Le concept d’éco-pédagogie a été créé par Francisco Gutiérrez, un chercheur du Costa Rica qui est un spécialiste de la pensée de Paulo Freire. Au Brésil, le principal centre d’éco-pédagogie est l’Institut Paulo Freire. L’éco-pédagogie vise une conscience planétaire. Selon Gadotti, les principes de l’éco-pédagogie sont les suivants : 1) La planète est une communauté unique 2) La terre mère comme un organisme vivant et en évolution 3) Une nouvelle conscience qui sait ce qui est soutenable, pertinent et fait sens pour notre existence 4) La tendresse pour cette maison. Notre adresse est la terre 5) La justice socioéconomique : la terre est un grand pauvre, le plus grand de tous les pauvres 6) Une pédagogie biophile (qui défend la vie) : participer, communiquer, partager, problématiser, mettre en relation, s’enthousiasmer 7) Une conception de la connaissance qui admet qu’elle ne peut être intégrée que dans le partage 8) La promenade avec sens (vie quotidienne) 9) Une rationalité intuitive et communicative : affective et non instrumentale 10) De nouvelles attitudes : rééduquer le regard ; le coeur. 11) Une culture de la soutenabilité : écoformation. Elargir notre point de vue. Il existe une Charte de la Terre en éducation qui constitue le manifeste de l’éco-pédagogie.
Ci-dessous traduction de :SIGFRIDO LANZ DELGAD « Ecopédagogie et culture prédatrice » Revista Cubana de Educación Superior No 2/ 2005
Introduction :
L’humanité est confrontée actuellement à une situation cruciale. Nous pensons que la civilisation occidentale moderne vie ses derniers moments. Il est clair cependant que la limite définitive n’est pas au prochain tournant. Concernant la modernité et le capitalisme, nous en aurons encore pour un moment. Mais il ne fait aucun doute que cette civilisation est entrée dans sa phase d’agonie. Beaucoup de voix nous avertissent de cela. Nous nous trouvons à un « moment crucial » affirme Capra, « Nous nous affrontons à une crise généralisée de la civilisation » ajoute Boff, « nous nous trouvons au point où nous pouvons occasionner notre propre destruction » renchérit Elias Capiriles, « nous devons fonder une nouvelle civilisation » déclare Dos Santos. « Ce monde n’est plus utile », pouvons nous lire dans le mensuel vénézuelien, Question. Pour nous, il ne fait pas de doute que nous traversons une conjoncture dans laquelle comme le signale Laszlo, le chemin bifurque et nous devons prendre une autre direction. […]
L’agonie de la civilisation
Les réalisations qui ont eu lieu au XXe siècle ont mis fin à la confiance que les humains pouvaient avoir en leur futur proche. La série d’événements qui a eu lieu durant ces ultimes décades de l’histoire humaine ne nous rend pas optimiste. Dans le Nord et le Sud, dans l’Est et l’Ouest, ce que nous observons est une tragédie. Nous sommes entourés par une réalité misérable, malheureuse et angoissante. Ici et là, se détachent des famines et des guerres. D’aucun côté, nous ne remarquons que nous avançons vers un futur meilleur. A l’horizon, il n’y a ni progrès, ni développement en vue. […]
Qu’est-ce qui nous attend plus avant ? Nous ne le savons pas avec assurance. […]
Nous n’exagérons pas si nous caractérisons le XXe siècle comme un siècle de guerre et de mort. Il condense « l’histoire de l’inhumain ». Plus de 100 millions de personnes ont perdu la vie du fait des conflits belliqueux qui se sont déroulés en divers lieux durant le siècle passé. Il est certain que le XXI siècle semble devoir être pire par ce que nous pouvons observer. La persistance dans le temps des mêmes événements, nous permet de penser dans les termes d’Agnès Heller qui nous dit que « Les même vases sanguinaires de la culture moderne transportent les virus du mal du XXe siècle ». Il semble, continue à nous dire Heller, que : « ce que nous appelons civilisation comme caractéristique de la modernité n’a pas un seul visage, mais deux : un qui pointe vers le bonheur et le bien-être et un autre qui a un visage de mort et de barbarie ». C’est le cas de la Première et de la Seconde Guerre mondiale, de l’holocauste juif, d’Hiroshima et Nagasaki, du conflit serbo-bosniaque, plus récemment des tueries au Rwanda, en Afghanistan et en Irak, entre autres terribles événements. Ce ne sont pas des accidents historiques, mais des conséquences logique de l’évolution de ce modèle d’organisation économico-social qui a dominé la vie occidentale dans les derniers cinquante ans. C’est ce que soutiennent également des intellectuels comme Herbert Marcuse et Walter Benjamin, membres de l’Ecole de Francfort. Ces derniers pensaient que l’histoire n’est pas comme on le pense une long chemin parcouru par l’humanité en route vers le progrès, mais une montagne de ruines qui monte vers le ciel. C’est pour cela, que pour eux, Auschwitz a été le sommet de cette tendance qui était latente dans le monde occidental, et qui représente « l’irruption sur la surface de la Terre de son sombre enfer, la conclusion d’une longue trajectoire déjà marquée par la violence des croisades, des conquêtes du Nouveau monde, le génocide des Arméniens et les massacres technologiques de la Première guerre mondiale » (Traverso). Cette tendance à la violence que nous soulignons dans l’histoire contemporaine est générée, selon l’Ecole de Francfort, par la maladie qui s’est emparé de la raison. Cette maladie de la raison a à voir avec l’effort des hommes pour dominer, soumettre et exploiter la réalité naturelle et sociale. Sa naissance est associée à l’apparition de la science moderne, et également au positivisme. La première comme nous le savons a fait de la connaissance un instrument de contrôle de la nature et de domination sur les propres hommes. La seconde a liquidé la capacité critique de la raison des Lumières en la soumettant à la dictature exclusive des faits naturels et sociaux, et a fait de la raison un simple instrument. Par cette maladie de la raison, toutes les choses du monde, y compris les hommes et les femmes, sont devenus de simples instruments au service des idéaux de domination. La dévastation écologique, le culte de la performance, l’enthousiasme pour la technologie, le racisme, la course aux armements et la dette extérieure, sont des exemples de là où peut nous conduire cette ardeur irrationnelle à tout dominer. Mais c’est la production de l’arme nucléaire qui est la preuve la plus confondante de l’emprise de la raison instrumentale à s’ériger en âme du monde, emprise qui peut nous coûter notre propre survie. Le pouvoir nucléaire accumulé en ce moment par les pays qui sont parvenus à contrôler l’énergie provenant de l’atome est capable de détruire plusieurs monde comme celui-ci. Notre planète abonde déjà en armes nucléaires. En outre, nous avons des sites d’énergie nucléaire partout, qui n’ont rien de sécurisés comme nous l’a montré l’exemple de Tchernobyl. Les substances radioactives sont un autre des dangers qui dérivent de l’industrie nucléaire. Ces substances sont cancérigènes, capables d’altérer le code génétique des être humains quand on les trouvent en fortes concentration. Aujourd’hui, la quantité de ces substances qui ont été injectées dans la biosphère sont tellement élevées que pour certains (comme Capriles) qui sont des connaisseurs de cette question, il est déjà trop tard pour empêcher notre dégénérescence biologique et y compris notre extinction. Cependant, on continue à produire des réacteurs nucléaires en fabriquant des armes nucléaires et en les expérimentant avec des explosions contrôlées.
De cette manière, on développe la concentration de substances radioactives dans l’écosphère et on approche davantage la possibilité d’une autre grande catastrophe atomique. Un autre risque nous menace. Cet autre danger découle de la même logique instrumentale qui sous-tend le système dans lequel nous vivons et qui a à voir avec la croyance en la croissance matérielle indéfinie […] Par cette obsession de la croissance, les causes des problèmes qui aujourd’hui menacent l’homme et la terre sont laissés de côté et occultés. L’intérêt pour la croissance fait que les effets pernicieux que la recherche de la croissance provoque dans le milieu environnemental naturel sont minimisés et justifiés. Si les pays veulent démontrer qu’ils progressent, ils doivent démontrer qu’à la fin de chaque année leur économie a cru plus que l’année antérieure. Plus la croissance est grande, plus grand sera le développement. C’est en cela que consiste le mythe du développement illimité sur lequel s’est élevé le monde moderne. On a pensé aveuglément en termes de ressources et que celles-ci sont illimitées. « Nous nous mouvons à l’intérieur de deux infinis concrets, dit Boff : l’infini des ressources naturelles et l’infini du progrès dans la direction du futur ». En accord avec des ambitions infinies, la nature est une source illimitée de biens à la libre disposition des personnes. Les travailleurs sont également un de ses moyens, ceux-ci sont des ressources humaines au service de la production économique et des maîtres de celle-ci. Dérive également du développement, cette idée selon laquelle le sens de notre vie est associé à celui de possession et de propriété. La « propriété est sacré » affirme une phrase qui est dans la constitution, les lois, les règlements et la mentalité mondiale. On entend que c’est en s’appropriant les choses que nous pouvons bénéficier de leur existence. Ainsi, nous nous approprions la terre, les animaux, les plantes, les choses que nous fabriquons, y compris les propres être humains. Seule la propriété entière, génère une satisfaction entière. Nous croyons que la propriété nous rend libre. Mais la propriété nous isole, elle rend égoïste, ce qui conduit à ce que la vie sociale soit conflictuelle et moins supportable pour tous.
Aujourd’hui nous savons que le progrès et la croissance sont insoutenables. Nous sommes en train de détruire Gaia, notre mère terre, comme l’appelle Lovelock. La situation a conduit à un niveau tel que toute la vie de la planète est en danger. Gadotti nous averti que nous arrivons à l’ère de l’extermination : « nous avons évolué du mode de production au mode de la destruction ». Et comme conséquence de cette mutation, nous devrons faire, dans un futur proche, un grand effort pour reconstuire la planète. Il nous reste moins d’un siècle peut être pour décider de ce que nous devons faire à avant la « Grande bifurcation ». Ou nous continuons jusqu’à la destruction, ou nous nous dirigeons vers un autre mode de vie, cette fois intégratif, écologique et spirituel.
Nous sommes obligés de corriger la direction. C’est une condition de vie ou de mort. Il n’y a pas ici de moyen termes. Mais là où se manifeste le symptôme le plus douloureux du mal être de la civilisation, c’est dans le mauvais traitement que l’homme inflige à l’homme. Il se présent, selon Boff, sous la forme du manque de soin, d’attention. Boff nous dit à ce sujet : « Il existe un manque de soin et d’attention à l’égard des enfants, au sujet de la vie des pauvres, des victimes de la faim, de ceux qui manquent de logements, à l’égard de ceux qui n’ont pas d’éducation, de santé, d’eau potable. Nous nous retrouvons sans soin et attention au sujet du destin des retraités et des chômeurs, ainsi que ceux qui sont exclus du travail, que nous traitons comme de déchets sociaux ». Il y a manque de soin et abandon des principes qui promeuvent la sociabilité. Les personnes s’isolent chaque fois plus et se réfugient dans la culture du spectacle, du faux divertissement médiatique. La communication et le dialogue sont dépassés par l’image télévisée. Il y a un manque de soin relativement à la dimension spirituelle de l’être humain qui se voit substitué à l’adoration et à la recherche de plaisir chrémastitiques. On ne cultive pas l’émotion et le coeur, mais seulement la raison.
On observe le manque de soin et d’attention au sujet des affaires publiques : on demande aux États qu’ils restreignent leur dépenses et qu’ils s’occupent d’avantage à rembourser les organismes financiers internationaux. Boff nous dit que « nous avons régressé vers la barbarie la plus atroce ». Nous ne pouvons pas continuer de cette manière. Un autre monde s’avère nécessaire et il est possible de le faire advenir si nous changeons nos croyances.
Le paradigme écologique
Comme alternative au mode de vie dominant dans le monde occidental moderne, prend forme depuis les années 1980, une proposition de critique radicale plus suggestive qui s’appuie sur une vision unificatrice de la réalité. Il s’agit du paradigme écologique, considéré par certaines personnes comme la seule alternative anti-système de notre époque et comme le discours qui a la plus grande profondeur critique. Ce que propose l’écologisme comme sortie n’est rien de plus et rien de moins qu’une nouvelle civilisation avec une autre logique de développement assise sur le qualitatif plus que sur le quantitatif. La forme de vie qu’il défend sont des communautés et est naturelle, par opposition à l’artificialisme de la consommation : la commune est la forme d’organisation sociale. A son sujet, Mélich nous dit : « l’écologisme nous présente une vie alternative non prévue jusqu’à présent par les autres systèmes de pensée : le libéralisme et le marxisme ». La même tentative d’harmoniser la social avec le naturel se retrouve en tant que philosophie vitaliste et planétaire, comme une espèce de néo-humanisme naturiste et comme réponse à un capitalisme qui tourne le dos à l’homme et à la nature. La perspective écologiste s’alimente à différentes sources de pensée qui vont de la physique quantique jusqu’aux philosophies mystiques orientales, en passant par la théorie critique, la théologie de la libération, la pensée complexe d’Edgar Morin, l’hypothèse Gaïa de Lovelock et une bonne part des cosmogonies indigènes d’Amérique latine. Entre tout cela, il y un point commun à savoir celui de considérer l’unité absolue de la réalité. Capra, par exemple, un physicien, dans son extraordinaire texte « La trame de la vie » présente son idée du monde comme un tout intégré, il reconnaît l’inter-dépendance fondamentale entre tous les phénomènes, ainsi que le fait que nous sommes immergés dans des processus cycliques de la nature. C’est également un point de vue développé par Laszlo dans son œuvre « Le cosmos créateur » où l’auteur nous montre que la réalité constitue une totalité sans joints, ni coutures, dont les éléments forment organiquement partie d’un tout, par le fait que ces éléments sont en contacts. De la même manière, Frei Betto, dans son beau livre « L’oeuvre de l’artiste » souscrit à la version unificatrice sur laquelle s’appuie le paradigme écologique. Michael Talbot également est un partisan de cette perspective relationnelle qui est exposée dans son œuvre « Mysticisme et physique moderne ». Une chose similaire est défendue par Edgar Goldsmith dans son travail : « Le tao de l’écologie ».
Le principe central du paradigme écologique c’est que « tout se connecte avec tout dans tous les points » et le principe écologique explicatif de la réalité est que « le tout est plus que la somme des parties ». Ce principe nous pouvons l’appeler le principe de la causalité systémique. En accord avec cela : « toute la nature est unie par des liens invisibles et chaque créature organique, pour aussi simple qu’elle soit est nécessaire pour l’existence de l’autre au sein des myriades de formes de vie qui peuplent la terre ».
En accord avec cette manière de penser, rien n’est de trop dans ce monde. Tout ce qui occupe un lieu sur terre est nécessaire et à un sens. Pour l’ensemble du genre humain, cela signifie que chaque personne qui peuple le monde est aussi importante que les autres. Personne n’a plus de valeur qu’une autre. De telle sorte que le paradigme écologique postule une manière de vivre plus conviviale, plus tolérante, dans laquelle la solidarité se déplace vers la compétitivité, le dialogue vers le monologue, la communication vers l’isolement, le collectif vers l’individuel. Cette direction est celle vers où doivent se diriger les efforts des hommes et des femmes qui habitent la planète actuellement. Comme nous le pointions auparavant nous avons le malheur de faire l’expérience d’un monde présentiste. Un monde misérable parce il est plein de misère matérielle et spirituelle et qui est sur le point de liquider le genre humain dans sa capacité de rêver d’un matin rédempteur.
L’écopédagogie
Mouvement social et politique, l’écopédagogie dérive du paradigme écologique. L’idée centrale qu’elle défend c’est former pour que nous apprenions à penser globalement en termes de totalité, en ayant comme référent majeur la terre. L’écopédagogie n’est pas un mouvement strictement éducatif, mais un mouvement social et politique qui questionne le mode de vie occidental prédateur de la nature et de l’être humain. Pour l’écopédagogie, ce modèle social, identifié pleinement avec les concepts de progrès, de développement et de croissance économique, est ce qui cause la dangereuse crise écologique de la planète comme l’énorme croissance du nombre d’êtres humains qui vivent en situation misérable. A partir de la perspective écologique, tous les problèmes sont interdépendants. Avec raison Josué de Castro a dit que « la pauvreté est notre plus grand problème écologique ». Cela signifie qu’entre l’injustice écologique et l’injustice sociale, il existe une identité de fond qui vient de la raison malade auparavant mentionnée. L’écopédagogie n’est pas un modèle pédagogique qui s’ajoute à ceux que l’on connaît déjà.
Le sens de ces propositions transcende l’espace de la classe, de l’école et de l’université et de tout le système éducatif. L’écopédagogie implique un modèle alternatif de dimensions globales où la préoccupation est « un nouveau modèle de civilisation soutenable depuis le point de vue écologique qui implique un changement dans les structures économiques, sociales et culturelles. Elle est unie à un projet utopique : changer les relations humaines, sociales et environnementales que nous avons aujourd’hui. Ici se trouve le sens profond de l’écopédagogie, celui d’une « pédagogie de la Terre » comme l’appelle Gadotti. Les pédagogies traditionnelles sont des pédagogies scolaires qui abordent seulement les problèmes de liens entre l’enseignant, les connaissances et les élèves. En outre, elles décontextualisent l’éducatif de l’environnement qui nécessairement l’enserre. Elles s’intéressent surtout à l’engagement éducatif de l’enseignant et des élèves. De là la recherche de résultats concrets qui mobilisent ces pédagogies. Ce n’est pas cela qui attire l’attention de l’écopédagogie à la lumière des problèmes économiques, sociaux et politiques que nous sommes en train de vivre. A cela, ce qui importe, c’est de connecter la réflexion et l’action éducative avec les besoins des hommes et des femmes dans la terre qui souffrent de pénuries et voir comment à partir de l’éducation nous pouvons les aider à sortir de cette situation. C’est pour cette raison que la pédagogie est un mouvement politico-social qui pointe vers la construction d’un autre mode de vie dans lequel il n’y a pas de lieu pour les inquiétudes que traîne avec lui l’actuel système capitaliste mondial. A partir de l’écopédagogie, on reconnaît une responsabilité énorme qui confère à l’éducation la construction d’un autre modèle de monde. Dans cette direction, l’éducation doit être réorientée vers la formation d’un citoyen convivial qui se pense comme un habitant d’une communauté planétaire. De là, l’idée d’une citoyenneté planétaire. La citoyenneté planétaire s’appuie sur la vision unificatrice contenue dans « l’hypothèse Gaia » selon laquelle « tous les êtres vivants forment une partie d’un immense organisme aux dimensions de la planète (…) tous nous appartenons à Gaïa ». Cela suppose une citoyenneté planétaire qui nous conduit à reconnaître que la nationalité de l’être humain, c’est la terre, que notre mère est Gaia, un super-organisme dans lequel nous sommes intégrés corps et âme. Néanmoins, les problèmes qui sont suscités dans une autre partie du monde ne doivent être étrangers à personne, car tout ce qui ce arrive sur terre se reflète également sur nous autre et vice-versa. De là naît l’engagement des hommes et des femmes pour « soigner la terre », notre foyer commun. « Je ne suis pas étranger, citoyen du monde je suis » évoque une mélodie d’un chant latino-américain qui résume bien le sentiment d’une citoyenneté planétaire. En percevant la planète comme une totalité unique, je perçois les autres comme des êtres humains qui l’habitent comme moi et les autres vivants comme des êtres familiers. De la même manière, si toute la terre est mon habitat, je dois me préoccuper alors de tous les problèmes qui affectent mes compatriotes de la terre comme ceux qui affectent mon foyer. De cette manière, le sentiment d’appartenir à une même humanité efface les différences pour des raisons géographiques, culturelles, de races, économiques et sociales qu’ont inventé les hommes et les femmes de notre monde, qui nous sépare les uns des autres et sont des sources de conflits permanents entre êtres humains.
La citoyenneté planétaire correspond à une éducation spirituelle. Elle dérive de la citoyenneté planétaire, d’un sentiment d’appartenance profonde à la planète terre et à tout ce qu’il y a en elle. Grâce à cela, nous nous retrouvons connectés avec tout ce qui nous entoure, formant une part d’un système unique, solide et commun. Principalement, nous dit Gadotti : « la planète nous conduit à sentir et à vivre notre quotidienneté dans la relation harmonique avec les autres êtres de la planète terre ». Au contraire des valeurs égoïstes que promeut la citoyenneté globalisée, la citoyenneté planétaire promeut des valeurs universalistes pour un monde de justice, sans exclusions, dans une environnement naturel et social sain. De même, cela promeut la croissance spirituelle et morale des personnes. C’est enfin que la citoyenneté planétaire n’est pas possible dans le cadre de la civilisation capitaliste. Elle correspond à une citoyenneté post-capitaliste.
La formation écologique
Pour penser en termes de citoyenneté de la terre, on a besoin de faire une déconstruction du système de croyances dans lequel on a formé le citoyen moderne. Celui-ci a été éduqué avec une mentalité individualiste, localiste et nationaliste, en outre il est prodigue et consommateur, il croit également que la nature doit être dominée par la science et l’exploitation intense et extensive. Les produits ou fruits de la propre nature, comme l’air, les eaux, les insectes, les plantes, les animaux … ont une valeur simplement instrumentale, ce sont des ressource à sa disposition, qui comme tel, ils peuvent être utilisées arbitrairement. Ainsi, nous savons qu’un hectare de forets valent moins qu’un gramme d’or, un gisement de pétrole vaut plus qu’un banc de poisson… Pour la vision du monde défendue par la modernité, on considère que tous les bénéfices que tirent les personnes « sont le résultat du progrès scientifique, technologique et industriel et que ceux-ci sont à notre service grâce au système du marché ». Ce sont des bénéfices qui dérivent seulement de l’effort humain, c’est la raison pour laquelle les produits culturels sont plus appréciés que les produits naturels. Ceux-ci sont donnés spontanément aux hommes par la nature et comme ils n’ont rien coûté à produire, cela n’a pas de valeur de s’en servir. C’est ici que se trouve le noyau de la pensée gaspilleuse et prédatrice dans le rapport de l’homme à son milieu naturel. De là, la destruction et l’absence de soi qui caractérise sa relation à la nature.
Une éthique écologique
L’écopédagogie implique de récupérer les valeurs associées à la spiritualité des êtres humains. Ces nouvelles valeurs s’insurgent nécessairement contre la culture du pouvoir basée sur la rationalité scientifico-technique que nous a inoculé la croyance de la supériorité de l’homme sur le reste des êtres vivants et sur l’autre genre, et par conséquent des pratiques de domination sur la nature et même l’homme. L’écopédagogie travaille à récupérer les valeurs de la subjectivité pour le respect de la diversité culturelle, la tolérance, la démocratie participative. Elle défend également les valeurs traditionnelles comme l’auto-détermination, l’organisation populaire, également elle s’identifie avec les valeurs de l’humanisme classique et le respect de son intégrité.
Nous avons dit auparavant que depuis une perspective écologique la réalité est un jeu de relations qui se connecte à tous avec tous. Dans une telle circonstance rien, ni personne n’est seul, ni se suffit à lui-même, mais au contraire, tous nous trouvons de l’entente avec tous pour ce dont nous avons besoin mutuellement. Dans un système interconnecté chacun occupe un lieu nécessaire dans le réseau de la vie. Cela signifie qu’il n’y a pas de centre privilégié, ni personne qui l’occupe. Une éthique écologique suppose alors que nous devions accepter que l’intérêt commun soit supérieur à l’intérêt particulier, ce qui implique de reconnaître également que la coexistence est le paradigme social qui donne du sens à notre existence. A ce sujet, Boff a raison de dire que l’être humain « vit de manière éthique quand il renonce à être au-dessus des autres pour être avec les autres ». L’écopédagogie fait que les être humains doivent être plus sensibles devant les problèmes dont souffrent le reste des autres hommes et femmes de la terre. De là le fait que la citoyen planétaire avec une mentalité écologique a la possibilité d’assumer des engagements sociaux et politiques afin de construire un autre modèle de vie radicalement distinct à celui dominant aujourd’hui entre nous. Par sa part, le processus éducatif, vu depuis la perspective écologique acquiert un caractère profondément éthique. L’éducation implique dans ce cas, l’engagement social et la participation à la politique dans le but de conduire à un autre type de société où on peut accomplir les rêves millénaires de justice, de paix et d’équité sociale. Aujourd’hui les possibilité de matérialisation de ces rêves sont impossible car l’éducation comme processus ethico-écologique s’inscrit dans une perspective éducative critique des sociétés contemporaines, une société qui essaie d’effacer son passer et d’occulter ses excroissances pour avancer sans obstacles vers l’accomplissement de ses buts de progrès économiques et ses rêves de développement scientifiques et technologiques.
Avec raison, Barcena et Melich, d’un côté, et Gadotti, d’un autre, et les pédagogues critiques à leur manière montrent que le principal défi aujourd’hui de l’éducation est de penser et créer un monde nouveau qui soit plus démocratique et plus juste. A partir de l’éducation, on peut contribuer à y parvenir, si nous changeons le sens de la pédagogie, en la sortant du sens exclusivement scolaire qu’elle a actuellement et que nous la regardons comme une pédagogie qui peut donner lieu à la naissance du nouveau, à l’irruption d’une citoyenneté planétaire, ainsi que comme l’émancipation de la pensée de la tyrannie scientifique. Actuellement, l’éthique est un fait central du débat éducatif dans ce que nous considérons comme la crise de l’agonie de la civilisation moderne. Nous avons signalé que nous nous trouvons à un croisement : une option nous conduit à l’holocauste, c’est le chemin non éthique, l’autre option nous conduit à la vie. Celui-ci dépendra que nous ayons maintenant un comportement éthique dans le sens que nous avons exposés ici. Une conduite éthique dans ce moment de l’histoire, c’est nécessairement une conduite écologique.