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Oui, j’ose apprécier Vincent Peillon et voici pourquoi…

Note du collectif d’animation : le texte qui suit nous a été proposé par son auteur et, après consultation du collectif d’animation nous avons décidé de le publier puisqu’il rentre dans la Charte de publication du site (articles et discussions sur les questions éducatives, pédagogies émancipatrices et luttes dans l’Education – nous refusons les propos diffamatoires, racistes, sexistes, etc. et les discours réactionnaires sur l’école).

Cependant “publication ne signifie pas adhésion”, les réflexions ci-dessous proposent un point de vue intéressant mais qui n’est pas celui du collectif d’animation (dans toute sa diversité), s’attachant aux propos du ministre sans les mettre en rapport avec ses actes et ses décisions. Comme cette rubrique s’intitule “Débat”, celui-ci est donc ouvert !

Le 19 octobre 2012,Vincent Peillon s’est entretenu pendant deux heures et demie avec l’équipe de Médiapart et ses invités. Difficile, pour le moins, de ne pas apprécier sa simplicité, son ouverture d’esprit, de ne pas reconnaître son ambition et sa conscience des difficultés.
A cette date, il ne pouvait imaginer le motif de sa première grève… le retour aux « 4 jours et demi » de classe par semaine.

Dans un débat organisé le 12 mars 2013 par Médiapart, Sébastien Rome qui osait apprécier la première mesure sur les « rythmes » a été accusé, par un petit procureur, secrétaire départemental du SNIUPP, de complicité avec un ministre qui « n’a rien à faire de l’intérêt des élèves » mais par contre est porteur des « intérêts touristiques » !

Un ministre appartenant à un gouvernement de plus en plus ouvertement social-libéral peut-il être porteur d’un véritable changement pour l’Éducation Nationale ? Question légitime…
J’ai pensé que la lecture de son tout récent livre « REFONDONS L’ECOLE » m’apporterait une réponse. Voici un court relevé de ses déclarations.

Vincent Peillon entend « veiller sans cesse à porter haut et fort l’école dans le débat public et l’arracher aux seuls spécialistes »
Il estime que l’école maternelle « doit être plus que toute autre l’école de la confiance en soi et de l’envie d’apprendre » alors qu’aujourd’hui elle «  tend à se transformer en préfiguration de l’école élémentaire, la GS notamment ressemblant de plus en plus à un petit CP »
Il invite à « examiner nos pratiques pédagogiques avec honnêteté (ainsi que) la relation entre l’élève et le maître, entre l’élève et le savoir.
Il conteste les « notations (précoces et tatillonnes, systématiques, non encourageantes), les redoublements nombreux, les devoirs à la maison… »
Il condamne cette «  école pensée comme machine à trier … l’abstraction seule excellence véritablement reconnue…survalorisation de certaines compétences » lieu de « production de l’échec (par) institutionnalisation de la compétition et de la souffrance de beaucoup de nos enfants, sans améliorer leurs performances. »

Il analyse les résultats des enquêtes internationales PIRLS et PISA et retient notamment que « nos élèves manifestent un manque de confiance en eux et une peur de l’échec qui contrarie leur réussite » ce qui le conduit à penser que « la France organise des ghettos, favorise les communautés, n’encourage ni la mixité sociale, ni la mixité scolaire… les écarts entre les résultats des élèves de l’Éducation prioritaire et les résultats des autres élèves s’accroissent. » et à constater que « l’école française …différencie, classe, hiérarchise les établissements et les filières plutôt qu’elle crée du commun mais aussi parce qu’elle organise dans le parcours des élèves de véritables ruptures : ruptures à chaque passage dans la classe supérieure, rupture entre primaire et collège » ce qui fait que « nous avons presque trois fois plus d’élèves en retard que les autres pays ».
Les études aboutissent au constat que « le redoublement est cher et inefficace …il aggrave le parcours scolaire au lieu d’apporter une solution aux difficultés rencontrées par les élèves » et pour lui « la vérité, c’est que notre système est malade du tri qu’il opère dès le plus, jeune âge entre ses enfants ».

Quand le ministre souhaite « faire évoluer la notation… (donc que) l’évaluation doit être formatrice et permettre un progrès » c’est parce qu’il pense, à l’opposé des idées dominantes que « une erreur n’est pas une faute par essence coupable. L’erreur est un des plus puissants moteurs de l’expérimentation et de la connaissance ».
Quand il évoque «une école où les enfants auront plaisir à aller. Ils apprendront l’estime d’eux-mêmes, la confiance, la maîtrise des compétences essentielles que sont la lecture, l’écriture, le calcul, le raisonnement. Les valeurs républicaines n’y seront pas un plat formalisme. Ils apprendront à se respecter, à coopérer, à s’entraider… » il ne rêve pas car cette école existe et je l’ai pour ma part rencontrée.

Il prévoit les procès à venir (ils ne manquent pas) « nous avons maintenu l’idée de socle commun de connaissances, de compétences et de culture, pour bien le distinguer d’une approche économiste…qui voudrait réduire la scolarité à une simple préparation au marche du travail…sorte de SMIC éducatif ». Il précise qu’il faut donner aux élèves « les moyens de se préparer au monde qui est le leur… (développer) la capacité à travailler par projet, à concevoir, à coopérer, à communiquer, à inventer, à créer ». Les procureurs trouveront sans doute là des similitudes avec les éléments de langage du management !
Il est cependant prudent et évite de souhaiter que « une seule école couvre la scolarité obligatoire » comme « dans de nombreux pays d’Europe »… Il pense bien sûr à ce qu’il est advenu du collège unique…

Et la morale ? Il se défend « Une éducation morale n’est pas un dressage. Elle est au contraire une réflexion sur le sens de l’existence, les grandes valeurs humaines, … la possibilité d’interroger tous les pouvoirs au nom de la seule valeur imprescriptible qu’est la liberté et la dignité de la personne humaine. » Toutefois une idée semble incongrue : il écrit qu’il faut «  penser une progression, penser à son évaluation ». On trouve l’explication qui révèle sa connaissance de la sclérose du système (Le Monde 23 avril) : « …ce qui est certain c’est que sans évaluation, comme sans horaire dédié, il n’ya aura pas de réalité de cet enseignement ».
Sclérose qu’il constate aussi dans son livre quand il parle des cycles qui « n’ont malheureusement pas été mis en œuvre », bien qu’instaurés par une loi d’orientation (Jospin 89) ce qui le conduit à affirmer que « l’état du système est tel qu’il ne suffit pas de le réformer, d’ajouter pour la énième fois, une réforme à une autre réforme. La refondation est nécessaire parce que ce sont les bases mêmes du système, ses fondements qu’il faut revoir. »

Autre sujet de procès : la décentralisation « amorcée en 1982, a également eu des conséquences majeures. 25% de la dépense d’éducation provient aujourd’hui des collectivités locales… Cette implication nouvelle des collectivités locales s’est accompagnée d’une plus grande ouverture de l’école sur son environnement et d’une réflexion renouvelée sur le rôle de ses partenaires ». Le secrétaire national du SNUipp- FSU présente ses réticences avec un rien de démagogie  (déclaration à Médiapart de Sébastien Sihr): « Pensez-vous sérieusement qu’un maire puisse commander une organisation scolaire contre l’avis des enseignants ?, contre les parents ? »)

Mais le ministre va plus loin et donne du sens à l’idée de coéducation (et au projet que je partage d’une « Société Éducatrice Décentralisée » ) : «  rien ne sera possible sans l’engagement déterminé des collectivités locales dont le rôle est de premier plan et doit être reconnu comme tel, ni sans le concours plein et entier des mouvements associatifs et de l’éducation populaire ».
Coéducation qui concerne en premier titre les parents : « Plutôt que les regarder avec suspicion, l’école doit les accueillir et les faire entrer avec confiance dans la communauté éducative. »
Grâce à cette décentralisation « des aménagements plus ambitieux (des projets éducatifs de territoire PEDT) seront possible dans le cadre de projets locaux… certains mettront en place des ateliers faisant intervenir ensemble des enseignants, des associations des parents et même des grands-parents ». Les enfants «  auront aussi davantage de responsabilité dans l organisation de la vie scolaire et la définition des projets pédagogiques ».

Quant aux enseignants : « … métier de conception, non de simple exécution » ils devront « pouvoir s’interroger, évoluer, se mettre en question, innover, partager avec d’autres ses expériences, ses interrogations, ses réussites aussi…» Enfin, « ils travailleront en équipe et participeront à des recherche…Ils travailleront avec les éducateurs, les animateurs, avec les élèves professeurs, avec les collectivités locales, avec les parents pour rassembler tous les acteurs de la communauté éducative autour de projets qui permettront la réussite de tous les élèves et dont ils auront l’initiative et la responsabilité ).

Vincent Peillon commence ainsi son livre :
« On vous souhaite bien du courage » c’est la phrase que j’ai le plus entendue depuis ma prise de fonction…Les ministres passent. L’administration reste » (c’est l’avertissement du chancelier des universités dans son discours d’accueil !). C’est aussi la pensée et l’espoir des conservateurs qui ne manquent pas dans le corps enseignant dont le syndicat majoritaire avait eu l’audace de signer « l’Appel de Bobigny » (sans avoir consulté sa base) et qui se trouve pris au piège de sa mise en pratique !

Les enseignants, les militants des mouvements pédagogiques et des écoles expérimentales qui traduisaient, dans leur pratique quotidienne, en dépit de l’hostilité institutionnelle et politique, l’essentiel des objectifs de cette refondation, ne peuvent que se féliciter d’avoir eu raison bien avant l’heure. Ils devraient se sentir encouragés, sans se laisser abattre par le découragement ambiant, et prendre appui sur les projets de leur ministre pour entraîner leurs collègues, exiger des regroupements de volontaires, démontrer que cette refondation est possible et souhaitable.

Avec quelques raisons tirées d’une longue expérience, j’ose donc à mon tour apprécier Vincent Peillon ! Et j’ose même estimer qu’il faut remonter au Plan Langevin-Wallon pour trouver une ambition comparable.

Raymond Millot

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3 Comments

  1. Questions de classe(s)

    Oui, j’ose apprécier Vincent Peillon et voici pourquoi…
    On peut effectivement partir des déclarations du ministre et y chercher son miel… même si, comme disait l’autre, “les promesses n’engagent que ceux qui y croient…”.

    On peut aussi relever ce que le ministre ne dit pas :

    – sur la levée des sanctions de désobéisseurs
    – sur la suppression du service minimum en cas de grève
    – sur la journée de travail obligatoire
    – sur le culte du management dans l’éducation

    Il y aussi ce qu’il dit sur “l’esprit d’entreprise”, l’hommage du président à Jules Ferry, etc.

    Dans les années 70, le programme éducatif du PS évoquait l’autogestion de et à l’école, l’unification du système éducatif… des paroles bien plus fortes et on voit ce qu’il en a été

    G. Chambat

  2. bernard collot

    Oui, j’ose apprécier Vincent Peillon et voici pourquoi…
    Systématiquement, tous ceux qui se penchent sur le système éducatif, y compris les ministres de gôche, se gardent bien de toucher au bocal dans lequel s’agitent tous les acteurs de l’école et surtout les enfants et adolescents. L’éthique, certes, mais on garde bien le même cadre, sans qu’il vienne à l’idée que c’est peut-être le cadre lui-même qui est à briser. Relisez toutes les déclarations successives des uns et des autres : de belles paroles, finalement peu dangereuses à avaler.

  3. Valérie Guiffrey Parent

    Oui, j’ose apprécier Vincent Peillon et voici pourquoi…
    Oh ! Oui les belles promesses, on y va avec allégresse !
    Les enfants sont ravis et les parents aussi !

    Chic alors la Loi de Refondation, pour commencer une nouvelle réforme, les rythmes éducatifs.
    il fallait y penser : rajouter une demi journée par semaine pour redéployer du périscolaire (secteur en désolation) sans allonger le temps d’enseignement, je n’y avais pas pensé ! (je rappelle que nous restons à 24 heures d’enseignement hebdomadaire, je le redis parce que je me suis aperçu encore dernièrement que cette donnée fondamentale est loin d’être intégrée).

    Quand est-ce que l’on se penche sur l’urgence ?
    Un exemple les sureffectifs, un exemple parmi tant d’autres

    Et si au final je faisais l’école à la maison ? La fin des problèmes ? C’est à se demander !

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