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L’esprit critique peut-il se passer de culture scientifique ? Journées d’étude de l’ACIREPh 6 & 7 nov.

Lycée Lurçat – 48 avenue des Gobelins – Paris 13ème

INSCRIPTION EN LIGNE : CLIQUEZ ICI

Lors de la récente crise sanitaire, les scientifiques ont été spectaculairement projetés sur le devant de la scène. La nation applaudissait tous les soirs les héros de la santé, tandis que le bulletin sanitaire du pays tombait sur les écrans pour informer les citoyens et légitimer les décisions. On a aussi vu à cette occasion la multiplication des controverses, des expertises et des avis, chaque citoyen finissant par avoir le sien.

Peut-on dire que ce fut un grand progrès pour la démocratie ? Assurément si on en juge par l’ampleur de la discussion publique : elle n’était plus seulement le fait des experts, puisque des journalistes parlant au grand public, et parfois en son nom, s’emparaient des questions de celui-ci. On estime en effet qu’une démocratie fonctionne d’autant mieux que la participation des citoyens au débat public est la plus large possible. Le tour souvent irrationnel des débats a toutefois jeté un doute sur la nature de ce soudain engouement pour la science et sur la compétence du citoyen à former une opinion éclairée sur des questions qui dépassent sa compétence.

La puissance des outils de communication et de diffusion de l’information semble avoir autant servi la vérité que la fausseté.

Cette situation exceptionnelle nous offre une occasion de travailler avec les élèves des problèmes philosophiques à la fois fondamentaux et directement en prise avec leur expérience concernant les rapports de la science (nouvelle notion au programme de Terminale générale) et de la démocratie, du rôle de la vérité et de la raison dans le débat public et les décisions de l’État, des techniques de persuasion et d’information dans une société. Elle invite également à réfléchir à la nature, à la place et au rôle de la culture scientifique dans la formation des élèves et des enseignants.

1° Le problème de la compétence du public.

1.1 Juger des questions d’expertise : compétence ou incompétence du public ?

Par définition, le citoyen (ou son représentant) est incompétent. Mais la décision lui appartient. Comment faire pour qu’elle ne soit pas irrationnelle ? Est-il raisonnable de demander à des assemblées de citoyens, par définition composées de gens incompétents, de rendre un avis sur des décisions importantes ? L’objection platonicienne contre la démocratie ressurgit : c’est l’argument de l’incompétence du public.

Mais que vaut-il ? Sommes-nous condamnés au gouvernement des experts ? Ou peut-on penser autrement la vie démocratique ? Est-ce utopique d’imaginer des assemblées de citoyens auditionnant des experts, les obligeant à vulgariser leurs idées de façon à être entendus ? Est-ce aux citoyens d’avoir la compétence de l’expert, ou à l’expert d’avoir la compétence de se faire comprendre et de partager son savoir ? Et aux citoyens, la compétence de juger la valeur respective des discours d’experts ?

1.2 Juger par soi-même ou savoir qui croire ?

Selon ses programmes, l’enseignement philosophique a pour but de former le jugement critique. Il développe notamment l’aptitude à démasquer les faux savoirs, à évaluer la pertinence des discours de spécialistes et de l’opinion courante dès lors qu’ils interviennent dans des questions générales d’ordre moral ou politique. Cet idéal philosophique n’est-il pas exagérément présomptueux ou naïf ? Les leçons déjà définitives données au public par des philosophes patentés sur la crise du Covid-19 sont-elles des modèles de lucidité critique ? Dit autrement, plutôt que de tout vouloir « juger et penser par soi-même », le problème n’est-il pas plutôt de savoir à quelle(s) autorité(s) se fier ? Est-il irrationnel de croire sur la base d’une autorité ? N’est-ce pas ainsi que les élèves apprennent l’essentiel de ce qu’ils savent ? Dès lors, la question serait plutôt : comment distinguer (et apprendre aux élèves à distinguer) une autorité fiable d’une autorité douteuse quand il s’agit de connaissance ? Quelles procédures utiliser pour vérifier la fiabilité d’une autorité, d’une source ? Quelles compétences sont en jeu dans la sélection des sources selon leur fiabilité ?
2° Le problème des rapports entre raison, science et démocratie.

La démocratie suppose-t-elle l’éducation scientifique du citoyen ? L’inculture scientifique est-elle un danger pour une démocratie ? La science a-t-elle une valeur éducative ? Peut-elle contribuer à la formation du sens politique des citoyens ?

Les connaissances scientifiques sont en effet au cœur de nombreuses décisions politiques. Qu’en est-il du réchauffement climatique ? Est-il vrai que les néonicotinoïdes sont responsables de la disparition des abeilles ? Etc. Les enquêtes Europeans, Science and Technology sur le niveau de culture scientifique des citoyens européens ne sont pas rassurantes : 29 % des Européens pensent qu’il est vrai que la terre tourne autour du soleil ; 29 % pensent que les électrons sont plus gros que les atomes et 25 % ne savent pas ; 20 % des Européens pensent que les gènes de la mère déterminent le sexe de l’enfant et 16 % déclarent n’en rien savoir ; 43 % pensent que les antibiotiques tuent les virus comme les bactéries et 11 % ne savent pas ; 27 % pensent qu’il n’y a pas de radioactivité naturelle et 14 % ne savent pas, etc. Enfin l’astrologie est une science pour 41 % des Européens, et l’histoire seulement pour 34 %.

La culture scientifique des citoyens dans une démocratie, ce problème philosophique contemporain, ne devrait-il pas être une pièce maîtresse de la formation de tous les élèves ?
3° Parole, argumentation et démocratie

En démocratie, parce que le citoyen exerce sa souveraineté en participant à la délibération et la prise de décision publiques, chacun a un droit égal à la parole et un égal temps de parole. Mais certains savent manifestement s’en servir mieux que d’autres car cet exercice dépend de la capacité à exprimer ses idées, à les défendre, à prendre en compte les objections, la diversité des points de vue, etc.
Cette question concerne le fond car ce qui est en jeu est la capacité, dans le débat public, à argumenter rationnellement, à évaluer une argumentation, à juger de la force et la pertinence d’un argument, à éviter les sophismes, la capacité à se former une opinion protégée de l’influence, à l’abri de l’emprise ou des manipulations.
Ce problème questionne l’enseignement donné aux élèves : quelles pratiques permettent de former et d’exercer ces compétences ? Peut-on les intégrer au traitement d’une question philosophique ? Sous quelle forme ?
4° Le problème du genre de culture scientifique nécessaire en démocratie.

La tournure irrationnelle des débats, la propagation si facile des fake-news ou d’une information non maîtrisée, la méfiance excessive envers la science ou au contraire une crédulité devant le premier expert, éventuellement auto-proclamé, venu, etc. ; tout cela vient-il principalement :

a) de ce que les citoyens ne connaissent pas assez ses résultats ? Quelle quantité de connaissances serait nécessaire et dans quel domaine, pour que le citoyen soit jugé suffisamment compétent et à l’abri de faux jugements ?

b) de ce que les citoyens ne connaissent pas la manière dont s’élabore la connaissance scientifique ?

Le profit principal que le citoyen devrait retirer d’un enseignement scientifique est-il dans l’acquisition d’une certaine somme de résultats ou dans la compréhension et l’initiation à sa méthode ? Ce qui pose aussi la question de la place de l’enseignement de l’histoire des sciences tant dans l’enseignement que dans la formation des professeurs. L’enseignement des controverses scientifiques peut-elle avoir ici une valeur éducative ?
5° Le problème de la vulgarisation scientifique

L’objectif de rendre tout le monde « savant » serait assurément insensé. Mieux, choisir de ne pas s’intéresser aux sciences est parfaitement légitime, quand bien même il serait jugé regrettable et potentiellement dangereux. Mais s’il est vrai que la culture scientifique est nécessaire pour la démocratie ou une formation complète de l’être humain, comment rapprocher la science du public profane ?

Si la vulgarisation scientifique ne cherche évidemment pas à proposer une compréhension technique complète et exacte du contenu et des résultats d’une science à un moment donné, comment peut-elle néanmoins en tirer une sorte de connaissance commune de la science faite et se faisant ? Commune, c’est-à-dire en faire un bien commun, partageable et partagé ; et commune, accessible au sens commun, à la différence des connaissance spéciales réservées aux experts.

Comment communiquer la culture scientifique au citoyen ? Quels sont les obstacles et difficultés ? Comment les surmonter ? Quelles compétences cela suppose (y compris rhétoriques ou communicationnelles) ? Est-il possible, sans trahir le propos scientifique, de présenter les choses dans une forme suffisamment concrète, attractive et stimulante ? De faire saisir les perspectives nouvelles qu’un travail apporte à de grandes questions ?

PROGRAMME

VENDREDI 6 NOVEMBRE 2020

9H – Accueil des participants et présentation des journées

10H – 12H – Conférence-débat : Amy DAHAN, historienne des sciences (CNRS) : La question climatique entre sciences, expertise et politique.

14H – 16H – ATELIERS au choix animés par des collègues (programme en cours d’élaboration)

16H30 – 18H – Bilan et perspectives : et dans nos classes ?

SAMEDI 7 NOVEMBRE 2020

10H – 12H – Conférence-débat : Dominique LARROUY, maître de conférence (INSERM) : L’enseignement des sciences permet-il vraiment d’éduquer l’esprit critique des élèves ?

14H – 16H – ATELIERS au choix animés par des collègues (programme en cours d’élaboration)

16H30 – 18H – Réforme du lycée et actualité de la profession
INSCRIPTION EN LIGNE : CLIQUEZ ICI

Les Journées d’étude de l’ACIREPh sont ouvertes à tous ceux que les questions de l’enseignement de la philosophie intéressent, et s’adressent tout particulièrement aux professeurs de philosophie, débutants ou expérimentés, qui souhaitent réfléchir collectivement à leur pratique, pour s’emparer des questions posées par leur métier.

Les journées d’étude sont organisées en tant que stage de formation syndicale, cette année en partenariat avec la CGT Éduc’action. La formation sur le temps de travail est un droit pour tous les personnels de l’Éducation nationale, syndiqués ou non. Il suffit d’adresser à votre Rectorat une demande de congé pour formation syndicale (modèle ci-joint) AVANT LE 6 OCTOBRE 2020.

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