Communiqué commun de la Coordination nationale de l’Éducation (Chaîne des Bahuts et des Écoles), des Stylos Rouges et de la Coordination Lycéenne Nationale du samedi 16 mai 2020
Après deux mois de lutte contre l’épidémie, Blanquer n’a rien appris. En affirmant le 11 mai, jour de réouverture des écoles à marche forcée, qu’il y avait pour les enfants « plus de risques à rester chez soi que d’aller à l’école », le ministre fait à nouveau la preuve de son déni du réel, toujours prêt à dire n’importe quoi qui rentrerait dans son plan de com’. Pourtant, l’épreuve de la réalité lui inflige un démenti permanent.
Ainsi, dans un désordre complet, certaines écoles ont recommencé à accueillir des élèves mardi 12 mai, d’autres jeudi 14, tandis que beaucoup ne commenceront que ce lundi 18, ou bien le 25, voire à une date indéterminée. Légitimement, certaines mairies comme Aubervilliers et Stains (93) ont décidé de maintenir la fermeture jusqu’en septembre, tout comme la région Normandie, la Corse, la Guyane ou la Martinique pour leurs établissements.
Dans les écoles rouvertes, seule une poignée d’élèves est accueillie… et encore, seulement certains jours de la semaine. Blanquer a beau se pavaner pour répéter que 80 à 90 % des écoles ont rouvert cette semaine, mais le nombre réel d’élèves est lui souvent infime, jusqu’à 1,6 % en Corse : le fiasco de cette prétendue reprise apparaît clairement. Côté enseignant·e·s, cette réouverture chaotique pourrait signifier aussi de continuer le distanciel en même temps que le présentiel, même sous une forme déguisée, ce qui serait une double charge de travail impossible.
Les prétentions soi-disant « pédagogiques » du gouvernement ont fait long feu, elles aussi. Le « protocole sanitaire » du ministère multiplie les injonctions inapplicables, voire maltraitantes : empêcher les enfants de se déplacer dans la classe, empêcher les enseignant·e·s de les aider individuellement, proscrire les jeux collectifs, voire empêcher toute socialisation…
Les reportages diffusés dès le 12 mai ont jeté la lumière sur les conditions d’accueil réelles, et provoqué l’émoi chez de très nombreux parents. Ce n’est pas « l’école » que Macron, Philippe et Blanquer ont rouvert, mais bien une « garderie carcérale ».
Quant à la prétention du gouvernement à « lutter contre les inégalités », non seulement elle est démentie tous les jours dans les faits, mais de plus les enfants revenant à l’école ne sont en fait pas les élèves en décrochage ou en difficulté, sauf à la marge. De même pour la « priorité » affichée aux enfants en situation de handicap, alors qu’il est impossible pour les AESH de respecter les distances et que les moyens manquent plus que jamais.
L’étude de l’Institut Pasteur sur un lycée de Crépy-en-Valois (60), avec jusqu’à 60 % de contamination chez les personnels non-enseignants, avait montré que les établissements scolaires constituent des clusters en puissance. De fait, suite à des cas soupçonnés ou avérés de COVID—19, des écoles et collèges referment les uns après les autres partout en France*, en zone verte comme en zone rouge, de Chauvigny (86) ou Valbonne (06) à Avesnes-sur-Helpes (59) ou La Celle-Saint-Cloud (78), en passant par Orléans ou Marseille. C’est dans ce contexte que ce vendredi 15 mai, un enfant de 9 ans est mort à Marseille d’une forme proche du syndrome de Kawasaki, provoquant nouveaux doutes et incertitudes.
À la veille de la réouverture des collèges en zone verte, cette vague de refermetures est un avertissement sans appel pour un ministre inconscient. La conclusion de bon sens devrait être, pour Blanquer, de se conformer enfin à l’avis du CHSCT ministériel du 3 avril, voté par la FSU et FO, préconisant « un dépistage généralisé des personnels et des élèves comme préalable à toute reprise d’activité ». Comment, alors qu’un député lui demandait le 6 mai pourquoi les enseignant·e·s n’étaient pas testé·e·s comme dans d’autres pays, le ministre a-t-il pu oser répondre sur LCP : « Il n’y a pas pénurie de tests, mais il ne faut pas les gâcher » ?
Après avoir sciemment refusé de suivre l’avis du Conseil scientifique du 20 avril de fermeture des classes jusqu’en septembre, le gouvernement est aujourd’hui confronté aux conséquences de son irresponsabilité. Tout, dans les faits, confirme la revendication de la Coordination nationale de l’Éducation, des Stylos Rouges et de la Coordination Lycéenne Nationale : fermeture des écoles, collèges et lycées jusqu’en septembre, avec un véritable plan d’investissement pour accueillir les élèves dans les meilleures conditions sanitaires et pédagogiques.
Pour ne pas admettre le fiasco actuel, des pressions inacceptables ont lieu à tous les niveaux, comme à Ville-d’Avray (92) où la mairie a fait pression sur les personnels devant garder leurs enfants, ou au Mans où un IEN a menacé les personnels après qu’ils ont prévenu les familles d’une suspicion de COVID dans leur école ; suite à leur réaction de bon sens, la rentrée est reportée.
Rappelons que c’est le droit le plus strict des personnels que de se retirer d’une situation de danger grave et imminent. Après ses atermoiements et les pressions sur les premiers droits de retrait début mars, la hiérarchie doit arrêter de jouer avec nos santés : en niant le droit du travail, elle prend même le risque de s’exposer à une « faute inexcusable de l’employeur ».
Non seulement, les personnels ne bénéficient pas de masques FFP2, mais même les masques chirurgicaux ou « grand public » sont souvent absents ou en nombre insuffisant. Tout montre le caractère irresponsable de Macron, Blanquer et de son administration. Cette « gestion chaotique du COVID—19 dans les écoles » est désormais aussi dénoncée par des hauts fonctionnaires du ministère, dans leur tribune parue jeudi 14 mai dans le Café Pédagogique.
En plus d’avoir institué un semblant de « garderie carcérale » sans doute amenée à perdurer, c’est bien un danger grave que la réouverture des écoles fait peser sur la santé des personnels, des élèves et de leurs familles, et in fine sur la santé publique.
La Coordination nationale de l’Éducation réitère donc son appel aux personnels à ne pas accepter d’être mis dans des situations de danger grave et imminent, qui ne leur laisseraient d’autre choix que d’exercer leur droit de retrait. Là où ce droit est contesté par l’employeur, elle appelle les personnels à rendre publique cette décision et à faire usage de leur droit de grève pour sauvegarder leur santé, et celles de leurs élèves et de leur famille.
(*) Carte collaborative des re-fermetures des écoles : https://framacarte.org/m/76244/