Les pratiques élémentaires en Travail social ont souvent été représentées par leurs propres acteurs comme reposant ou donnant une importance exceptionnelle à la notion d’adhésion. Classiquement et ce depuis la fin du XXème siècle, de très nombreux éducateurs affirment « avoir besoin » ou « rechercher » l’adhésion de leur public.
La loi de 2007 sur la Protection de l’Enfance enfonce encore le clou et fait de l’adhésion des usagers, la clef de tout projet et de tout accompagnement éducatif. Pire l’absence d’adhésion de la part des familles aux mesures éducatives qui leur sont « proposées » devient dès lors un motif des plus courants « d’information préoccupante » et de signalement.
Nous avons fait de l’adhésion la base même des relations familles / professionnels , à l’occasion des innombrables projets portés sur les premières par les seconds. Là encore , le fait de ne pas adhérer « au projet » devient synonyme de manquement, déficit ou de faute. Nous avons nous même rencontré des jeunes , renvoyés de leur foyer ou de leur structure d’accueil au motif « qu’ils n’adhéraient pas à « leur » projet ».
L’adhésion est devenu ainsi le modèle même des relations usagers/ institutions, parents / professionnels et cette focalisation dépasse largement les pratiques professionnelles et institutionnelles du secteur social. l’Ecole est par exemple par définition le lieu même de l’adhésion obligatoire des parents , que ce soit vis à vis des règlements, des projets pédagogiques, et éducatifs, des orientations ou des « suggestions » portées par les équipes enseignantes. Là encore, à l’Ecole, il est particulièrement mal vu et mal considéré, pour un parent, pour un élève de ne pas adhérer aux conseils , aux orientations ou aux projets que l’enseignant ou l’institution, préconise.
Mais d’autres secteurs sont tout autant concernés d’une autre manière ainsi, le secteur de l’Education populaire, des centres sociaux et socioculturels, manie également la notion d’adhésion et d’adhérent et place ces concepts au cœur de leur projet de fonctionnement. On cherche des adhérents, des bénévoles, des gens convaincus ; on cherche des personnes conquises et acquises aux programmes sociaux ou culturels que développe la structure.
L’image même du travail des animateurs socioculturels , des agents de ces structures est d’aider à structurer cette adhésion préalable pour mener les personnes concernées vers plus de responsabilité, plus d’engagements encore, plus de « militance ». C’est l’idéal même des métiers concernés qu’ils soient de l’enseignement, de la culture, ou du secteur social qui est en cause. Un bien supérieur est défini et on l’appellera selon les secteurs , « intérêt de l’enfant » « vie sociale », « vie culturelle » , « Culture », « Citoyenneté » , « Laïcité ou valeurs de la République », et l’adhésion des « publics » des « bénéficiaires » apparaît comme « allant de soi », indiscutable, évidente. On cherche des adhérents et si on ne les trouve pas , on recherche, puis petit à petit on exige « de l’adhésion », à quelque chose qui n’a jamais été remis en question, qui n’a jamais été défini ensemble et qui ne le sera jamais.
Tout cela paraît tellement évident, qu’on ne voit pas, qu’on n’imagine pas un travail éducatif, sanitaire, social ou culturel, qui ne reposerait pas à un moment ou à un autre sur « l’adhésion ».
Or, en Pédagogie sociale , justement , c’est ce que nous faisons chaque jour. Nous travaillons directement avec tous les publics, en commençant par ceux qui adhèrent le moins à quelque institution ou structure que ce soit, et nous ne recherchons jamais l’adhésion.
Nous ne recherchons pas l’adhésion comme un préalable. Nous préférons la libre circulation, des enfants et des adultes sur nos ateliers. Nous ne cherchons ni des convaincus par le type de travail que nous faisons, ni à convaincre des indécis. Nous ne cherchons pas à recruter des adhérents ou à fabriquer de l’adhésion. Nous avons une autre manière de mettre en oeuvre nos pratiques et nos idées:nous montrons et nous démontrons dans l’ici et le maintenant , le « mieux être » et le « mieux vivre » que nos pratiques apportent ; nous donnons une place à chacun; nous mettons en oeuvre un travail collectif où il n’y a aucune importance à savoir si les gens qui travaillent ensemble seraient d’accord ou pas, sur quoi que ce soit. Car cela n’a du point de vue de notre pédagogie, aucune importance.
C’est un point essentiel de différence entre nos pratiques , qui sont organisées, méthodiques et toutes les utopies éducatives qui fleurissent actuellement, comme les écoles démocratiques, les structures Montessori, ou autres. Toutes les structures alternatives littéralement « utopiques » dans le sens étymologique du terme, connaissent ici leurs limites.
Elles ont beau se doter d’un « volet social », de bonnes intentions démocratiques pour s’ouvrir sur d’autres « milieux », des enfants et des familles « d’autres horizons », elles échouent toujours à y parvenir . Les contraintes économiques mêmes de leur fonctionnement les ramènent à cette réalité: elles ne peuvent fonctionner qu’avec des « adhérents » , c’est à dire des personnes convaincues, et rationnellement conduites à s’investir et à investir dans ce qu’elles entreprennent.
Nous , nous travaillons avec tous les autres; ceux qui ne peuvent ni s’investir, ni entreprendre ; ceux qui ne sont ni convaincus , ni rationnellement conduits à « militer » , « prendre en charge », ni même parfois à « contribuer ».
Nous rejetons l’adhésion pour plusieurs raisons:
le concept même d’adhésion repose sur une vision d’acteurs libres au sein d’une société ouverte et plurielle. Nous constatons au contraire que la réalité des personnes que nous rejoignons est surdéterminée et contrainte.
le concept d’adhésion repose sur la notion d’opinion. Comment mesure-t-on en effet l’adhésion des gens et de publics, sinon en recueillant leur opinion conforme, favorable et acquise aux principes mêmes des engagements? Or, en pédagogie sociale, on se méfie et/ou on n’ a que faire des opinions. Les opinions appartiennent rarement à ceux qui les professent. Elles ressortent bien davantage de « discours » et d’idéologies ambiantes. Nous nous fions au travail réalisé ensemble, à l’expérience vécue en commun, et non pas à ce qu’on en dit. Nous nous fions à ce que les gens découvrent chemin faisant, n’attendaient pas, ne savaient pas,ne disaient pas … encore.
L’adhésion suppose un paiement, une « cotisation », une capacité à donner et non pas à recevoir. Or, nos public, enfants et adultes ont ceci en commun qu’ils se constituent en groupes et en collectifs parce qu’ils reçoivent ensemble.
Enfin, et pour finir , nous nous gardons d’une société d’adhésion et d’adhérents, comme on nous en impose une . Une société d’adhésion, c’est une société de spectateurs, appelés régulièrement et au mieux « à participer », » à contribuer » , voire même à « se mobiliser », mais toujours de l’extérieur et selon un calendrier et un pilotage qui leur échappe.
Nous ne voulons pas d’une société d’adhérents; à ce concept, nous préférons , en Pédagogie sociale, celui de « Communauté » avec tout ce que cela implique de bouleversement des identités , de création et d’organisation collective.
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Laurent Ott, Centre Social / Espace Vie sociale Intermèdes-Robinson Chilly Longjumeau et Nord Essonne Site, blog et bien plus encore : http://www.intermedes-robinson.org
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Laurent Ott,
Intermères Robinson – Espace de Vie Sociale/ CENTRE SOCIAL
Longjumeau- Chilly- Massy et Nord Essonne
Site, blog et bien plus encore : http://www.intermedes-robinson.org
NE JAMAIS RECHERCHER D’ADHÉSION
Bonjour
Enfin. Je découvre la pédagogie sociale et je suis très content. Ainsi je rencontre une forme de pensée qui me convient. Cela faisait longtemps que j’avais senti les limites de l’engagement. Cela explique mon parcours professionnel fait de ruptures tous les 3 ans. Merci.