Menu Fermer

Prendre la parole depuis le silence où on nous a mis

L’enfant est étymologiquement celui qui ne parle pas. Et de fait pendant des siècles et des siècles, et un peu partout, encore, il y a tant d’enfants qui ne peuvent pas parler, qu’on n’écoute pas, dont on dénigre la pensée, comme la légitimité.

Pour tous ceux qui ne parlent pas et dont on parle, on a mis en place des statuts d’exception, tantôt de protection, tantôt de répression: la limite entre les deux est d’ailleurs bien fine.

Les féministes américaines telles que Sulamith Firestone avaient bien raison de prôner l’abolition de l’enfance (comme statut) en observant que c’est souvent sous couvert de protéger quelqu’un, ou par exagération de ses incompétences, qu’on l’empêche de s’exprimer et de vivre.

Il ne suffit pas à une organisation comme la nôtre de donner la parole à ceux qui ne l’ont pas, objectif par ailleurs très courant et passablement « protecteur », voire « supérieur ».

Non, il nous faut partager le silence où on plonge ceux avec qui nous vivons, éduquons et et travaillons; il faut que nous fassions l’expérience dans la réalité des dénis de droit, de la discrimination, des injustices …

Et cela nous le connaissons: refus des subventions municipales les plus élémentaires, refus d’accéder à un local et cet étrange traitement où les institutions nous adressent leurs situations les plus difficiles, tout en revendiquant pour elles mêmes légitimité, autorité et professionnalisme (le comble est parfois atteint quand c’est au nom de sa « professionnalité » qu’on explique son impuissance et qu’on nous renvoie ces situations).

Et cela juste parce que nous contrevenons: aux idées toutes faites, à la réalité officielle, aux discours d’impuissance et de résignation.

Prendre la parole depuis le silence où on nous a mis, suppose dans un premier temps d’accepter et d’habiter l’espace où on nous a placés: cela cela suppose de prendre conscience des discriminations, de l’implacable intrication d’empêchements qui sont banalement générés par les institutions et structures qui se donnent justement comme objectif de les combattre

Prendre la parole depuis le masque que l’on nous a mis, c’est s’accepter nègre, rrom, enfant, racaille, immigré, sans papier et sans droits, à chaque fois qu’il le faut. C’est assumer le masque pour retrouver la voix. Transformer l’opprobre en étendard, l’humiliation en fierté, l’anonymisation en identité, transformer l’impuissance en pouvoir, le rejet en conquête.

Une telle revendication des stigmates a été la voie empruntée par toutes les minorités opprimées dans les précédents siècles; elle est un chemin d’évidence, que nous montrent spontanément tous les enfants avec qui nous travaillons : quand ils réaffirment leur fierté ; leur jeunesse; leur force… à partir des stigmates qu’on leur a imposés.

Et notre travail à nous est celui de la conscience ; ne pas condamner, ne pas corriger, mais mettre des mots, donner de la voix, donner un porte voix, afficher , diffuser , publier et faire claquer toutes les voix discordantes dans le silence qui nous broie tous…

« On nous somme de corroborer l’image qu’ils ont tracé de nous afin que les paroles que nous n’aurons pas prononcées soient plus féroces et plus barbares que l’acte qu’ils ont commis. » Mahmoud Darwich poète palestinien »

Lire la suite…

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *