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La norme irrépressible du retour à zéro

[bleu]De l’entropie sociale
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Dans les années 60, dans Tristes Tropiques, C-L. Strauss définissait l’entreprise de la culture et de la civilisation humaine comme une quête désespérée de lutte contre l’entropie universelle , ce principe qui pousse tout vers le chaos. Il s’appuyait sur le principe de physique quantique, dit de l’entropie généralisée, qui postule que toute énergie va vers sa dispersion.

En 2015, à l’approche de la COP 21 , nous observons une prise de conscience relative , que cette entropie n’a rien d’abstrait et, qu’accélérée par l’Homme, elle menace directement la survie de l’humanité.

Mais nous observons également un élément que CLS n’a que peu pris en compte.[rouge] Il semble bien que cette tendance au chaos, au zéro, à la destruction de toute forme de vie, de différence et d’expression singulière, ne soit pas qu’une loi de la nature, mais qu’elle s’impose comme un élément irrépressible de nos cultures sociales, culturelles éducatives et politiques.[/rouge]

Aujourd’hui, ce sont toutes nos initiatives sociales, toute notre énergie citoyenne, tous nos lieux vivants qui intègrent un peu de social, un espace pour la rencontre … qui sont de manière imminente, menacées par le zéro.

[bleu]Le zéro comme absolu[/bleu]

La tendance à détruire toutes ces initiatives, ou pire à faire comme si elles n’avaient jamais existé , à ce qu’elles retombent dans l’oubli, ou qu’elles soient entourées d’un sentiment d’impossibilité , est la marque de la logique avec laquelle nos initiatives sociales sont traitées.

Pénalisation, tracasseries administratives, violence politique directe et surtout de la part de ceux qui devraient au contraire tout faire pour soutenir ou susciter de telles initiatives, sont en effet visibles partout et dans toutes les villes où nos initiatives sociales se développent.

Ca va bien au delà de nous, de nos murs. Le phénomène touche même des structures que l’on croyait instituées et stables et qui aujourd’hui sont attaquées , car il y subsisterait un zeste de vitalité: MJC, centres sociaux, lieux alternatifs, etc..

[bleu]L’empire de la norme[/bleu]

Pour comprendre ce phénomène , il faut le ramener à la notion de norme. Dans le paysage institutionnel, social et politique qui s’impose autour de nous,[rouge] tout ce qui n’a pas été autorisé, programmé, décidé est vu et repéré comme une anomalie.[/rouge]

Et dès lors toute l’énergie des institutions et lieux de pouvoir consiste à réduire ces anomalies au zéro, même et surtout au motif de les soutenir.

Il n’existe pas de volonté directe , ou délibérée de détruire toutes ces initiatives pédagogiques, éducatives un peu vivantes. Bien au contraire… Il n’ y a que des discours de soutien.

Mais par contre, il y à une « dimension-réflexe » , une norme, une habitude qui consiste à [rouge]multiplier les obstacles, les empêchements, à réclamer des comptes, à rendre la vie impossible, à distiller la peur chez les acteurs, à les isoler par le traitement qu’ils subissent.[/rouge]C’est toute une procédure appliquée sans conscience, sans liberté , sans pouvoir d’imaginer une alternative, qui se met en place. Elle ne repose que sur des agents car , dans un tel contexte, personne, plus personne, même les cadres ne peuvent plus penser à eux mêmes ou leur action avec autonomie.

Or , l’issue logique de toute cette tendance mainte fois dénoncée, toujours vérifiée, est rarement vue pour ce qu’elle est : le Zéro , le zéro social absolu.

[bleu]Vers le Zéro social[/bleu]

Ce zéro dans notre secteur social, éducatif, socioculturel, est à prendre au sens propre:[rouge]Destructions des lieux de vie et d’initiatives humaines en matière d’habitat, de vie dans les espaces publique,s d’initiatives sociales et économiques[/rouge]. Toute tentative se brisera sur le pouvoir du Maire, les règlements des institutions, les contrôles de tout ordre.

Et on arrive au résultat: la ville vide , précaire et sécuritaire; des festivités de pacotille et sans joie, des individus ramenés à la gestion de leur solitude et précarité, des familles tournées vers la survie et enfermées, la peur de soi, des autres et de tout avenir etc.

Une conséquence logique de ce zéro social est de [rouge]faire apparaître comme des Zorros tous ceux qui agissent un peu contre le Zéro[/rouge]. De décourager par le traitement et l’isolement qu’ils subissent tout risque de propagation, de dénier la reconnaissance. Ils serviront de contrexemples.

[bleu]Détournement du sens de la Loi[/bleu]

La loi a été humainement inventée, à l’origine , pour lutter contre l’entropie. Pour imposer de l’organisation pour lutter contre la violence naturelle et la destruction , liée à l’entropie. Il s’agissait de créer de la culture pour dépasser la nature, de l’organisation pour dépasser la violence de l’ordre violent des choses. Du social, pour lutter contre les forces désintégratives de la société.

[rouge]Aujourd’hui force est de remarquer que la Loi est utilisée et invoquée à l’inverse pour intimider toute tentative, toute initiative, toute organisation.[/rouge]

[bleu]De la Loi à la Norme[/bleu]

On n’est même plus dans la Loi, mais dans la norme, c’est à dire dans une tendance inconsciente et amorphe , vers un ordre caché, une domination établie, un zéro absolu.

Tout le monde va dans le même sens de manière consciente ou inconsciente. On s’habitue à la morbidité et la destructivité de toute intervention ou politique. On se résout, on s’insensibilise au sort des autres, car en réalité, on est accaparé et diminué par sa propre peur.

or, le fascisme commence quand la norme devient dogme.

[bleu]De la norme au dogme[/bleu]

[rouge]Quand on aura réussi à tout décourager, quand on aura réussi à faire fermer les derniers lieux sociaux[/rouge], à détruire les dernières « anomalies », alors un pas de plus s’affirmera: la norme contre laquelle on est impuissants , se généralisera et inspirera tellement de peur et d’obéissance qu’elle sera célébrée par ceux qui la servent.

Elle deviendra dès lors un « dogme », c’est à dire le fascisme.

Ce que nous, initiateurs sociaux, constatons, c’est que ce fascisme ne vient pas comme on nous le raconte sans cesse , « par le bas » . Il n’est pas le produit quoi qu’on en dise, d’une soit disant progression du racisme , de l’intolérance. Il n’est pas la volonté d’un peuple qui a tant de peine à exister en tant que tel.

Le fascisme moderne, celui qui nous arrive, est un fascisme qui vient du haut, des institutions, des administrations, et de ceux qui les servent.

[bleu]Du dogme au fascisme[/bleu]

Il n’existe aucun consensus populaire autour du plan qui se dessine ; au contraire, toutes les tendances naturelles des gens et des groupes sociaux iraient vers plus de social, et plus de vie collective , de liberté d’initiatives , de marges d’autonomie et d’émancipation, s’ils avaient vraiment le choix.

[rouge]Ce n’est que par défaut et par dépit qu’on impose au nom de tous un « anti-social » un « zéro social » dogmatique[/rouge]. Et le mensonge est de le faire au nom de tous , en s’abritant sur une soit disant volonté populaire qu’on a tout fait pour étouffer.

[bleu]Comment lutter ?[/bleu]

Quelle est la meilleure manière de lutter? Jusqu’ici la meilleur manière de créer de la vie et de l’autonomie restait du côté de l’affirmation de possibles et d’alternatives. On tentait de démontrer par l’initiative, par l’exemple, « qu’on peut » , que « c’est possible » de faire du social là où justement on dit qu’il n’a plus lieu d’être (comme au côté des groupes et populations rejetées).

Mais ce « Yes we can » paraît bien aujourd’hui insuffisant des deux côtés de l’Atlantique et nous recherchons de nouvelles manières et voies , non pas de résister (la résistance constitue toujours la force de ce contre quoi elle lutte) , mais de faire sécession, de créer d’autres espaces, d’autres territoires, d’investir les friches… pour bâtir

[bleu]Pas de résistance, de l’existence: la Rexistence.
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La meilleure manière de lutter n’est pas du côté de la résistance , mais de l’existence, pas du côté de la réaction, mais de l’action tout court. Nous luttons à chaque fois que nous posons des actes sans laisser le temps aux forces de censure de nous amener à y renoncer au préalable.

[rouge]A l’opposé du Zéro, il y a le 1, le nombre, le multiple, le divers[/rouge]; ce qui se reproduit, la vie et ses avatars.

[fuchia]« Nous puisons dans les problèmes les mystères nécessaires à la vie quotidienne. Nous les posons aux enfants, nous les posons aux adultes, nous les posons aux familles. Ainsi chacun est appelé à y prendre part. Les problèmes convoquent et mobilisent ; ils sont l’énergie d’une vie sociale pleine d’imprévus »[/fuchia]

Freire , Pédagogie des opprimés, cité par Gaïa de Terrain d’Entente.

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Association Intermèdes-Robinson

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