Loi Travail : retour vers le passé – La fin de la limitation de la durée du travail pour les enfants !
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Quand le gouvernement décide de faire travailler les mineur-e-s apprenti-e-s jusqu’à 10h par jour et 40 h par semaine !
Plusieurs articles du projet de la loi Travail relèvent directement du champ de l’éducation et ne dérogent pas aux objectifs de celle-ci : des cadeaux aux patrons et l’anéantissement des droits pour les salarié-e-s.
Ces articles concernent les mineur-e-s en apprentissage et la formation professionnelle.
Au programme : moins de droits pour les apprenti-e-s et des certifications aux rabais.
L’introduction de la flexibilité du temps de travail pour les apprenti-es
Cette loi qui réduit quasiment à néant plus d’un siècle de protection collective des droits des salarié-e-s n’épargne pas les mineur-e-s.
Après avoir déjà facilité la tâche des employeurs en allégeant les contraintes liées à l’emploi des mineur-e-s pour les travaux dangereux (dit « travaux réglementés »), rendu possible sur simple déclaration auprès de l’inspection du travail, le gouvernement s’attaque maintenant à leur temps de travail. Sous couvert de « développement » de l’apprentissage, il introduit la flexibilité du temps de travail pour les mineur-e-s apprenti-e-s.
Dans son article 6, la loi prévoit, ainsi, la possibilité de faire travailler les apprenti-e-s de moins de dix huit ans jusqu’à 10h par jour et jusqu’à 40 heures par semaine en lieu et place des 8h journalières et des 35 h hebdomadaires actuelles.
Le tout avec, comme seule obligation pour l’employeur, une simple information à l’inspec-tion du travail et à la médecine du travail. Exit donc pour lui, l’obligation de demande de dé-rogation à l’inspection du travail, après avis de la médecine du travail, dans la limite d’une augmentation de 5 heures maximum de la durée hebdomadaire du temps de travail pour les apprenti-e-s sans possibilité de dépasser les 8h quotidiennes.
Rappelons que les apprenti-e-s sont censé-e-s être en situation de formation et qu’à ce titre les considérations pédagogiques devraient être au centre de leur contrat d’apprentissage. On se demande bien quelles situations pédagogiques d’apprentissage peuvent requérir 10h par jour et/ou 40h de travail par semaine ?!
Aucune si ce n’est que de permettre au patronat de faire des économies sur le dos des mineur-e-s apprenti-e-s en les transformant en salarié-e-s de droits communs et de les sous-payer.
Cette loi ne s’attaque pas qu’à la durée de travail des apprenti-e-s mineur-e-s. Elle s’attaque aussi à leurs droits, à ceux des salarié-e-s en matière de formation professionnelle et aux formations professionnelles sous statut scolaire.
Augmentation des financements pour les organismes de formation professionnelle privés
L’état élargit la possibilité pour les établissements privés de formation professionnelle hors contrat à bénéficier de la taxe professionnelle sur simple condition de reconnaissance et non plus sur contrat d’association.
Les établissements hors contrat vont donc se multiplier sans possibilité de contrôle étant donné que l’état ne mettra pas les moyens pour les contrôler et pour vérifier, entre autre, le contenu des formations et la ligne pédagogique de ces établissements.
Non seulement l’état accentue la privatisation de la formation professionnelle mais il offre un boulevard aux entreprises pour des formations « maison » sans aucun contrôle de sa part.
Attestation de compétences et certifications: la formation professionnelle au rabais !
Les centres de formation d’apprenti-e-s pourront, si la loi est adoptée, délivrer des attestations qui mentionneront la durée de la formation et les compétences travaillées.
Les conditions d’obtention de la VAE sont également allégées. Elles passent de 3 ans à 1 an et les périodes de formations initiales y sont intégrées.
La possibilité de certification par blocs de compétences est également introduite.
En multipliant les offres de certifications sur la base d’acquis de compétences, l’état adapte la formation professionnelle aux seuls besoins du patronat, sans aucun bénéfice pour les salarié-e-s.
Les formations professionnelles qualifiantes disparaissent aux profits d’acquis de compétences « maison » non diplômant et à durée limitée.
Ces formations deviennent des outils de for-matage au service des entreprises pour augmenter la compétitivité des salarié-e-s et non pour des formations véritablement qualifiantes.
La certification remplace le diplôme et en signe la disparition programmée. Elle remet en cause les protections liées aux conventions collectives assurant des minimums salariaux au niveau national.
On bascule des droits collectifs vers le contrat individuel et les rémunérations individualisées.
Mise en concurrence des offres de formation et formatage au service du patronat local
Le système d’informations nationales qui diffusait des « informations relatives à l’offre de formation professionnelle sur l’ensemble du territoire national » est remplacé par une base de données qui permettra d’établir un classe-ment des établissements délivrant des formations professionnelles.
Elle sera renseignée sur la base de différents critères :
– l’offre de formation dans les territoires accessible aux actifs ;
– les modalités et les délais d’accès aux formations ;
– les modalités de déroulement de ces for-mations ;
– les résultats obtenus en matière d’accès à l’emploi et de certifications ;
– des informations relatives à la qualité de l’offre.
Ce palmarès de l’offre de formations professionnelles s’instaure sur la base de la complémentarité des offres de formation et de localisation territoriale aux dépens de la qualité et de la quantité de ces formations. Il s’instaure également au détriment des conditions de travail des personnels, notamment dans les lycées professionnels, sous la pression d’un double enjeu :
– Celui de mise en concurrence les différentes offres de formation : les formations en apprentissage contre la formation sous statut scolaire, dans une logique purement comptable.
– L’intensification du développement du mixage des publics (scolaire, apprenti-e-s, stagiaires) dans une même classe, et du mixage des parcours afin de maintenir l’offre de formation en apprentissage.
Le tout sous la houlette des régions qui ne manqueront pas de servir les intérêts du MEDEF.
Fichage des bénéficiaires de formations professionnelles : le nouveau livret ouvrier
L’état instaure la traçabilité des salarié-e-s et des apprenti-e-s avec la mise en place d’un livret de compétences où seront consignées les attestions de durée de formation et d’acquis de compétences pour les apprenti-e-s. Mais également les interruptions, les sorties effectives, les données relatives à l’emploi et au parcours de formation professionnelle de tous salarié-e-s en formation.
Ces données pourront être partagées, sous forme dématérialisée, par les organismes financeurs, l’organisme gestionnaire du système d’information du compte personnel de formation et les institutions et organismes en charge du conseil en évolution professionnelle. C’est le retour du livret ouvrier !
C’est le patronat qui gère la carrière des salarié-e-s. Le ou la salariée devient responsable de son « employabilité » et doit s’adapter aux besoins des entreprises. Contrairement à ce qui est annoncé, les salarié-e-s sont en fait destitué-e-s de leurs choix de carrières, déjà bien mis à mal.
Ce livret ouvrier numérique pourra aisément être croisé avec le livret scolaire numérique que l’éducation nationale a entériné et mettra en œuvre à partir de la rentrée 2016, et pour lequel le MEDEF s’était déjà largement réjoui.
Après avoir été trié-e-s, orienté-e-s et filtré-e-s à l’école, les futur-e-s travailleurs-euses seront aussi fliqué-e-s et formaté-e-s sur la base de critères d’employabilité et de traçabilité définis par le patronat en fonction de ces besoins. C’est totalement inacceptable !
L’enseignement et la formation professionnel-le-s ne peuvent se réduire à un formatage au service du patronat local. Ils doivent permettre l’acquisition des savoirs généraux et l’apprentissage de la vie démocratique, former des individus libres et critiques, aptes à com-prendre le monde qui les entoure et à agir pour le transformer.
Développement de l’apprentissage : une régression historique !
Présenté comme la solution miracle à la crise économique et au chômage, l’apprentissage ne garantit pas une meilleure insertion professionnelle si ce n’est dans les métiers en tension. Les entreprises l’instrumentalisent pour rentabiliser à court terme une main d’œuvre peu onéreuse et défiscalisée. Cela, aux dépens des filières sous statut scolaire, qui délivrent un enseignement plus généraliste visant la préparation à un métier ou à une famille de métiers pérenne sur l’ensemble du territoire national et au-delà.
Il n’y a dans cette loi rien pour l’emploi et la formation et tout pour accroître encore les marges des entreprises, pour privilégier les politiques contestables de compétitivité.
Tract de la fédération SUD éducation du 3 mars 2016