KRONIKS des Robinsons et Graine d’Orties 5 cent 77
Éloge de la fuite?
Qui n’ a jamais entendu derrière les services téléphoniques informatisés, les voix douces enregistrées, les paroles pleines de politesse qui nous promettant contact, écoute et considération, … sourdre un tout autre refrain ?
[rouge]« Nous allons donner suite à votre appel »[/rouge], répètent à longueur de temps les répondeurs du 115, de la polyvalence de secteur, de la sécurité sociale , de la CAF, des hôpitaux… et nous comprenons tous très clairement ce que la formule dissimule et révèle à la fois: « Nous allons donner FUITE à votre appel ».
Le soin donné aux apparences, les précautions verbales, ne cherchent qu’à habiller de manière un peu plus respectable les intentions véritables des groupes ou des personnes qui les ont mises au point.
La vie nous apprend à lire et à décoder les faux langages qui n’expriment rien.
Quand la parole ne sert plus qu’à dissimuler la pensée, alors la vérité se fraie d’autres chemins à travers les failles, les lapsus, les non dits.
[rouge]Donner FUITE à nos appels[/rouge], c’est ce qui se trame à chaque fois qu’on masque des refus par des explications.
Côté pile: les services sociaux , les institutions concernées refusent et déboutent les demandes les plus légitimes et s’abstiennent de soutenir les actions les plus probantes
Côté face: Comme on ne fait rien pour changer les choses, bouleverser l’ordre établi, à la place on produit autre chose: une rationalisation, des prétextes, des postures et des convenance. Pour dissimuler y compris à soi même ses propres dysfonctionnements, on les érige en principes , puis on encourage les usagers et les bénéficiaires à se former pour les contourner.
[rouge]Donner FUITE à nos appels[/rouge] c’est pratiquer cette discipline sibylline qui consiste à ne jamais accepter le débat , le travail ou la réflexion autour des besoins sociaux saillants. En lieu et place on se contente d’égrener ce que l’on fait déjà, même si ça n’a aucun rapport. Le but est d’occuper l’espace et le temps du débat , et d’en boucher même la possibilité.
[rouge]Donner FUITE à nos appels[/rouge] c’est remplacer par des procédures, des formulaires, des répondeurs, … l’attention, la disponibilité et l’autonomie que l’on ne trouvera plus chez nos interlocuteurs.
[rouge]Donner FUITE à nos appels[/rouge] c’est prétendre n’être ni la bonne personne, ni l’instance concernée ; de récuser toute responsabilité ; de s’appuyer sur la défaillance des autres, de noyer le poisson et gagner du temps.
Il fut un temps où être professionnel, être un travailleur impliquait de développer des capacités de transformer la matière et les choses. On était professionnels parce qu’on produisait, qu’on modifiait.
Aux professionnels d’aujourd’hui, on ne permet plus cet impact. En lieu et place, on les incite à se parer de discours d’emprunts, de procédures de dégagement, et de tout un décorum de « comme si » , de faux intérêt et fausse prise en considération.
[rouge]A tout égard , le mot ‘FUITE » caractérise en effet assez bien le phénomène.[/rouge] On peut d’ailleurs le prendre dans ses deux sens bien distincts.
Dire que le système fuit de toute part traduit ainsi deux choses bien distinctes mais tout aussi vraies.
Le système fuit de toute part: Cela veut dire qu’il se retire, qu’il se désengage, qu’il ne répond plus, et que bien entendu, il ne crée plus rien.
Le système fuit de toute part:, [bleu]cela veut dire qu’il perd de son contenu en permanence[/bleu]. Les publics se déperdent, se répandent , se diluent, ainsi que la maîtrise sur les actions en cours. En fait, il se vide.
[rouge]La Pédagogie sociale[/rouge] propose des actions qui vont à l’opposé de ce double sens du mot « FUITE ».
-Face à tout ce qui se débine, tout ce qui se défile, qui prend la tangente; [fuchia]elle est présence, constance et endurance.[/fuchia]
– Face à tout ce qui est poreux, qui fuit de toutes parts, qui se vide ou qui prend l’eau, [fuchia]elle est contenance et préservation.[/fuchia]
Elle ne fuit pas.