“Le système éducatif donne plus de moyens à ceux qui sont bien pourvus et pas assez à ceux qui sont dans la difficulté sociale ou scolaire. C’est sa question centrale”. Voilà ce que dit le ministre, et on ne le contredira pas.
Une question tellement centrale qu’on peut penser qu’il aurait mieux fallu l’évoquer très vite, et ne pas se disperser dans des impasses comme celles de la morale laïque ou celles des rythmes, mais passons, il serait ridicule de jouer les conseillers du prince a posteriori !
C’est en tout cas dans ce cadre qu’il faut comprendre les mesures concernant l’éducation prioritaire (cf. l’article de Raymond Millot sur ce site, et le site de l’Observation des zones prioritaires pour plus d’information) qui risquent de se heurter aux contraintes budgétaires (l’exemple du collège Manet de Villeneuve-la-Garenne dans les Hauts-de-Seine, en grève pour protester contre la diminution de sa DHG – dotation horaire globale- vient de le montrer).
Seulement voilà : quand le ministre a voulu, de façon symbolique, que les profs de prépas fassent leurs dix heures au risque qu’ils perdent quelques euros, il a dû vite remiser son projet sous la pression de l’exécutif « au plus haut niveau » ; « l’élite », comme on dit, a su défendre ses privilèges ; ça coûte très cher, mais tant pis ; politiquement, ça coûte sans doute au ministre, mais surtout symboliquement, et c’est ça qui nous importe, le coût est également significatif ; ce côté « pas touche aux privilèges » va hélas dans le sens des tendances actuelles (enquêtes de fond qui montrent que « prendre aux riches » est nettement moins populaire qu’il y a quelques années).
On peut certes prétendre qu’il faut donner à tous, car tous les enfants ont droit etc, n’est-ce pas ? C’est la position syndicale classique. C’est un verbe facile, et ceux qui le tiennent savent très bien qu’on ne donnera pas tout à tout le monde mais qu’au nom de ces grands principes on continuera à donner plus à ceux qui ont déjà plus : pas seulement les prépas, mais les lycées et les collèges de centre-ville.
C’est aussi le financement du privé, refuge vis-à-vis des pauvres et des immigrés, même si des pauvres et des immigrés essaient aussi d’y trouver leur place*
On pourra chipoter, et dire que ce ne sont pas toujours des privilèges mais des avantages relatifs. Ce qu’on peut dire en tout cas, c’est que « la défense des personnels de tous les établissements » d’une part, « le droit à la liberté d’enseignement d’autre part » sont des formules qui couvrent, justifient et prolongent l’inégalité sociale au niveau des moyens attribués.
Ce n’est pas le seul facteur d’inégalité, d’autres sont également importants, souvent traités sur ce site : la pédagogie, la relation aux familles. Mais, dans tous les sens du terme, ça compte. Et nous sommes là pour dire qu’il faut appeler un chat un chat
Jean-Pierre Fournier
* On ne dit plus dans le débat public que c’est un gros facteur d’inégalités. Pierre Merle, dans son petit livre sur la ségrégation scolaire dans la collection Repères, en fait la démonstration.
Le social prioritaire dans l’éducation ?
Qu’il est doux de voir ça écrit ici…
Qu’il est rageant de ne l’avoir vu écrit dans aucun bulletin syndical…