Si au lieu de parler pédagogie (quelles pratiques dans le système… existant ?) on envisageait l’école en tant qu’espace physique et social autonome ?
En ce moment la « révolution » commence à s’envisager et à se préconiser beaucoup plus dans le « local » que dans les espaces dits nationaux parfaitement verrouillés par les États qui ne sont que les outils des castes dominantes et qui n’ont toujours été que leur outil de domination (monarchie, aristocratie, ploutocratie, oligarchie), aujourd’hui dans la mondialisation du capitalisme. Il s’agit que les États coordonnent entre eux ce qui constitue l’espace planétaire dans lequel les populations doivent se soumettre aux intérêts des dominants. Tous les systèmes imposés (politiques, économiques, financiers, agricoles, commerciaux…éducatifs) sont semblables ou sont contraints à devenir semblables, voire rassemblés dans un seul.
Pas très original, j’enfonce des portes ouvertes ! Les grands systèmes, changement climatique et soulèvements sociaux aidant, commencent à être ouvertement remis en cause. Mais il est beaucoup moins évoqué l’outil principal de cette mondialisation qu’est l’école, improprement appelée école publique qui serait alors au service de la population et en particulier des enfants alors qu’il a toujours s’agit de l’école de l’État (ses créateurs, promoteurs et gardiens depuis Guizot ne s’en sont jamais cachés).
Il devrait être évident que vouloir changer de son intérieur l’école de l’État est un leurre, comme si l’État accepterait de saborder ce qui assure le formatage de la population à venir (travailleurs) dont ceux qui en détiennent les manettes ont besoin. J’ai développé ceci dans une série de billets dont Changer l’école publique, un leurre ? – École et démocratie – Se radicaliser à propos de l’école – Le formatage à la soumission et à la domination.
Reste la révolution au niveau local, c’est-à-dire dans des espaces territoriaux restreints où une relative alternative est encore possible ; alternative très relative d’ailleurs, l’État l’ayant compris verrouillant jours après jours tous les possibles comme dernièrement une loi au Sénat empêchant l’auto-construction. Il n’empêche que se développent et s’expérimentent dans quelques-uns de ces territoires des transformations de l’espace politique (assemblées et listes citoyennes…), de l’espace agricole (communes soutenant la petite agriculture bio, interdisant les pesticides…), de l’espace économique et commercial (AMAP, lutte contre les grandes surfaces commerciales, réseaux d’échanges…)… autrement dit de tous les espaces sociaux sauf… sauf de l’espace scolaire dont il est rarement question !
Pour beaucoup de raisons on ne pourra du jour au lendemain supprimer l’école ; même dans une société sans école de Illich on peut imaginer qu’au moins dans un premier temps il y ait besoin d’espaces de vie appropriables par des collectifs d’enfants avec l’aide d’adultes. Mais pas d’espaces clôturés, soigneusement isolés de tous les autres espaces physiques et sociaux de leur proximité, ne dépendant que de l’autorité centrale et sur lesquels ceux qui y sont contraints (enfants, ados, parents) comme le tissu social du territoire de proximité n’ont aucun pouvoir ni même droit de regard ; pas d’espaces où les enfants sont transportés, déplacés quotidiennement dans ce qui s’apparente à des stabulations. C’est en pensant « espace » qu’on peut alors imaginer ce que pourraient y faire des enfants, comment ils pourraient s’y construire cognitivement et citoyennement et non pas « y être construits » c’est-à-dire « éduqués ».
Dans un espace fermé, isolé et contraint (l’école étatique) il y a besoin de pédagogies pour amener les enfants aux objectifs édictés par l’État mais peu connus dans ce qui les sous-tend réellement (seul l’État à le droit d’éduquer disait Paul Bert). Les pédagogies dites nouvelles, actives, coopératives… qui se veulent émancipatrices ont logiquement du mal à se répandre dans un système qui n’est pas fait pour émanciper.
Le seul moyen d’échapper à l’emprise d’un système que l’opinion publique elle-même ne voit pas, c’est que l’école, tant que l’on en aura encore besoin, soit réellement un espace social s’auto-organisant, inclus dans l’espace d’une communauté territoriale, en interaction avec les autres espaces de cette communauté, autonome tout en appartenant à cette communauté. Ce sont alors les conditions dans lesquelles on permet à des enfants de vivre (être et faire) dans des espaces collectifs autogérés qui sont plus importantes que les pédagogies. C’est ce que nous avions fait quasiment clandestinement dans nos classes uniques que j’ai appelées de 3ème type ; l’État en a bien perçu le danger, d’où leur éradication forcenée sans aucune raison réelle. S’il est trop tard pour elles, il serait grand temps que l’école soit posée comme le sont la politique, l’économie, les finances… sur la table des contestations et réflexions au moins locales et que la subversion concerne aussi l’école d’État.
Un article écrit il y a une douzaine d’années pour « éducation au développement durable » L’école, espace éducatif intégré aux autres espaces de l’enfant
J’ai également développé cette notion des espaces dans plusieurs chapitres de « l’école de la simplexité » (thebookedition.com), du temps où je croyais que l’école publique pouvait être changée.