Nous, enseignant-e-s du collège Pierre De Geyter à Saint-Denis, sommes solidaires des enseignant-e-s, personnels et élèves des nombreux lycées menacés à court terme de sortir de l’Education prioritaire. La mobilisation du 17 novembre vient se dresser contre une volonté toujours plus cynique de dépouiller nos établissements de leurs acquis : cette mobilisation est aussi la nôtre. Combien de collèges estampillés REP ont vu et voient encore leurs moyens au fil des ans se réduire comme peau de chagrin? Beaucoup, beaucoup trop… Est-il aussi besoin de rappeler que ces acquis, obtenus de haute lutte, sont tout à fait légitimes? D’autant plus légitimes que les inégalités qui depuis trop longtemps frappent tant de nos départements, tant de nos villes, et tant de nos établissements, ne cessent de s’accroître. L’Education prioritaire doit le rester dans les actes: à une logique purement comptable nous opposons une école généreuse et émancipatrice en tous points.
Le combat pour cette école émancipatrice est avant tout un combat social. Tandis que des gestionnaires imposent leurs réformes d’en haut, nous nous battons au quotidien pour maintenir un enseignement de qualité dans nos établissements scolaires. Témoins des effets ravageurs d’une crise économique et sociale qui affecte nos élèves et leurs familles, nous refusons de cautionner des politiques scolaires qui instrumentalisent la pédagogie à des fins avant tout comptables. L’annonce de la sortie des lycées de l’éducation prioritaire l’année de la mise en place de la réforme du collège est à ce titre révélatrice de la logique destructrice et cynique qui anime les décisionnaires : en prescrivant les mêmes mesures pour tous et en proclamant l’égalité républicaine au collège, cette réforme légitime l’inutilité de la différenciation (prioritaire /non prioritaire) et prépare une sortie prochaine de tous les établissements secondaires des réseaux d’éducation prioritaire.
Ainsi, le récent rapport du Conseil national d’évaluation du système scolaire « révélait» que notre système éducatif aggravait les inégalités scolaires et sociales. Si ce rapport pointe du doigt une augmentation des inégalités consécutive à l’échec des politiques d’éducation prioritaire mises en place depuis des décennies, il offre en même temps aux réactionnaires de tous bords qui déplorent le naufrage de l’école et fustigent les pensées pédagogiques innovantes une « preuve » de l’inefficacité de ces politiques prioritaires et le moyen de les supprimer.
Face au risque de voir nos luttes réduites à néant par la pensée conservatrice, osons ce pari : l’Education prioritaire doit l’être davantage ! Amplifions-la et redonnons une perspective sociale et émancipatrice à la réinvention de l’école ! Cela passe bien entendu par des moyens supplémentaires et réels, tant matériels qu’humains, mais aussi par une refonte des pédagogies actuellement à l’œuvre dans nos établissements qui s’appuierait sur les praticiens que nous sommes. La nouvelle réforme du collège ne s’inscrit malheureusement pas dans cette optique tant elle demande l’impossible aux enseignant-e-s : la réussite de TOUS les élèves, d’où qu’ils viennent… sans les moyens nécessaires et pérennes… Les réunions diverses, les concertations en catimini, les EPI et autres pratiques pédagogiques très confuses parce que mal conçues, découragent toujours plus les enseignant-e-s dont les conditions de travail se dégradent inévitablement, comme par fatalité… Et nos élèves – de tous âges – de pâtir d’une situation mortifère que nous ne voulons pas, que nous ne voulons plus parce qu’elle a trop duré.
Nous demandons pour l’éducation prioritaire:
· Le droit à la formation pour tous les personnels (enseignants et CPE , qu’ils soient titulaires, contractuels, vacataires, assistants d’éducation) des Réseaux Education Prioritaire : précisément une formation riche et variée, tenant compte des pédagogies alternatives
· Des moyens (humains, matériels et horaires) suffisants pour le garantir le bien-être de TOUTE la communauté éducative
· Une revalorisation salariale à même d’assurer la stabilité des équipes pédagogiques
· La garantie d’effectifs limités (16 élèves par classe)
· Des temps de concertation entre enseignants dans TOUS les établissements REP
· Des moyens supplémentaires et pérennes pour accompagner les élèves en difficulté, notamment les décrocheurs
Les enseignant-e-s du collège Pierre De Geyter (Saint-Denis)