Tout au long de l’été, nous vous proposons de suivre les chroniques de Véronique Decker “Enseigner dans la 93”
Nadia
Un jour, je suis arrivée dans une école où il y avait une véritable équipe pédagogique. Pas un groupe de gens montés ensemble sur le même navire à la même date, mais des gens qui avaient choisi de rester ensemble et qui s’étaient constitués comme équipe soudée, en réfléchissant ensemble, en cherchant ensemble. Comme toutes les vraies équipes, c’est en faisant face à l’adversité que la tolérance, l’empathie et la concorde avaient avancé. Au départ l’adversité, cela avait été la directrice de l’école et elle avait eu le bon goût de partir, laissant à Emeline, une instit de l’école, le poste et le logement. Nadia avait une classe de moyens-grands, et moi aussi. Emeline qui était militante de l’AFL utilisait son temps de « décharge » pour faire des ateliers en bibliothèque. Le challenge était de donner le goût de lire, la compréhension des codes de l’écrit, des repères pour comprendre ce nouveau monde, avant que les instits de CP ne leur enseignent la lecture autonome. Nous pensions qu’en partie c’est par l’appropriation des supports de l’écrit et de leur usage dans le monde, que les enfants s’intéressent à l’effort indispensable pour acquérir la technique. J’ai beaucoup appris dans cette équipe, mais c’est en observant Nadia enseigner que j’ai vraiment progressé. Elle m’expliquait : « Il faut rire au moins une fois par jour avec les enfants, car le rire les détend, et cela les aide à apprendre. » « Chacun doit avoir sa propre progression de graphisme, car quelques mois d’écart d’âge à 5 ans, c’est énorme. » Elle était ferme sans effort alors que moi je galérais encore à obtenir un peu d’ordre et de méthode dans ma classe, elle était attentive et conciliante sans que les élèves ne cherchent à déborder trop du cadre. C’est dans cette équipe que j’ai appris à partir en classe verte, et à avoir l’audace de faire des spectacles et des évènements d’école « hors norme ». Nous avions toutes les audaces, d’autant qu’à l’époque, les règlementations étaient encore très floues…
Pour la première fois de ma carrière, c’est dans cette école que j’ai fini l’année en étant fière de moi.
Merci Nadia