Après avoir rétabli la vérité sur Le Chien des Baskerville, Le Meurtre de Roger Ackroyd et Hamlet, Pierre Bayard – l’auteur de Comment parler des ivres que l’on n’a pas lus ? – nous revient avec un nouvel opus, le quatrième de sa « trilogie » (sic) !
C’est au fameux et angoissant récit d’Agatha Christie, Dix petits nègres que s’attaque le critique littéraire, avec toujours autant de panache et d’intelligence. Une nouvelle fois, Pierre Bayard nous délivre une magistrale leçon de lecture à travers un récit savoureux, brillant et envoûtant, un roman policier littéraire et subversif.
Le récit retenu s’y prête fort bien, articulé qu’il est autour de la petite comptine qui semble dicter l’inéluctable déroulement des événements.
Derrière la prouesse qui vise à démontrer, entre autres choses, que le lecteur – ou ici, l’un des personnages – en sait plus que l’auteur lui-même, c’est aussi une vision renouvelée de la littérature qui nous est proposée. Une vision radicale, dérangeante mais ô combien stimulante : « car nous sommes avant tout des êtres de récit, qui ne pouvons penser le monde qu’à travers des catégories narratives où nos vies sont organisées en destins. Avec comme décor une île mystérieuse et comme rengaine affichée sur les murs une chanson de nourrice, j’aurais pu faire adhérer mes victimes à n’importe quelle légende, pourvu qu’elle leur donnât l’illusion qu’ils étaient les héros malheureux d’une tragédie maléfique. »
En convoquant la narratologie, mais aussi la psychologie, les illusions d’optique, la météorologie et même un match de basket, Pierre Bayard nous offre une nouvelle fois un grand moment de plaisir et de littérature.
Pierre Bayard, La Vérité sur « Dix petits nègres », éditions de Minuit, 2019, 168 p., 16 €.
– Les vingt premières pages : http://www.leseditionsdeminuit.fr/flip.php?id=3285