Ce livre comme un éloge au sol, un retour aux sources. Le sol comme un tout, comme une clé, comme une mémoire. Le texte de cet album avec sa structure répétitive nous plonge dans un long poème, une ode à la puissance de celui qui nous porte du début à la fin de notre courte vie. Au fil du livre le sol est tantôt soutien, support, secret, soldat, semis. Il est un tout aux versants multiples et oubliés, piétinés.

L’album nous invite à ralentir pour (re)prendre le temps de se pencher sur la richesse qui existe sous nos pieds et qui est parfaitement illustrée par Maya Mihindou dont les dessins regorgent de couches et de sous-couches, de strates variées. Le personnage que l’on suit tout au long des illustrations mérite qu’on s’y arrête : iel ne s’attache à aucune norme, parfois pieds nus, parfois torse nu sans que ce ne soit jamais souligné. Iel est simplement présent.e, ancré.e, observant le pouvoir de celui qui nous porte.
Il est pourtant saturé le sol, bousillé le sol. On lui a pris ses droits au sol. A coup de bétonisation. On l’a desséché, inondé le sol. On lui a posé des frontières comme des murs infranchissables. On l’a morcelé, le sol. Alors que comme le rappelle si joliment et si poétiquement Lou Sarabadzic il a quelque chose de magique le sol. Et malgré tout, contrairement à l’homme, il est « humble », le sol, « invisible ».
Il est semis, le sol
Le seul à faire surgir
De l’attente un fruit mûr

L’album nous ouvre le sol en tranches et nous montre tout « le travail colossal » et toutes « les batailles qu’on ne soupçonne même pas » sans ton moralisateur ni discours d’urgence climatique. Il nous rappelle simplement et doucement comme il nous est indispensable le sol. Sans aucune figures mystiques ni pouvoir prophétique. Le sol n’est pas appelé la terre, non, il est simplement le sol. Ni plus, ni moins. Mais tellement tout, le sol.
Un véritable coup de cœur tant pour l’écriture simple mais très poétique que pour les illustrations riches et déconstruites des normes sans lourdeur ni explicitation. A partir de 3 ans.
Lou Sarabadzic (texte) et Maya Mihindou (ill.), Seul le sol, éd. Cambourakis, 2024, 48 p., 15 €.