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Les Chemins du collectif (Extrait)

Tout au long de l’été, le collectif Questions de classe(s) vous propose des extraits des deux derniers titres de la collection N’Autre école aux éditions Libertalia

Cette semaine, Les Chemins du collectif, d’Andrés Monteret

Il était une fois la Pédagogie institutionnelle


La PI s’appuie sur l’héritage de pédagogues antérieur·es. Elle s’ancre dans ce temps particulier des années 1940, après la Seconde Guerre mondiale, et son attachement à la psychanalyse invite à travailler sa filiation. D’où vient-elle? Cette partie apporte un éclairage historique, les différentes étapes décrites ici posent des repères et permettent de découvrir les noms de celles et ceux qui se sont engagé·es dans cette aventure pédagogique. Les références peuvent paraître nombreuses mais elles sont là pour que chacun·e puisse aller plus loin s’il ou elle le souhaite. Elles peuvent être aussi considérées comme une ressource où revenir ultérieurement.

Aux origines, la pédagogie freinet, Les frères Oury et le «Laboratoire» d’Herbault (1)

Dans les années 1950, au sein du mouvement Freinet, le groupe francilien de l’Institut coopératif de l’École moderne (Icem) a cherché à adapter les techniques Freinet aux classes urbaines de la banlieue parisienne en pleine expansion. À la différence du modèle des écoles rurales majoritaires à l’Icem, ces institutrices et instituteurs, militant·es Freinet, travaillent dans des grands groupes scolaires et des classes de l’enseignement spécial, comme on disait à l’époque. Ils et elles utilisent activement la correspondance, les sorties-enquêtes*, le journal, la coopérative. Cependant, ce fonctionnement coopératif semble plus fragile dans ces groupes scolaires immenses situés dans des environnements urbains souvent dégradés. La vie quotidienne des « écoles casernes » (2) et la réalité sociale du public pousse la pédagogie Freinet dans ses limites. Ce groupe parisien va chercher du côté des sciences sociales et politiques des pistes pour faire face aux difficultés de leurs classes coopératives.


En 1949, Fernand Oury, instituteur à La Garenne-Colombes en région parisienne, a suivi un stage Freinet déterminant et a rejoint l’Icem. Son frère Jean Oury, psychiatre et psychanalyste, s’est formé à la psychiatrie auprès de François Tosquelles (3) à la clinique de Saint-Alban. Jean est très influencé par ce psychiatre catalan qui révolutionne les relations avec les patients, lutte contre l’organisation autoritaire de la psychiatrie et s’efforce de construire une psychothérapie où le milieu hospitalier doit être en permanence questionné pour proposer un terrain d’accroche au désir des soignés comme des soignants. Cette forme de travail psychiatrique est appelée psychothérapie institutionnelle. De 1952 à 1955, à l’Institut médico-pédagogique (IMP) d’Herbault près de Blois, Fernand et Jean vont mener une collaboration particulièrement féconde. Cet établissement accueille des enfants handicapés mentaux.
Durant l’été, Fernand dirige la colonie de vacances de l’IMP dont Jean est le neuropsychiatre. Fernand va alors créer des dispositifs pour rompre avec les rapports autoritaires et les violences des adultes envers les enfants. Ils mettent en place des conseils, des travaux obligatoires pour supprimer les punitions, Fernand invente les ceintures en s’inspirant de sa pratique du judo, imagine des permis de circuler.

Les deux frères et les autres moniteurs essayent ici, dans le cadre de la colonie de vacances, des nouveaux fonctionnements et tentent d’en déceler les enjeux pour les enfants. Jean le psychiatre et Fernand le pédagogue se rassemblent autour des techniques Freinet et des inventions pédagogiques de Fernand.

Ces tâtonnements seront le terreau de la PI.

Pour commander le livre…

  1. Bénévent Raymond, Oury Jean, « Le “laboratoire” d’Herbault, (1952-1954) » dans Martin Lucien, Meirieu Philippe, Pain Jacques (dir.), La Pédagogie institutionnelle de Fernand Oury, Matrice, 2009, p. 137.
  1. Oury Fernand, Pain Jacques, Chroniques de l’école caserne, Champ social, 2005.
  2. François Tosquelles est une figure importante de la psychothérapie institutionnelle. Né en 1912, en Catalogne, c’est un psychiatre et un psychanalyste engagé qui révolutionne les rapports entre soignant et soigné en psychiatrie. Membre du POUM (Parti ouvrier d’unification marxiste) dans les années 1930, Tosquelles est engagé dans le camp républicain durant la guerre d’Espagne.
    La victoire des franquistes en 1939 le pousse à l’exil en France. Il va alors connaître les camps d’internement des républicains espagnols dans le sud de la France où il va prendre en charge l’hôpital de fortune du camp. Il part ensuite à l’asile psychiatrique de Saint-Alban en Lozère. Pour faire face à la précarité de ces établissements, et en s’appuyant sur les écrits du psychiatre Hermann Simon, il laisse les pensionnaires de l’asile aller travailler dans les fermes voisines. Plus de liberté pour les malades, ouverture sur l’environnement local, recrutement plus large que les personnels médicaux. C’est ainsi qu’il révolutionne le rapport à la psychiatrie. Jean Oury reste trois ans à Saint-Alban.

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