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Précarité : la vis sans fin

L’édito de la revue l’Émancipation syndicale et pédagogique n°2, octobre 2013

Le bilan de la rentrée Peillon fait apparaître encore et toujours plus de catégories de précaires, et instaure de surcroît une concurrence accrue entre les collègues.

Ainsi la nouveauté de cette année, ce sont des “contractuels admissibles”, qui ont passé le “second concours” de juin et enseignent sous statut précaire et avec un salaire totalement insuffisant pour vivre. Il y a aussi les collègues en CDI (contrat de droit privé et donc “licenciable”)… Et enfin les contractuel-le-s “classiques”, qui sont relégué-e-s (quelle que soit leur ancienneté) sur ce qui reste, quelques heures, sur plusieurs établissements, pour des durées plus ou moins longues. Puis s’il y a encore des remplacements de courte durée ou quelques miettes d’heures (moins de 200) sur l’année on y affectera les plus précaires des précaires : les vacataires. Ou les TZR (titulaires sur zone de remplacement), qui bien que titulaires servent de “variable d’ajustement”.

Il y a aussi – c’est nouveau, ça vient de sortir – les EAP (Emplois d’Avenir Professeur) censé-e-s être une espèce de pré-recrutement, les heureux/euses élu-e-s devant s’engager à passer les concours. Ces chanceux/euses, en plus d’être boursier-e-s, vont devoir travailler dans des établissements difficiles “en exerçant des missions d’appui éducatif’. Dans les faits, ils/elles finiront par remplacer les collègues absent-e-s (pour le ministère un sou est un sou!) ; ce statut ressemble étrangement à celui des assistant-e-s pédagogiques (les AP sont recruté-e-s à bac + 2 employé-e-s à mi-temps sous statut d’AED, donc sur contrat de droit public d’une durée totale de six ans maximum). Sans oublier les AED (Assistant-e-s d’Éducation), qui font 36 heures hebdomadaires là où les MI-SE en faisaient 28 et qui doivent s’ils/elles sont étudiant-e-s (sinon ils/elles font 41 heures) préparer des examens et des concours. Ce statut d’AED n’a plus rien à voir avec celui des “étudiants surveillants” qui permettait à des étudiants de poursuivre leurs études et pour un grand nombre, de passer ensuite les concours de l’Éducation nationale. L’Éducation nationale est devenue le plus capitaliste des employeurs, employant des gens pour six ans sans aucune perspective sinon d’accéder aux concours internes, et leur mettant des bâtons dans les roues si par miracle ils/elles ont encore assez d’énergie pour tenter de partir en formation.

Et les AVS qui ont maintenant, s’ils/elles ne sont pas recruté-e-s en contrat aidé, la possibilité de se voir proposer un CDI… attendons d’avoir du recul, pour voir si les licenciements ou les démissions dues à des affectations à l’autre bout d’une académie ne seront pas mon¬naie courante. Autre dysfonctionnement notable, les “reçu-collé-e-s” : ce sont des étudiant-e-s de Master 2 qui ont raté les concours et à qui l’on propose le redoublement pour les re-préparer ! L’an prochain cela sera pire, car l’échec au concours sera synonyme de ré-orientation, ils/elles ne pourront plus accéder aux M2 EEF (Master Enseignement, Éducation, Formation). Quant aux titulaires d’un Master 2, ils/elles n’ont le choix qu’entre deux options : se ré-inscrire en Master 1 ou préparer le concours par le CNED. Kafka serait parfaitement à son aise dans ce “foutoir” absolu, où les étudiant-e-s sont traité-e-s comme de la marchandise, de la “chair à canon” éducative !

Merci, M. Peillon, votre réforme de la formation accentue encore les effets du plan Chatel, elle amplifie la précarité et casse les solidarités en instaurant de la concurrence entre les collègues. Face à cela, ne faut-il pas une bonne fois pour toutes en finir avec la “masterisation” qui rime avec “précarisation” ?

Catherine Laurenti □

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