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SNU : l’adjudant Blanquer s’implique toujours plus

Un virus peut-il avoir la peau du SNU ? Par un communiqué officiel en date du 11/08/2020 le gouvernement annonce que « l’impact de la crise sanitaire sur l’organisation du SNU ainsi qu’un contexte épidémique trop incertain contraignent à annuler le séjour de cohésion en 2020. » Avant de s’empresser d’ajouter que « le SNU est toujours d’actualité » et qu’il [le gouvernement] présentera « son plan de marche pour le SNU 2021 à la rentrée ».

Même si cette annulation a des allures de reculade, elle ne doit pas faire oublier que, dans un contexte sanitaire et social dont on attendait qu’il impose d’autres priorités (et une certaine prudence), l’Education nationale n’a pas ménagé ses efforts pour tenter de donner, avec une assise règlementaire qui lui fait défaut, un semblant de crédibilité au projet de service national universel (SNU), pourtant bien mal parti sur le terrain en dépit d’une communication inépuisable.

Tout au long de l’été, plusieurs documents officiels sont venus confirmer le rôle moteur joué par l’Education nationale dans la mise en œuvre d’un dispositif surréaliste, hors de prix (à terme, la généralisation du SNU devrait coûter chaque année 2 à 3 milliards d’euros au budget éducatif), porteur d’une idéologie délétère :

La circulaire de rentrée consacre tout un paragraphe au SNU, « projet d’émancipation de la jeunesse, complémentaire de l’instruction obligatoire », omettant une nouvelle fois de signaler que cette émancipation passe par la coercition et la punition (lourdes sanctions prévues à l’encontre des réfractaires). Avant l’annonce de l’annulation, il avait été prévu d’inverser les 2 étapes du SNU et de reporter la période d’internement (appelée “séjour de cohésion”)… sur les vacances de Toussaint. Pas de quoi attirer les volontaires déjà nettement moins nombrex que prévus.

– Les nouveaux programmes d’éducation dite civique et morale (EMC) du cycle 4, élégamment publiés le 30 juillet (!) y font également référence dans l’inénarrable rubrique « servir son pays » (c’était déjà le cas des programmes 2018).

– Ces nouveaux programmes s’appuient sur un avis rendu par le Conseil supérieur des programmes (CSP) qui s’exprime une nouvelle fois comme la chambre d’enregistrement de tous les caprices de Blanquer : « Le service national universel (SNU) est un projet d’émancipation et de responsabilisation des jeunes filles et des jeunes garçons qui poursuit, selon une perspective différente, les mêmes objectifs de formation civique que ceux visés par l’instruction obligatoire (…) » Une émancipation par la soumission aux ordres, l’abrutissement en uniforme et le culte des symboles nationaux.

Des instructions interministérielles (Santé, Education, Intérieur, Outre-Mer) s’attardent, sans le reconnaître ouvertement, sur les difficultés rencontrées dans l’organisation de la mission d’intérêt général de 12 jours. Car les difficultés ne manquent pas. Il apparaît notamment qu’à l’heure actuelle un certain nombre de volontaires du SNU 2019 n’ont toujours pas réalisé leur mission. Si le contexte sanitaire est mis en avant, il est plus probable qu’il faut en chercher la cause dans la nature même de cette mission bien mal nommée, très éloignée, par exemple de celle attendue du service civique ou de toute autre forme d’engagement basé sur le volontariat. Car une mission de 12 jours (ou 84 heures), exigée de force (dans le cas de sa généralisation) restera d’abord une corvée pour le jeune qui n’est pas volontaire mais simplement requis, comme pour le service chargé de s’en occuper. La lourde insistance avec laquelle l’instruction ministérielle susdite cherche à orienter ses destinataires vers une sorte de réserve sanitaire, scolaire ou sportive, susceptible d’épauler les personnels des maisons de retraite, des EHPAD, des « vacances apprenantes » ou du soutien scolaire, tombe d’autant plus à plat que, comme il a déjà été signalé, la très grosse majorité des volontaires du SNU 2019 mais aussi du SNU 2020 est principalement motivée par les métiers de la sécurité. Une constatation qui confirme que cette mission d’intérêt général (on imagine d’ici les difficultés logistiques lorsqu’elle s’adressera non plus à 2000 jeunes volontaires comme en 2019 mais à 800 000 non volontaires d’une classe d’âge…) est une escroquerie dont la fonction est avant tout de justifier aux yeux de l’opinion publique (et des enseignants ?) – entretenue par des médias rendus fous par ces images de jeunes braillant leur Marseillaise au garde-à-vous devant le drapeau – ce qui demeure l’objectif principal du SNU : élargir à l’ensemble de la scolarité obligatoire la dimension militaire et identitaire de l’éducation civique.

– Une priorité concrétisée par un décret (1) présenté en conseil des ministres (30/07/2020) par les ministres de l’Education et des Armées, toujours aussi fusionnels. « Projet ambitieux pour la jeunesse, le service national universel (SNU) a pour objectif de renforcer la cohésion nationale en faisant partager les valeurs de la République et en développant l’expérience de la mixité sociale et territoriale pour l’ensemble d’une classe d’âge. Le dispositif entend également développer la culture de l’engagement etc… » Rhétorique habituelle autour des inépuisables valeurs de la république qui autorisent toutes les manipulations, toutes les impostures, une rhétorique qui s’est imposée au fil des ans dans le cursus des élèves, notamment par l’intermédiaire des programmes d’EMC, dévoyés par une symbolique identitaire (ou patriotique) et militaire omniprésente, relayés par l’appel à un hypothétique devoir de mémoire ou encore par l’éducation à la défense qui, depuis 1982, s’est incrustée dans les programmes scolaires.

Dans cette optique, le SNU sera donc précédé par « une phase d’information préalable et un temps de préparation, visant à informer les familles et à préparer l’appel des mineurs. Cette phase, principalement mise en œuvre au sein des collèges et lycées, va s’inscrire dans le cadre du parcours citoyen de l’élève et, en particulier, de l’enseignement moral et civique dispensé dès l’école élémentaire et pleinement convergent avec la finalité du SNU. » Autrement dit : en vue de faciliter sa mise en œuvre et son acceptation par les familles et les élèves, le SNU devrait faire l’objet, au sein des établissements, pendant les heures de cours, d’une information à sens unique, c’est-à-dire d’un bourrage de crâne délivré par les enseignants. Confirmant ainsi que la liberté de conscience dont les programmes font pourtant officiellement grand cas, s’arrête devant les prescriptions quasi totalitaires d’une certaine éducation civique.

(1) Le projet de décret a été à trois reprises unanimement rejeté par le comité technique ministériel de la Jeunesse et des sports.

Notons quand même, dans ce décret, cette curieuse formulation qui fait du séjour de cohésion une possibilité (« …peuvent participer »). Et non une obligation ? « Les Français recensés, âgés de moins de dix-huit ans, peuvent, dans la limite des places disponibles, participer à un séjour de cohésion organisé par l’Etat. Ce séjour consiste en une période de vie collective avec hébergement. » Une interrogation à rapprocher du communiqué du conseil des ministres évoquant la généralisation du SNU « à terme »… sans plus de précisions.

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