L’Ecole de la République, notre maison commune.
C’est le nom de notre nouvelle circulaire de rentrée 2021.
Le titre m’interpelle et me fait sourire. Le mot « commune » avec le mot « maison », ça ne sonne pas très blanquerien. « L’école commune », c’est une revendication de la gauche (du GRDS notamment). Dans la revue N’Autre Ecole, on parle parfois d'”école du commun”. Bref, et c’est pas un scoop, “commun”, c’est un vocabulaire de gauche. Et l’école comme « maison », cela fait assez « pédago » et peu manager.
Intrigué, je suis allé tapé « notre maison commune » dans Google.
Surprise, l’expression renvoie au sous-titre de l’encyclique Laudato Si’ du pape François (2015) : « Sur la sauvegarde de la maison commune ». L’expression « notre maison commune » revient une dizaine de fois dans l’encyclique, et sera reprise pour parler de la planète comme un espace à protéger et à habiter durablement dans les écrits catholiques s’intéressant à la question écologique.
Pour être tout à fait honnête, je pense que Laudato Si fait partie des choses que le catholicisme peut produire de mieux ; ce texte a amorcé une vraie prise de conscience écologique dans les milieux catholiques. L’idée de “maison commune” peut amorcer des réflexions sur notre responsabilité collective et nos manières d’habiter la Terre, pourquoi pas. Bref, ce n’est pas le concept en lui-même que je trouve problématique aujourd’hui. L’idée est d’ailleurs totalement vidé de son sens dans la circulaire qui ne développe pas du tout son choix de parler de “maison commune” et en fait globalement un synonyme de “république”.
Cependant, reprendre une expression forgée et popularisée dans un texte religieux me semble assez problématique pour la circulaire de rentrée de l’école publique : école dont le ministère n’a pas cessé depuis plusieurs années de nous rappeler la centralité et l’importance de la laïcité en son sein. Comment expliquez alors que les circulaires citent des encycliques du pape ?
A mon avis, il faut prendre ce titre comme un lapsus révélateur : il témoigne de la porosité du ministère avec les milieux bourgeois et catholiques (la culture catholique est encore la culture des dominants), et d’une laïcité à géométrie variable (imagine-t-on un concept de théologie islamique comme titre de circulaire ?). A-t-on besoin de rappeler que Jean-Michel Blanquer a fait toute sa scolarité… au prestigieux collège privé catholique Stanislas ? De rappeler son engagement auprès de l’enseignement privé sous-contrat mais aussi hors-contrat ?
Arthur Serret