écrit dans la revue Llum! à l’occasion de l’anniversaire de la proclamation de la seconde République
Avez-vous des anecdotes à nous raconter sur ces moments d’investigation, vous avez sûrement fait des découvertes passionnantes, des rencontres ?
Sergi : Je me souviens du moment où j’ai trouvé dans les archives régionales du Garraf, la lettre imprimée de Demetrio Saez où il est dit qui a tué l’instituteur Antoni Benaiges avec le lieu et la date, des informations essentielles quand on travaille sur la mémoire. J’ai trouvé ensuite une lettre manuscrite dans les archives militaires d’El Ferrol d’un prisonnier qui a réussi à s’échapper de la fusillade phalangiste le 25 juillet et où il raconte comment parmi les garçons de sa ville il y en avait un autre de Bañuelos, cette lettre coïncidait avec la lettre de Demetrio puisque les deux datent du 25 juillet.
Mais les moments les plus émouvants ont toujours été les rencontres avec les anciens élèves, par exemple avec Eladio Diez qui est un des derniers anciens élèves de Benaiges, qui est très âgé et qui vit dans une maison de retraite. À chaque fois que je lui rends visite, je me rends compte qu’il a perdu encore un peu plus la mémoire mais ça m’émeut de constater qu’il se souvient encore du nom de son instituteur : “Benaiges”.
Albert : J’ai eu la chance de rencontrer trois anciens élèves de maîtres freinetistes. J’ai parlé avec les petits-enfants d’anciens élèves qui nous sont reconnaissants et qui apprécient qu’on retrouve les traces de cette histoire. Et en ce qui concerne la recherche, je suis heureux d’avoir découvert des informations inédites qui serviront à la biographie des maîtres Ramon Costa Jou et Josep Santaularia.
Et j’ai une anecdote historique curieuse au sujet d’Antoni Benaiges et de Ramon Costa : alors qu’ils étudiaient pour devenir instituteurs à Barcelone, et avaient quitté leurs villes respectives très jeunes, ils sont restés dans la même résidence étudiante pendant quatre ans. Plus tard, ils se sont revus lorsque leur engouement pour les techniques Freinet et la Coopérative des enseignants était toute leur vie.
Une ancienne élève d’Antoni Benaiges (Photo de Sergi Bernal)
Pouvez-vous nous parler des moyens que vous avez choisis pour partager vos recherches ? En général, y a-t-il eu un bon accueil ?
Sergi : Je fais de la photographie, et dans mes expositions j’ai mis des documents d’archives pour contextualiser ce dont on parle, j’ai fait la même chose dans l’essai, le roman, le documentaire. Pour que l’étude soit rigoureuse et respectueuse envers la famille Benaiges, il est indispensable de donner les références (notes de bas de page ou bibliographie consultée) des données trouvées, qui sont déterminantes pour restaurer la mémoire de ce maître assassiné à qui on a enlevé la possibilité de vieillir il y a 85 ans.
Sur mon blog, vous pouvez consulter les travaux pour honorer la mémoire du maître Benaiges qui avait promis à ses élèves d’aller voir la mer.[3]
Projection du documentaire qui retrace la vie du maître d’école Antoni Benaiges dans son village, Bañuelos
Albert : J’utilise mon compte Twitter personnel pour discuter de l’avancement de mes recherches (@albert_taule) et pour partager des informations. Quand il y a des réalisations concrètes (livre, exposition), j’essaie d’en parler via les médias locaux. En dehors de cela, je tiens informées directement les personnes que j’ai peu à peu rencontrées (professeurs d’université, chercheurs, archives et bibliothèques, personnes que j’ai connues).
Il est vrai aussi que les produits culturels que j’ai produits, pour le moment, ont une portée directe limitée : le livre est une édition locale en dehors du circuit commercial et l’exposition a pu avoir une répercussion locale et régionale mais elle a dû composer avec les restrictions de mobilité dues à la pandémie. Sans les réseaux sociaux, la réception aurait été très limitée.
Quels textes d’enfants vous ont le plus émus dans les revues que vous avez retrouvées ?
Sergi : Faire des recherches nous permet de connaître l’histoire, de la mettre en perspective, de savoir ce qui s’est passé et a été recueilli dans un document ou de comprendre ce qu’un témoignage nous explique. L’histoire associée à la vie du maître Antoni Benaiges est une histoire simple, bien que tragique, puisque nous savons ce qui s’est passé et ce qui ne s’est pas produit.
Nous savons que les élèves de cette école avaient un rêve à réaliser, voir la mer pour la première fois, et nous savons aussi que ce rêve a été interrompu par la violence de la guerre et que l’enseignant s’est retrouvé dans une fosse commune. Le carnet qui parle de la mer est émouvant, beau, mais savoir ce qui s’est finalement passé le rend encore plus beau. Ils n’ont pas pu voir la mer, mais grâce à ce travail d’écriture ils l’ont presque touchée, bien qu’aucun des élèves ne nous ait dit que la mer était bleue.
À l’école de Benaiges, il y avait un garçon de Briviesca qui l’aidait, son nom était Cesar Ojeda. Celui-ci a écrit un texte libre intitulé « Nouvelle vie » : « Je suis un garçon de Briviesca et je suis venu à Bañuelos pour être avec le professeur. Je vais préparer à manger et faire le ménage. J’irai aussi à l’école avec les autres enfants. Jusqu’à présent, tout se passe très bien. Je pense que je vais rester là un bout de temps. Le jour où nous avons transporté le lit, ça n’a pas été facile. La route était horrible. La charrette était montée sur des ressorts et n’arrêtait pas de basculer. Le professeur et moi avons cru à chaque instant qu’elle allait se renverser. Meubles, vêtements, vaisselle, nourriture… nous avons imaginé que tout allait finir dans la boue. Mais il ne s’est rien passé. Le samedi, nous allons à Briviesca et nous revenons le lundi. »
Dans le procès-verbal de la séance du 10 décembre 1936 conservé dans les archives de la mairie de Briviesca, nous trouvons une requête présentée par Aurora Medina Santurzun : « Demande d’aide pour pouvoir couvrir partiellement les dépenses pour pouvoir transférer ses quatre enfants mineurs Luís, Rubén, Raúl et Pablo Ojeda Medina à l’hospice provincial de Burgos en raison de son manque de ressources. » Son mari était Ignacio Ojeda, le père de ces enfants, il faisait partie des voisins disparus, il était membre du camp républicain et tout indique qu’il a également été assassiné à La Pedraja. Cesar Ojeda était l’un des enfants les plus âgés de ce couple et l’élève d’Antoni Benaiges. Je ne peux m’empêcher d’imaginer à quel point la vie du petit César a été difficile après le soulèvement militaire de juillet 1936.
Antoni Benaiges, le maître qui voulait emmener ses élèves voir la mer (photo de Sergi Bernal)
Albert : Les années 1934-1937 ont été marquées par des événements surprenants, comme le fait qu’en 1935, six enfants de la région du Penedès ont été chargés de montrer lors d’un congrès d’enseignants à Barcelone en quoi consistait la pratique de l’imprimerie dans les écoles, ou le fait que deux rédactions d’enfants publiées dans les revues ont été utilisées pour lancer des procédures disciplinaires contre des enseignants par les autorités éducatives, mais ce que j’apprécie le plus, c’est la manière dont, grâce à l’application des techniques Freinet, les élèves ont pris conscience de leur place dans la société, une société qui commençait à prendre une nouvelle direction, avec des tensions politiques, sociales et culturelles.
Il est très intéressant de voir comment ils ont réussi dans ces salles de classe, grâce à la liberté, à la motivation, et avec l’imprimerie comme outil, à mettre en avant les valeurs du travail, de la coopération, la volonté de progresser, et la fierté de la condition paysanne. En bref, c’est l’exemple d’un travail permettant de réaliser une véritable école du peuple.
Dans le même esprit, il existe des textes d’enfants saisissants comme par exemple : “Nous, comme les ouvriers, avons aussi besoin d’outils : papier, stylos, livres” ; ou encore “Pourquoi la Société est-elle si mal organisée qu’elle oblige les parents paysans à retirer leurs enfants de l’école plus tôt pour les mettre au travail ?”; “Nous restons ici pour aider nos parents en attendant la rentrée scolaire” ; et un poème “Printemps dans le temps, tu es déjà arrivé. Printemps dans les foyers, printemps dans les vies, quand seras-tu là ? Plus aucune misère : du travail. Du pain pour tous : de la fraternité. Des hommes humains : de la liberté.”
Un ancien élève d’Antoni Benaiges retrouve l’imprimerie utilisée dans la classe (photo de Sergi Bernal)
L’imprimerie Freinet utilisée à l’époque par les enfants (photo de Sergi Bernal)
Pour finir, pourquoi pensez-vous continuer à travailler sur ces questions ? Quelle serait votre intention profonde ? Pensez-vous qu’elle soit politique ?
Sergi : L’histoire d’Antoni Benaiges repose sur un équilibre entre mémoire et éducation. Dans l’État espagnol, la mémoire démocratique est utilisée à des fins politiques par les gouvernements qui entrent et sortent de la Moncloa. Chaque semaine apparaissent des livres, des expositions, des films qui parlent continuellement de cette mémoire, parce que comme le dit Marta Tafalla : “Nous sommes mémoire. Sans elle, l’identité personnelle n’existerait pas, ni l’histoire ni la culture, qui se tissent par l’intermédiaire de notre lien avec les générations passées.” La mémoire est fondamentale pour comprendre le présent et se projeter dans le futur, c’est pour ça qu’il faut que le travail continue, par la recherche oui, mais surtout par le travail de diffusion de la mémoire.
Mes œuvres photographiques ont toujours essayé d’être militantes, je peux parler du drame du peuple sahraoui en Algérie, des expulsés de Mataró ou des déportés de Buchenwald, mon travail a toujours une forte charge politique, des lettres rouges et combatives, je ressens chaque jour davantage les racines antifascistes que mon grand-père a plantées.
Albert : Dans mes recherches, il y a des aspects qui n’ont pas été exploités et qui sont intéressants comme par exemple, l’action militante qu’ont développé ces enseignants aux côtés de leur engagement pédagogique. Grâce à mon travail j’offre aussi la possibilité de connaître certaines biographies comme celles de Costa Jou et Santaularia ou de pouvoir présenter le groupe Penedès dans son ensemble. Il est vrai aussi que par leur travail ces enseignants des années 30 incarnent des valeurs qui doivent actuellement être défendues.
Mon objectif final ? Tout dépendra de ce que je rencontrerai sur ma route. Ce qu’il faudrait en ce 21ème siècle l’histoire c’est pouvoir retrouver l’histoire des maîtres freinétistes républicains dans une galerie d’art, dans un théâtre, dans une salle de cinéma… Pour moi c’est cette interdisciplinarité qui serait la plus intéressante, car elle permettrait au message d’aller encore plus loin.
L’exposition organisée jusqu’au 25 avril 2021 au musée Vinseum de Vilafranca del Penedès (Photo d’Albert Taulé)
Albert Taulé
Sergi Bernal
[1] Voir les deux revues en ligne : Patrimoni cultural i memòria històrica — Ajuntament d’Olèrdola (olerdola.cat)
[2] Voir la présentation de l’exposition : VINSEUM Museu de les Cultures del Vi de Catalunya
[3] Voir le blog : http://desenterrant.blogspot.com/p/el-maestro-benaiges.html
VERSION EN CASTELLANO
Hola, para empezar, ¿podríais presentaros en pocas palabras?
Profesionalmente soy archivero, de Barcelona, en una modalidad provincial: archivero municipal itinerante de diversos ayuntamientos con una población de menos de 10.000 habitantes.
Hola, soy Sergi, mi trabajo es con los sistemas de información geográfica y las fotografías, una me da de comer y la otra me permite sentirme vivo. Mi pasión es la fotografía, me gusta abrir ventanas en vidas comprometidas y llenas de vida.
¿Cómo surgió vuestro anhelo por investigar el tema de los maestros Freinet cuando no sois investigadores en educación? ¿Hubo un acontecimiento particular, un encuentro por ejemplo?
Albert: Una consulta de un investigador (precisamente Sergi Bernal) sobre las revistas escolares que se publicaron en un pueblo, consulta que no pudo ser atendida de manera positiva en ese momento, fue lo que me hizo interesar, primero, por esos documentos. Apoyado por el Ayuntamiento, inicié una campaña de localización de las revistas, que tuvo éxito pues las revistas se conservaban en manos particulares, Mi interés era el de digitalizar las revistas escolares para poder difundirlas a través de Internet. He de decir que el proyecto tuvo éxito y actualmente las revistas de las dos escuelas se pueden consultar libremente.
Una vez concluida esta fase, de manera particular me interesé por el contexto de las escuelas, la biografía de los dos maestros, y por conocer el valor de los textos y dibujos de los protagonistas de las dos revistas. Lo que ha dado lugar a una primera colaboración escrita en forma de libro sobre los maestros freinetistas de Olèrdola y las revistas Endavant! i ¡Llum!, y a una exposición “Quan la vida entra a l’escola. La Tècnica Freinet al Penedès, 1934-1937” con sus actividades y artículos.
Sergi: Yo no soy maestro y hasta agosto de 2010 no sabía de Freinet ni de Benaiges. Era padre de una niña, ahora tengo un hijo más, y en el verano de 2010 fui a documentar los trabajos de exhumación de una fosa común de asesinados en 1936 en Burgos. Después de 8 días de exhumación, de allí recuperaron 105 esqueletos, apareció un hombre por la fosa diciendo que allí estaba el maestro de su pueblo. A partir de ese momento empecé una frenética investigación para desenterrar la memoria de este maestro catalán, discípulo de Freinet y llamado Antoni Benaiges. Es a partir de ese momento que empiezo a estirar del hilo de la investigación hasta hoy. De esta investigación se han hecho dos exposiciones, un ensayo, una novela y un documental.
¿Diríais que hoy en día asistimos a un renacer del interés por esta historia de los maestros Freinet? ¿Pensáis que hay una explicación a este fenómeno?
Sergi: Pienso que asistimos a una recuperación y un interés de cómo era antes la educación y la pedagogía, Freinet dejaba las pruebas impresas de lo que se hacía en el aula. Entrañables muestras que dan a conocer la visión de unos niños de su ciudad, de su pueblo, de sus juegos, de sus excursiones o de su folklore de aquel momento. Documentos imprescindibles para saber cómo hacían y cómo eran aquellos escolares, su maestro, su escuela y sus vidas en general.
Albert: Personalmente creo, desde la recuperación de la democracia en España, siempre ha habido interés por recuperar las historias de la República y el exilio. Lo que es cierto, es que la facilidad de difusión a través de las redes sociales hace creer que hay más interés. Actualmente llegan muchas más noticias que antes. En relación con los maestros Freinet, es cierto que, la historia política tiene su recorrido, pero que las historias cercanas, próximas, de gente de a pie, historias de trabajo y pasión, historias de sacrificio, como pueden ser los maestros republicanos actualmente son muy valoradas y reconocidas.
¿Nos podéis contar de qué manera procedéis para investigar? Sergi me habló de llamamientos en la radio por ejemplo.
Sergi: En Olérdola, archivo que gestiona el compañero Albert Taulé, hicimos ese llamamiento en la radio municipal y en la revista de la ciudad. Todo y que no dio los frutos que yo esperaba, ya que buscaba el cuaderno número 1 de Gestos. Sabemos que gracias a Antoni Benaiges llegó a ese municipio del Penedès en 1935, pero en cambio ese llamamiento sirvió para recuperar dos volúmenes de cuadernillos que conservaba una señora del pueblo de Sant Pere Molanta.
Pero generalmente voy al archivo in situ, después de solicitar las fuentes directamente por la web del archivo o bien buscando en fondos donde podría hallar algo de interés. Ahora con el confinamiento intento buscar fondos digitales e intento tener más ayuda por parte del archivero, todo y que hay determinados archivos, como el Archivo General de la Administración, donde el colapso es extraordinario, en diciembre de 2020, solicité unos expedientes de unos maestros a este archivo y me dicen que a los 6 meses podría llegar a recibir alguna cosa. Últimamente, de manera excepcional y debido al confinamiento comarcal y autonómico he enviado a compañeros distribuidos por diferentes puntos de la península para realizar la consulta de fuentes no digitales como de libros, documentos o hemerotecas.
Albert: De momento me he centrado en una comarca concreta de Catalunya – el Penedès – donde se concentra media docena de revistas y unos 8-10 maestros freinetianos. Mi principal interés ha sido localizar originales o localizar ejemplares de estas revistas disponibles a través de Internet. No siempre todos los ejemplares de revistas de una escuela se encuentran en ese mismo pueblo, sino que debido al intercambio que se realizaba pueden estar a cientos de kilómetros. De esta manera he podido consultar colecciones completas de ciertas revistas y por lo tanto conocer toda su producción, aunque algunas aún están pendientes por descubrir.
A parte, por mi cercanía a los archivos, he consultado los archivos municipales donde ejercían los maestros y he podido obtener datos biográficos de los maestros e incluso en el caso de Olèrdola he publicado las fechas de nacimiento y los nombres de los progenitores de todos los alumnos que escriben en las revistas de Olèrdola.
He de reconocer también la suerte de encontrar la mayoría de las veces en abierto la bibliografía general y particular del movimiento freinetista catalán y español.
Dar a conocer el avance de la investigación en la prensa y radio local ha permitido que personas con información relacionada se hayan puesto en contacto y se amplíe al campo de investigación.
¿Tenéis anécdotas que contarnos sobre estos momentos de investigación, seguro que habéis hecho descubrimientos emocionantes, encuentros…?
Sergi: Recuerdo cuando encontré en el archivo comarcal del Garraf, la carta impresa de Demetrio Saez donde dice quién mató, fecha y lugar al maestro Benaiges, dato imprescindible cuando hablamos de memoria y luego una carta manuscrita hallada en el archivo militar de El Ferrol de un preso que logró salvarse del fusilamiento falangista del 25 de julio y donde relata cómo entre los chicos de su pueblo había otro de Bañuelos, coincidencia con la carta de Demetrio ya que los dos coinciden en el día 25 de julio. Pero sobre todo los encuentros más emocionantes siempre han sido con los entrañables ex-alumnos. Por ejemplo, Eladio Diez, que es uno de los últimos ex-alumnos de Benaiges, éste es muy mayor y vive en una residencia para la gente mayor. Cada vez que lo visito, encuentro que su demencia avanza, pero todavía me emociona que se acuerde del nombre de su maestro: “Benaiges”
Albert: He tenido la suerte de conocer tres alumnos que estuvieron con los maestros freinetistas. He hablado con nietos de alumnos que agradecen la recuperación de esta historia.
Y en relación con la investigación, me satisface encontrar datos inéditos que servirán para la biografía de los maestros Ramon Costa Jou y Josep Santaularia.
Y una anécdota histórica curiosa es que Antoni Benaiges y Ramon Costa mientras estudiaban para ser maestros de primaria en Barcelona, recién salidos de sus respectivos pueblos, muy jóvenes ellos, estuvieron en la misma Residencia de Estudiantes durante cuatro años. Más tarde se volverían a encontrar cuando su ilusión por las técnicas Freinet y la Cooperativa de maestros eran su vida.
¿Podéis hablarnos de los medios que habéis elegido para compartir vuestras investigaciones? En general ¿hubo una buena recepción?
Sergi: Yo hago fotografía, y en mis exposiciones he puesto documentos archivísticos para contextualizar de qué hablamos, pero también en el ensayo, la novela, el documental… Para que el estudio sea riguroso y respetuoso con la familia Benaiges es imprescindible dar las referencias (notas a pie de página o bibliografía consultada) de los datos encontrados y que son determinantes para restituir la memoria de este maestro asesinado y sin oportunidad de envejecer hace 85 años.
En este blog se pueden consultar los trabajos de recuperación de la memoria del maestro que prometió el mar:
http://desenterrant.blogspot.com/p/el-maestro-benaiges.html
Albert: Utilizo mi cuenta de Twitter personal para hablar de mis progresos en la investigación (@albert_taule) y para compartir información. Cuando hay realizaciones concretas (libro, exposición) intento que los medios de comunicación locales se hagan eco.
A parte de eso, informo de manera directa a los contactos que progresivamente he ido haciendo (profesores universitarios, investigadores, archivos y bibliotecas, y personas que he conocido o con las que me he relacionado).
También es cierto que los productos culturales que he producido, de momento, tienen un alcance directo limitado: el libro es una edición local fuera del circuito comercial y la exposición ha podido tener una repercusión local y comarcal y se ha tenido que convivir con las restricciones de movilidad por la pandemia. Si no fuera por las redes sociales, la recepción hubiera sido muy limitada.
¿Qué textos escritos por los niños en las revistas que habéis encontrado más os han conmovido?
Sergi: Hacer investigación te permite conocer la historia, verla en perspectiva, de aquello que pasó y quedó recogido en algún documento o lo que nos explica algún testimonio. La historia que viene asociada a la vida del maestro Antoni Benaiges, es una historia redonda, aunque llena de tragedia, ya que sabemos que pasó y que no pasó. Sabemos que aquella escuela tenía un sueño por cumplir, ver por primera vez el mar y también sabemos que aquel sueño quedó truncado por la violencia y el maestro acabó en una fosa común. El cuadernillo del mar es emotivo, bello, pero al saber el destino de todo aquello lo hace todavía más bello. No pudieron ver el mar, pero con aquel trabajo casi lo tocaron, aunque ninguno de las alumnas y alumnos nos dijesen que el mar es azul.
En la escuela de Benaiges había un chico de Briviesca que le ayudaba, se llamaba Cesar Ojeda, nos decía en su publicación titulada “Nueva vida”: “Yo soy un niño de Briviesca y he venido a Bañuelos para estarme con el maestro. Haré la comida y la limpieza. También estaré en la escuela con los otros niños. Hasta ahora lo pasamos muy bien. Creo que estaré bastante tiempo. El día que subimos la cama y las demás cosas pasamos algunos apuros. El camino estaba malísimo. El carro era de muelles y a menudo se tambaleaba. El maestro y yo creíamos a cada momento que iba a volcar. Muebles, ropa, vajilla, comestibles…, todo lo veíamos entre el fango. Pero no pasó nada. Los sábados vamos a Briviesca y volvemos los lunes.”
En el acta de la sesión de 10 de diciembre de 1936 que conserva el archivo del Ayuntamiento de Briviesca hallamos la instancia presentada por Aurora Medina Santurzun: “solicitando socorro para poder sufragar en parte los gastos que se le originan para poder trasladar a sus cuatro hijos menores Luís, Rubén, Raúl y Pablo Ojeda Medina al Hospicio provincial de Burgos por carecer de recursos.” Su marido era Ignacio Ojeda, padre de estos niños, es otro de los vecinos desaparecidos, era miembro de la Agrupación Republicana y todo indica, que también fue asesinado en la Pedraja. Cesar Ojeda era uno de los hijos mayores de este matrimonio y alumno del maestro Benaiges. No puedo dejar de imaginar lo dura que sería la vida del pequeño César después de la sublevación militar de julio de 1936.
Albert: Si bien en estos años, 1934-1937, hay hechos sorprendentes como que en 1935 seis niños del Penedès son los encargados de mostrar en un congreso de maestros en Barcelona en qué consiste la práctica de la imprenta en la escuela, o bien que dos redacciones infantiles publicadas en las revistas son utilizadas para iniciar un expediente disciplinario a los maestros por parte de las autoridades pedagógicas, lo cierto es que lo que valoro más es cómo a través de la aplicación de las técnicas Freinet, los alumnos tomarán conciencia de su lugar en la sociedad, una sociedad que empezaba un nuevo rumbo, con tensiones políticas, sociales y culturales.
Es muy interesante ver cómo lograron que en aquellas aulas, con libertad y estímulo y con la imprenta como herramienta, estuvieran presentes los valores del Trabajo, la Cooperación, la voluntad de Progreso y el orgullo de la condición de labradores. En definitiva, un ejemplo de trabajo para lograr una verdadera escuela para el pueblo.
En este sentido hay textos cautivadores como por ejemplo: “També nosaltres com els obrers necessitem eines: són el paper, les plomes, els llibres”; o bien “¿Por qué está tan mal organizada la Sociedad que obliga a los padres campesinos a sacar antes sus hijos de la Escuela para ponerlos a trabajar?”; “Nosotros nos quedamos a ayudar a nuestros padres y mientras, esperamos el nuevo curso”; o el concluyente “Primavera en el temps, ja has vingut. Primavera en les llars, primavera en el viure, quan vindràs? Ni una misèria: treball. Pa per a tots: fraternitat. Homes humans: llibertat”.
Para terminar, ¿por qué pensáis que seguís trabajando en este tema? ¿Cuál sería vuestro objetivo profundo? ¿Pensáis que es político?
Sergi: La historia del maestro Benaiges se basa en un equilibrio entre memoria y educación. En el estado español la memoria democrática es arma arrojadiza para los gobiernos que entran y salen de Moncloa. Semanalmente aparecen libros, exposiciones, películas hablan continuamente de esta memoria, porque como dice Marta Tafalla: “Somos memoria. Sin ella, la identidad personal no existiría, ni tampoco la historia ni la cultura, que se tejen en nuestro vínculo con las generaciones pasadas.” La memoria es fundamental para entender el presente y proyectar el futuro, de aquí que el trabajo continúe, investigando sí, pero sobre todo divulgando su memoria.
Mis trabajos fotográficos siempre han intentado ser militantes, puedo hablar del drama del pueblo saharaui en Argelia, los desahuciados de Mataró o de los deportados en Buchenwald, mi trabajo siempre tiene una elevada carga política, letras rojas, reivindicativas, siento cada día más, las raíces antifascistas que mi abuelo sembró.
Albert: En mi investigación, hay aspectos que no han sido explotados y que son atractivos: la acción militante de los maestros al lado de su vertiente docente, otros de más envergadura como unas biografías de Costa Jou y Santaularia o poder presentar todo el grupo del Penedés en su conjunto. Y es cierto que por su labor en los años 30 del siglo pasado encarnan unos valores que actualmente hay que reivindicar.
¿Objetivo final? Todo dependerá de con quién me crucé en el camino. La historia de los maestros freinetistas republicanos, en este siglo XXI, te la deberías encontrar en una galería de arte, en un teatro, en una sala de cine. Para mí sería lo más interesante. Esta interdisciplinariedad permitirá hacer llegar el mensaje cada vez más lejos.