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L’Université Paul Valéry vote ses modalités d’examens : les « bonnes intentions » au détriment des étudiants

Dans l’édition du 4 mai du journal “Le Monde”, un article est consacré aux modalités d’évaluations et de notation dans plusieurs universités en période de confinement et au réveil des protestations étudiantes. Le SCUM (CNT-SO) interviewé, y défend “l’application d’un cadre unique d’évaluation favorable à tous les étudiants.”
Pour rappel, le SCUM avait défendu cette position avec d’autres syndicats au Conseil des études de l’Université de Montpellier. Il s’était fendu d’un communiqué qui pose clairement les limites de cette évaluation.
L’article du monde : https://www.lemonde.fr/campus/article/2020/05/04/controle-continu-qcm-dossier-a-l-universite-des-examens-a-geometrie-variable_6038535_4401467.html

Mercredi 15 avril se tenait le Conseil des Études et de la Vie Universitaire (CEVU) de l’université Paul Valéry Montpellier 3, chargé de définir les modalités d’examens du second semestre, dans un contexte de fermeture de l’établissement et confinement généralisé.

Pendant plus de 6h d’affilée, les élus étudiants du Syndicat de Combat Universitaire de Montpellier (SCUM), soutenus par la voix de la CGT des universités, ainsi que l’ensemble des élus étudiants ont défendu, par de multiples propositions, qu’un cadre unique soit appliqué à toutes les évaluations.

Le Règlement des Etudes que nous avions dévoilé et analysé le 10 avril a été adopté. La validation et neutralisation du semestre furent refusés en bloc par les enseignants et la présidence. Même la proposition du vice-président étudiant, de maintenir les examens en ligne avec, en cas de note inférieure à 10, un report de la note du premier semestre fut rejetée.
A chaque fois, les 19 enseignants et personnels se sont coalisés pour refuser l’ensemble des propositions émises par les 16 voix étudiantes et du personnel CGT.
Trois voix de différence, c’est peu, mais cela change tout pour les près de 22000 étudiants de l’université.
L’échec du recensement des difficultés numériques : l’université sans nouvelles de 64,3 % des étudiants.

Pourtant, rien ne permet actuellement de garantir que l’ensemble des étudiants de l’université Paul Valéry Montpellier 3 pourra effectivement passer ses examens. L’université a envoyé des SMS et e-mails aux 21664 étudiants de l’université afin de recenser celles et ceux étant en situation de « rupture numérique ». Si cette initiative a été abondamment médiatisée par la présidence de l’université, les résultats réels de ce sondage n’ont été communiqués qu’après le dépôt d’une motion spécifique par les élus étudiants du SCUM. Ce peu d’empressement à communiquer les résultats s’explique par l’échec cuisant de cette campagne de recensement des difficultés numériques : sur les 21664 étudiants contactés, seuls 7725 ont répondu, soit uniquement 35,7%. Ainsi, l’université n’a aucune nouvelle de 64,3% de ses étudiants, et personne ne sait combien parmi ceux-ci ne pourront pas être en mesure de passer leurs examens.
Plébiscités par les étudiants, les Devoirs Maison « encouragés » mais pas généralisés.

Dans un sondage publié par un étudiant du SCUM sur le groupe Facebook des étudiants de l’université deux jours avant la séance du CEVU, plus de 800 étudiants ont répondu. Moins de 1% des étudiants se sont prononcés pour le report des examens, et seulement 11% en faveur des devoirs en ligne, pourtant privilégiés par la présidence de l’université. A contrario, 36% des étudiants ont demandé la neutralisation ou la validation automatique du semestre. Et ce fut plus de 52% des étudiants ayant répondu au sondage qui ont demandé des examens sous forme de Devoirs Maison à rendre sous 21 jours.
Cette dernière proposition, formulée par le SCUM et la Corpo Lettres Epsylone permettait de garantir les conditions d’examens les plus équitables et les plus accessibles pour l’ensemble des étudiantes et étudiants de l’université. L’amendement au Règlement des Etudes que nous avons soumis au vote afin de généraliser cette solution fut rejeté par 19 voix contre 16.
Cependant, malgré la non-généralisation des Devoirs Maison, l’université a accepté lors des réunions et échanges précédant le CEVU d’« encourager » les enseignants à recourir à cette modalité d’évaluation. Ainsi, entre 60% et 70% des examens se feront effectivement sous forme de Devoirs Maison.
Une rupture d’égalité préjudiciable pour l’ensemble des étudiants.

Toutefois, nous ne pouvons-nous satisfaire de ce résultat. En effet, les modalités d’examens consacrent le principe de l’inégalité entre les étudiants. Tout dépendra des modalités choisies par chaque enseignant. Certaines évaluations se feront en ligne, de façon chronométrées sur la plateforme pédagogique Moodle, connue pour ses bugs, d’autres par le rendu de Devoirs Maison, et certaines se feront même par des oraux en visiophonie ! Ces examens ne prennent pas en compte les difficultés de confinement rencontrées par beaucoup d’étudiants (bruit, connexion fluctuante, crises d’angoisse)

Ce ne sont pas les quelques avancées obtenues qui permettront de résorber la rupture d’équité.
En effet, l’université a accepté que les notes du second semestre ne soient pas prises en compte pour les candidatures en Master 1, et a appelé les jurys à « l’indulgence vis à vis des étudiants ayant vécu une grande difficulté personnelle en prenant en compte les résultats du premier semestre par exemple pour l’attribution de points jury ».
L’attitude de l’université en temps de crise révèle la crise de l’université.

Les enjeux semblent ainsi fixés. La présidence semble vouloir profiter d’une situation catastrophique inédite (on parle quand même de « pandémie mondiale » !) pour accentuer son processus de sélection, mieux correspondre aux nouvelles attentes d’une « nouvelle » université qui sélectionne encore et toujours plus aux dépens des précaires. En ces temps critiques, ce sont toujours les plus faibles qui sont sacrifiés, dans la société comme à l’université. Conséquence logique d’une institution à son image.

Alors que l’institution universitaire se dépeint comme un lieu de savoir, la crise sanitaire met ici le roi à nu. Quelle forme de sagesse peut-on effectivement trouver dans cette gestion délirante des problèmes rencontrés par les étudiants ?
Pourtant, ces problématiques se devraient d’être prises en compte par n’importe quel gestionnaire un peu sérieux de notre temps, aussi despotique soit-il. A l’autoritarisme s’ajoute une fois de plus un amateurisme devenu antithèse de toute forme de pragmatisme.

Aux revendications étudiantes, la même présidence d’université s’oppose en s’indignant d’une illusoire « dévalorisation » des diplômes tout en mettant en œuvre une mécanique de sélection drastique, où des quantités d’autres personnes se retrouvent triées et sélectionnées au quotidien, à l’université comme dans le reste de la société.
A l’image de l’attitude des « employeurs » à accepter ou à rejeter une candidature, la sélection sociale s’effectue aussi par le système éducatif, dès l’entrée à l’école maternelle. Dans ce qui apparait comme une fabrique de l’inégalité, l’invocation du « mérite », ou de la sélection comme processus logique et inné relève davantage de la superstition que de la raison.
Nos perspectives d’ascension sociale dépendent bien plus du hasard qui nous détermine tous que d’un quelconque talent voire travail. Le « savoir » à l’université consiste bien souvent à recracher son cours et être en bons termes avec ses enseignants, qui eux-mêmes s’assurent leur reproduction sociale.

Le Conseil des Études et de la Vie Universitaire de ce mercredi 15 avril avait l’occasion de réaffirmer l’ambition d’ascenseur social et de transmission des connaissances affichée par l’université.
Au contraire, il n’a fait que révéler un peu plus la mécanique froide d’une institution à l’image de la société dans laquelle elle s’inscrit : profondément et structurellement inégalitaire.

Syndicat de Combat Universitaire de Montpellier – SCUM
http://www.combatuniversitaire.wordpress.com – syndicat.scum@live.fr

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