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La motivation scolaire : entre désir d’apprendre et projet d’avenir

Il est sans doute possible de penser que l’un des facteurs de la réussite des élèves à l’école réside dans le rapport subjectif que l’enfant entretien avec l’apprentissage. C’est peut être parce que l’institution scolaire ne prend pas assez en compte cet aspect que se développent les offres privées de coaching scolaire.

Motivation scolaire et désir d’apprendre

De nombreux pédagogues, qui ont été à l’origine de l’éducation nouvelle tels que Dewey, ont mis en avant l’importance de partir de l’intérêt de l’enfant c’est-à-dire de s’appuyer sur leur désir d’apprendre. Leur justification reposait sur le fait que les enfants sont souvent curieux du monde qui les entourent – posent de nombreuses questions – et semblent ainsi posséder un désir spontané d’apprendre. L’idée est alors qu’un enfant apprendra d’autant mieux et d’autant plus facilement qu’il est intéressé.

On peut se demander à cet égard si les plus grandes difficultés que les élèves français rencontrent dans l’apprentissage de la langue anglaise ne provient pas du fait que l’enseignement y valorise avant tout la correction de la langue plus que le désir de parler et la confiance en soi des élèves pour éviter les inhibitions.

On ne peut ainsi être que surprise lorsque l’on est professeure de lycée, comme c’est mon cas, de la disparition du désir d’apprendre, ou du moins dans le cadre scolaire, chez un certain nombre d’élèves pour qui l’école est avant tout source d’ennuis.

Issue d’un milieu familial scolairement peu doté et ayant des difficultés de l’apprentissage de l’écrit, il est certain que mon désir d’apprendre a été un moteur important pour éviter une situation d’échec scolaire fatale. Néanmoins, j’ai eu le sentiment d’avoir bien souvent du le maintenir intact par moi-même – en particulier par des lectures personnelles- en dehors de l’institution scolaire qui ne semblait que peu disposer à s’appuyer dessus. Combien de fois n’a-t-on pas vu des élèves passionnés de sciences ou de techniques en dehors de l’école être en échec scolaire, sans que l’on se demande pourquoi ces élèves parviennent parfaitement à apprendre ces choses là seuls et échouent dans le cadre scolaire ?

Il est probable que le taux d’encadrement des élèves est un facteur de réussite comme le montre l’exemple de la Finlande ou même la multiplication par les familles les plus dotés en capital économique de cours individuels de soutien. En effet, ce qu’il n’est pas possible de faire avec des classes surchargées, c’est de s’adapter au rythme et aux modes de cognitions, aux intérêts, c’est-à-dire de manière générale aux besoins spécifiques, des élèves en difficultés.

Ces adaptations pédagogiques spécifiques aux élèves en difficultés scolaires nécessite en outre le temps d’effectuer un décentrement. En effet, il est possible qu’il faille renoncer aux méthodes qui ont permis à l’enseignant de réussir lui même sa propre scolarité, surtout si lui même n’a pas eu l’expérience d’être en échec scolaire. De même, il est probable qu’une telle adaptation suppose le temps d’expérimenter différentes méthodes. Il serait sans doute à cet égard intéressant d’étudier plus particulièrement les processus cognitives qui permettent à des élèves peu dotés familialement en capital scolaire ou qui ont des troubles de l’apprentissage, ou ont été plus généralement en échec scolaire, de rétablir la situation et de réussir leur scolarité.

Enfin, plus que la transmission de connaissances encore, ce que le système scolaire doit pouvoir développer est la capacité d’apprendre par soi-même c’est-à-dire qu’il doit produire des personnalités autonomes qui auront le désir de se former tout au long de leur existence et qui seront capables de le faire. Par conséquent, l’enseignement ne doit pas se contenter d’entretenir le désir d’apprendre, mais il doit faire en sorte que l’élève soit en capacité de construire un sens pour lui-même à ce qu’il apprend. En effet, une des difficultés soulignées par nombre d’études tient au fait que l’ennui scolaire provient du fait que les élèves ne voient pas le sens de ce qui leur est appris. Ce sens peut être construit par l’enseignant par exemple en mettant en relief l’utilité pratique d’un savoir. Mais parce que chaque élève est une personne différente, il doit être construit par l’élève lui-même en fonction de son vécu, de ses intérêts personnels et de ses projets. C’est également cette capacité à construire du sens que l’école doit leur apprendre.

Il est possible de prendre l’exemple de l’enseignement des mathématiques en France. Dans la lignée de l’école mathématique constructiviste Bourbaki, il se centre sur le développement des capacités d’abstraction mathématique des élèves. Or il est possible d’effectuer deux constats. Le premier c’est le taux d’échec et de blocage psychologique face aux mathématiques des élèves français. Le second c’est leur faible taux de réussite comparativement par exemple aux élèves finlandais lors des évaluations internationales. On peut se demander si cela ne tient pas au fait que les mathématiques telles qu’elles sont enseignées en France sont détachées de toute résolution de situations concrètes qui pourrait aider l’élève à donner, aux apprentissages mathématiques, un sens. L’objection qui est fait à ce type d’approche concrètes, c’est qu’elles favoriseraient peu le développement des capacités d’abstraction qui seraient nécessaires pour l’étude des mathématiques dans le supérieur. Il me semble pourtant qu’il s’agit là d’un argument curieux. En effet, l’objectif de l’enseignement des mathématiques durant les cycles du primaire et du secondaire est de fournir des compétences mathématiques à tous et non pas de sélectionner les futurs polytechniciens ou les futurs médailles Fields. Il existe pour ceux qui se destinent à des études mathématiques plus poussées la possibilité de prendre des enseignements de spécialité.

Motivation scolaire et projet d’avenir

Le documentaire « Sur le chemin de l’école » (2012) met en scène des élèves armés d’une forte motivation d’apprendre. La fin du documentaire montre comment cette motivation est reliée à un projet d’avenir, par exemple professionnel. Ces enfants veulent échapper à une condition sociale qu’ils vivent comme objectivement difficile : ils veulent échapper à leur destin social.

Pour les élèves en difficultés scolaires, l’école peut ne pas faire sens comme vecteur de transformation future de leurs conditions d’existence. Par exemple, les élèves, issus de l’immigration économique, subissent un premier handicap social – au départ- lié en particulier au manque de capital scolaire de leurs parents. C’est ce qu’on appelle l’inégalité des chances. Ils peuvent rencontrer également au moment de l’insertion professionnelle des discriminations liées à leur nom d’origine étrangère ou être désavantagés par le manque de capital social et économique de leurs parents.

C’est cet échec de l’institution scolaire à être un vecteur d’ascension social que renvoie bien souvent la société à ces élèves. Mais c’est là réduire le rôle de l’instruction scolaire à l’employabilité. Or pour un jeune issue des classes populaires et de l’immigration l’enjeu des acquisitions scolaires ne se joue pas uniquement au niveau d’une carrière professionnelle rémunératrice

On oublie peut-être pour ne pas avoir eu à côtoyer de près ces situations à quel point la scolarisation est en jeu d’encapacitation (empowerment) et de dignité. Lorsque j’ai mené une enquête sociologique auprès d’adhérents d’origine sub-saharienne d’un syndicat du bâtiment, j’ai pu constater les profondes difficultés dans la vie quotidienne que posent le fait d’être illettré ou d’avoir été très peu scolarisé. Durant la période où j’ai été déléguée syndicale dans le secteur de l’accueil et de la surveillance, j’ai pu me rendre compte de ce que signifie ne pas être capable de se défendre parce qu’on a du mal à bien s’exprimer en français et à maîtriser le registre oral et écrit de la langue soutenue.

Peut-être parce que nombre d’enseignants sont issus des classes moyennes, qu’ils n’ont pas été confrontés aux difficultés de leurs propres parents ou frères et sœurs, ils ne mettent pas en relief ces dimensions de l’enjeu de la scolarisation. De même, l’éloignement de nombre d’enseignants d’avec le monde professionnel, en particulier de celui des classes populaires, ne permet peut être pas de saisir concrètement les difficultés et les humiliations que vivent au quotidien les personnes qui ont fait peu d’études.

Cette dimension rejoint également le manque de contact probablement des élèves avec des modèles positifs qui pourraient les aider à construire une identité qui renforce leur confiance en eux : des modèles qui leur montrent que l’on peut être immigrés et réussir également en dehors du sport, des modèles de femmes scientifiques, des exemples de personnes qui ont été en échec scolaire ou qui ont connu des troubles de l’apprentissage et qui ont rétabli la situation….Sans tomber dans l’effet Master classe (émission de France 4), il y a sans doute un effet d’empowerment de pouvoir s’identifier et se projeter sur un modèle positif.

La motivation liée à un projet d’avenir – ou simplement même le désir de ne pas reproduire un destin social – constitue certainement une force pour pouvoir garder une motivation intacte face à l’adversité alors que le simple désir initial d’apprendre peut s’émousser.

4 Comments

  1. Bernard Collot

    La motivation scolaire : entre désir d’apprendre et projet d’avenir
    Remarque
    Ce qu’on a appelé le “groupe Bourbaki” c’étaient ceux qui avaient planché sur la réforme de l’enseignement des maths dans ce qui a été la très courte période des maths modernes.

    Il y a eu un énorme malentendu, entretenu peut-être par les instigateurs mêmes de la réforme.
    Ce qui aurait pu être une révolution, ce n’est pas celle des maths mais le fait que pour la première fois celles-ci était considérées comme un langage qui créait des représentations. Un jeu de création.

    Cela a été pris comme le remplacement des problèmes de robinets par des patates (concrètes !)

    Une frange de la pédagogie Freinet (et moi-même quand il y a très longtemps j’étais encore en service) poursuit dans ce sens avec les créations et les recherches mathématiques parallèlement avec le calcul vivant du père Célestin.

    Il n’a jamais été vérifié si les mômes qui ont subi cette courte et soit disant horrible période sont devenus dans la vie des illettrés mathématiques !

    Par contre, et cela va dans ton sens, j’ai entendu au vol sur France Culture qu’une enquête récente dont j’ai loupé quelle en était la source (OCDE ?) révélait qu’il y avait trois à quatre fois plus d’illettrés mathématiques que d’illettrés tout court dans la population. Pouvoir additionner les montant de ses courses ou faire les calculs indiqués dans sa feuille d’impôts n’indiquant pas que vous n’êtes pas un illettré mathématique !

  2. valérie Guiffrey

    La motivation scolaire : entre désir d’apprendre et projet d’avenir
    C’est là où certains artistes sauveraient la donne.
    Ceux de l’Art Concret par exemple !
    De la représentation abstraite, déniée ou oubliée, quel dommage quand il n’y a qu’à tendre la main. Le savoir est là, l’ignorance perdure !

  3. Anonyme

    La motivation scolaire : entre désir d’apprendre et projet d’avenir
    Dans mon bouquin: “l’être à l’école, vivre l’école, ses maux croisés”, se trouvent La démarche et les attitudes et techniques de travail hautement pédagogiques (appliquées pendant + de 30 ans en ZEP et ailleurs, du CP au CM2, cours doubles ou simples) qui amènent les enfants sur le chemin des progrès et de la réussite en développant les savoirs, savoir-faire et savoir-être, aisi que les talents cachés…et ceci en 1 an!!!
    J’ai écrit à M. Peillon, aux divers IEN, IA, et recteurs de France, et même à M. Jacques Bernardin, directeur du GFEN…et j’en oublie! PAS UNE SEULE REPONSE !! Grâce à mon site (par google seulement), des enseignants de diverses régions françaises me contactent, achètent mon bouquin et bénéficient d’une “formation” par mail, téléphone ou lettre.
    Je suis écoeurée par l’indifférence de ceux qui ne pensent qu’à multiplier les réunions au cours desquelles on n’écoute que ceux qui, même haut placés, N’ONT RIEN à DIRE.
    Auraient-ils PEUR de ceux qui SAVENT ? Comme le dit Valérie Guiffrey, “Le savoir est là, l’ignorance perdure”, hélas, pour les enfants ! Marie-Thé.

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