Proposer ou imposer la vidéoprotection ? Les techniques de manipulation du Conseil départemental des Yvelines
Après l’échec cuisant de la privatisation des services de restauration et d’entretien dans les collèges des Yvelines (1), la nouvelle lubie du Conseil départemental est l’installation d’une vidéoprotection dans les établissements scolaires.
Plusieurs Conseils d’administration voient la question mise au vote en cette fin d’année. La question ? Mais quelle question ? Dans les faits, les échanges entre les équipes de plusieurs établissements indiquent que ce ne sont pas les mêmes questions qui sont posées aux membres du CA. Dans un établissement, on présente cela comme un vote de principe en affirmant que la vidéoprotection est de toute manière imposée dans le département et qu’on n’a pas d’autre choix que de l’accepter. Dans un autre, on affirme que la vidéoprotection à l’intérieur peut être acceptée ou refusée. Dans un autre encore, on affirme qu’on peut voter contre mais que ce n’est qu’une question de temps avant qu’elle ne soit imposée. Un CA a même dû annuler son vote car on ne leur avait pas précisé qu’accepter la vidéoprotection à l’extérieur de l’établissement dans la journée impliquait obligatoirement d’accepter la vidéoprotection à l’intérieur de l’établissement.
Les présentations sont biaisées, malhonnêtes et induisent les personnels et les parents en erreur. La volonté du département est d’imposer, coûte que coûte, cette mesure, quitte à user de méthodes visant à manipuler les esprits ou à faire peur. En effet, les représentant·es du département n’hésitent pas à évoquer les attentats de 2015, à projeter des intrusions avec armes à feu, des intrusions de personnes de l’extérieur pour frapper un élève, comme si c’était légion dans les établissements scolaires.
Rester flous, créer une atmosphère anxiogène, telles sont les techniques utilisées par les représentant·es du département pour orienter le vote.
Nous appelons donc nos collègues et les parents d’élèves à la plus grande vigilance et à bien faire distinguer les différents niveaux de protection, qui sont les suivants :
Niveau 1- Nous n’avons rien à dire sur les caméras installées à l’intérieur pour filmer l’extérieur en dehors des horaires d’ouverture. C’est la protection des biens (les locaux du département). → pas de vote à faire.
Niveau 2 : filmer l’extérieur du collège 24h/24
Niveau 3 : protection des personnes, installation et activation de caméras à l’intérieur de l’établissement, selon le choix du/de la chef·fe d’établissement aidé·e d’une équipe du service numérique du département.
→ Vote possible, mais attention, les niveaux 2 et 3 vont de pair. On ne peut pas se prononcer sur l’un et l’autre distinctement. Soit on accepte tout, soit on refuse tout.
Les risques de la vidéoprotection dans les établissements scolaires, le positionnement de Sud éducation 78 face au sécuritaire à outrance :
Lorsque l’on parcourt la charte proposée par le conseil départemental, il s’agit officiellement de “protéger les biens et les personnes […] visualiser les tentatives d’intrusion et les dégradations en direction de l’établissement scolaire […] protéger le mobilier mis à la disposition des élèves, tel que les rangées de casiers et à protéger les espaces de circulation […] confondre les auteurs […] des actes commis, établissant ainsi des éléments de preuves”
Ce qui nous interpelle :
– les tentatives d’intrusion et les dégradations venant de l’extérieur sont loin d’être fréquentes dans le département
– les casiers sont déjà gérés – et bien gérés – par les équipes de vie scolaire
– les espaces de circulation n’ont pas à être protégés par des caméras. Les équipes éducatives rappellent régulièrement la nécessité de ne pas courir, se bousculer… nous avons quand même à faire à des jeunes de 11 à 15 ans globalement respectueux et respectueuses d’autrui. Le reste relève de l’éducatif et du pédagogique, pour lesquels équipe éducative et parents œuvrent déjà, et non du sécuritaire à outrance.
– les personnels de l’établissement, en particuliers les AED et les CPE, parviennent très bien à retrouver les auteurs ou autrices des méfaits parfois commis dans les établissements (lacrymogène ou déclenchement intempestif de l’alarme incendie) et la vidéoprotection ne vise pas ces faits.
– en quoi des caméras empêcheront-elles les bousculades et les bagarres qui, nous le concédons, arrivent régulièrement à l’école ? Les parents peuvent être leurré·es sur ce point et avoir tendance à accepter la vidéoprotection à l’intérieur de l’établissement. Rien n’est pourtant plus utile et plus efficace que la présence humaine des personnels et il serait sans doute plus pertinent de demander l’augmentation des recrutements.
D’autres risques liés à cette vidéosurveillance, de notre point de vue :
– la diminution à venir des personnels de surveillance, sous prétexte de l’utilisation accrue de la vidéosurveillance.
– la mauvaise utilisation possible des images pour surveiller les personnels, notamment les personnels de l’entreprise gérant la restaurant et l’entretien, dont nous avons vu les méfaits au niveau de la qualité de la nourriture, mais également de la gestion du personnel, et qui pourrait s’appuyer sur cette vidéosurveillance pour menacer, mettre sous pression les agent·es.
– le droit à la vie privée, pour les jeunes, pour les personnels, pour les personnes fréquentant occasionnellement l’établissement (comme les parents, les intervenant·es extérieur·es).
– la question de l’utilisation de l’argent public pour une vidéosurveillance qui ne naît en aucun cas de besoins exprimés par les équipes ni par les parents.
C’est un projet départemental totalement déconnecté de notre quotidien et à vocation démagogique, dont l’origine a été rappelée à un conseil d’administration : la volonté de Nicolas Sarkozy à sanctuariser les établissements scolaires. On voit ici sur quel bord politique se situe cette mesure…
– s’il faut parler sécurité : l’argent destiné à la vidéoprotection pourrait être consacré à la rénovation de les collèges, les fenêtres qui ne ferment pas, les volets roulants qui restent coincés, l’évacuation des eaux usées qui pose problème dans certains établissements ;
– et, pour parler pédagogie et éducatif également : cet argent pourrait être consacré à développer le numérique en collège, à acheter plus de livres, plus de manuels.
Sud éducation demande donc aux personnels et aux parents d’élèves de se prononcer contre cette mesure délétère pour nos libertés individuelles, qui fait passer le tout sécuritaire avant les enjeux éducatifs et pédagogiques et qui considère les jeunes comme de potentiels criminels.
(1) L’échec de la privatisation des services de restauration et d’entretien dans les Yvelines : des personnels en souffrance, des personnels non remplacés, des commandes mal gérées qui n’honorent pas les promesses des menus, du bio pour une infime partie du même produit (une petite partie des yaourts sont bio, pas les autres!), des portions de viande qui ne respectent pas les préconisations, des parents obligés de mettre de la nourriture dans le sac de leur enfant parce qu’elle ou il ne mange pas assez.