Roman-jeunesse ? Roman tout court ? On ne sait, mais on est sûr en tout cas d’être devant un livre très fort, une vraie réussite littéraire.
C’est l’histoire de Mila, une adolescente qui vit avec ses parents la suite d’un drame familial, et qui revient sur l’île de ses vacances d’enfant, à Lampedusa : un ton juste, sans complaisance, un cadre bien situé, sans forcing sur la « couleur locale ». En parallèle, des récits tendus de ces jeunes qui quittent l’horreur érythréenne pour passer des chemins tout aussi horribles ; une écriture qui donne une grande force à l’expression de ces expériences si mal connues (en France, il a fallu l’épisode des migrants de La Chapelle pour que quelques journaux nous parlent de l’Érythrée).
L’écriture, parlons-en : quelques trouvailles au fil du récit, la crainte du lecteur que celui-ci s’alanguisse comme parfois, et puis une fulgurante description de la traversée d’un groupe de jeunes migrants, un chef d’œuvre qui mérite à lui seul qu’on se procure l’ouvrage. Un peu plus avant encore, une réflexion sur l’acceptation : faire avec n’est pas se résigner, ni tourner la tête, mais faire ce que l’on peut faire, dans la ténacité d’un engagement.
Profitez de cette grande richesse : un roman qui parle bien du mal, de nos maux. (JP-F)
Refuges, Annelise Heurtier, Casterman (romans), 2015, 233 p., 12 €.