En pleine 5e vague, alors que de nombreuses études épidémiologiques soulignent le rôle de vecteur que les jeunes enfants non vaccinés jouent dans la propagation du Covid-19, le ministère de l’Éducation allège le protocole sanitaire et relève le seuil du nombre de cas déclenchant la fermeture de classe à trois cas avérés.
Il y aurait beaucoup à témoigner sur l’écart entre les annonces ministérielles concernant les différents niveaux protocoles, les tests systématiques des élèves, l’aération des salle, et leur mise en œuvre réelle. Même le Sgen Cfdt s’inquiète de cette communication suivie de si peu d’effets et de moyens (https://www.francetvinfo.fr/societe/education/protocole-sanitaire-dans-les-ecoles-nos-collegues-sont-sur-le-point-de-craquer-alertent-des-syndicats-d-enseignant_4871425.html). Pour l’ensemble des syndicats du secteur ces mesures restent des revendications non exhaussées. Au delà de l’inquiétude légitime des professionnels de l’Éducation et des parents d’élève, ce sont les scientifiques et les professionnels de la santé qui s’interrogent aujourd’hui sur le hiatus entre la volonté politique déclarée et les tactiques employées pour circonvenir l’épidémie à l’école.
Avant même l’allégement du protocole, le Haut conseil de la Santé publique et le Conseil scientifique critiquaient en début du mois le manque de cohérence du dépistage (non) organisé dans les écoles. Dans la même logique le site Caducée, une référence pour l’information des professionnels de santé depuis 1997, a fait la synthèse, dans une de ses pages généralistes accessibles aux patients, de l’ensemble des interrogations des professionnels de santé sur la cohérence de la politique menée. Vous pouvez en lire ci-dessous quelques extraits. Je vous invite à consulter l’article et les notes de bas page dans leur intégralité sur l’adresse suivante (la première lecture reste accessible, la deuxième suppose une inscription au site) : https://www.caducee.net/actualite-medicale/15616/covid-19-le-gouvernement-laisse-t-il-filer-l-epidemie-a-l-ecole.html
Un allègement du protocole sanitaire en plein emballement de l’épidémie
Entre le 18 et le 25 novembre, le nombre de classes fermées a plus que doublé en passant de 4000 à 8900, ce qui a contraint plus de 180 000 familles à se réorganiser pour assurer la garde de leurs enfants. Depuis le printemps dernier, la doctrine en vigueur à l’éducation nationale stipulait en effet que les classes des écoles primaires et maternelles seraient systématiquement fermées pendant 7 jours au premier cas d’infection à Sars-Cov-2 confirmée.
La nouvelle doctrine du gouvernement consiste désormais à supprimer le caractère automatique des fermetures de classe, à tester tous les élèves des groupes où un cas a été découvert et à n’autoriser les retours à l’école que sur présentation d’un test négatif (…)
Ce nouveau protocole est entré en vigueur à partir du 29 novembre et sera généralisé d’ici le 6 décembre. « Nous poursuivons deux objectifs fondamentaux : maintenir les écoles ouvertes tout en protégeant la santé des élèves et des personnels », déclarait Jean Michel Blanquer. Si le maintien de l’école ouverte parait acquis, on peut s’interroger sur la volonté réelle du gouvernement de protéger la santé des enfants.
Alors qu’une partie de la communauté éducative s’attendait à un durcissement du protocole sanitaire avec un passage au niveau 3 ou 4, c’est finalement un allègement qui été décidé. Car avec la fin des fermetures automatiques des classes pendant 7 jours il est probable que la circulation virale soit moins ralentie par ce protocole que le précédent, car un enfant peut être asymptomatique et négatif le jour du test et positif le lendemain. C’est bien pour ces raisons qu’une période d’isolement de 14 puis de 7 jours a été définie pour tous les cas contact. En un mot, le gouvernement a mis un terme aux 7 jours d’isolement automatique pour les enfants cas contact en primaire et en maternelle.
Les ARS auront néanmoins le pouvoir de décider de la fermeture de classe selon la situation épidémiologique locale.
Aucune nouvelle mesure de prévention du risque aérosol en milieu scolaire
Cet allègement du protocole est également marqué par l’absence de nouvelles mesures de prévention des risques, notamment les risques de contamination via les aérosols infectieux. Ainsi les activités connues comme étant génératrices d’aérosols (sport en intérieur, chant, brassage des classes ou les activités extrascolaires avec séjours intégrants des nuitées) sont toujours autorisées.
Le gouvernement persiste également à ignorer les avis publiés par l’académie des sciences le 11 juin 2021 ainsi que celui du Haut Conseil de la Santé Publique du 28 avril qui recommandait la mise en place d’une stratégie de maitrise de la qualité de l’air à grande échelle, notamment en milieu scolaire et que l’on peut résumer en 3 points :
- Contrôler systématiquement la qualité de l’air par l’usage de détecteur de CO2
- Ne pas occuper les salles avec un niveau de CO2 > 800 ppm
- Utiliser les filtres HEPA 13 ou 14 quand la ventilation est insuffisante
Dans sa note du 20 août, le Conseil Scientifique enfonçait le clou pour rappeler le gouvernement à ses responsabilités.
« Le Conseil scientifique rappelle également l’importance de la transmission par aérosols en lieux clos, et de fait l’importance de l’usage du masque, de l’aération régulière des locaux, de l’usage de capteurs CO2, et de purificateurs d’air. Le Conseil scientifique insiste également sur les risques associés aux moments partagés sans masque type restauration et sport en intérieur. »
Dans le nouveau protocole publié par l’éducation nationale, l’usage de détecteur de CO2 et de filtre à air est bien resté à l’état de recommandation et non d’obligation, ce qui évite pour le moment au gouvernement de financer l’acquisition du matériel et contraint les collectivités locales à agir en ordre dispersé.
Le fiasco de la surveillance épidémiologique en milieu scolaire
Un autre domaine dans lequel le gouvernement persiste à ignorer les recommandations de son Conseil Scientifique est le suivi épidémiologique. En effet le 13 septembre 2021 il préconisait de prévenir les risques d’infections en milieu scolaire en ayant recours au dépistage systématique hebdomadaire.
Dans son avis, le conseil scientifique expliquait que « Le dépistage systématique amène à détecter précocement les introductions de virus dans les classes, permettant alors de ne renvoyer chez eux que les enfants détectés positifs, et non tous les élèves de la même classe. Les bénéfices sont donc à la fois sanitaires (moins de cas) et pédagogiques (moins de jours de classes perdus). Des expériences étrangères, en particulier en Allemagne et en Autriche, illustrent la faisabilité de cette stratégie, dont la supériorité par rapport aux autres stratégies est largement suggérée par les données de modélisation » présentées par l’équipe de Vittoria Colizza (INSERM)
Selon cette étude, si la participation était de l’ordre de 50 %, le dépistage systématique hebdomadaire permettrait alors de réduire le nombre de cas de 24 % en primaire et de 53 % dans le secondaire tout en réduisant le nombre de jours de classe perdus.
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Cette stratégie n’a finalement pas été retenue par le gouvernement. Devant les députés le ministre de l’Éducation nationale avait déclaré « La stratégie consistant à tester de manière extrêmement répétée, extrêmement massive, les enfants n’a pas que des avantages…Par exemple, la Société française de pédiatrie alerte sur le fait qu’il peut y avoir à la fois quelque chose d’anxiogène et de compliqué à faire cela de manière répétée ».
À la rentrée de septembre, Jean Michel Blanquer avait annoncé l’objectif de 600 000 tests salivaires réalisés par semaine. Entre le 15 et le 22 novembre, sur les 600 000 tests qui sont bien disponibles, 377 000 ont été proposés et seulement 190 000 ont été réalisés. À peine un tiers de l’objectif a donc été atteint.
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