La machine à fragmenter et à diviser aujourd’hui semble s’être emballée. Nous ne comptons plus les divisions, les scissions dans les mêmes groupes. La difficulté de garder ensemble une association, une famille, un parti, un groupe d’amis n’ jamais été aussi forte.
La machine à diviser fonctionne avec deux carburants. Le premier est collectif, social , ethnique. Il identifie les personnes, les situations, les histoires singulières à des catégories qui s’imposent à nous: rroms , chômeurs, RSA -stes, jeunes des cités, immigrés, musulmans.
Le but est de fabriquer de la différence, de l’étrangeté et de favoriser et justifier les discriminations par de nouveaux statuts qui justifient, expliquent, et impliquent tous les agents et tous les acteurs. L’objectif de cette entreprise d’assignation est de construire de l’incompatibilité, de l’opposition foncière, de la guerre sociale et civile.
Le second carburant est d’une nature tout à fait différente. Il est revendiqué par les personnes elles mêmes au nom de l’individualisme et d’une différence de protestation. Celui qui se retranche, celui qui se renferme aimerait bien renverser cet enfermement et cette exclusion au nom d’un illusoire choix personnel, d’une différence qui bien qu’imposée pourrait lui donner de l’identité.
Il s’agit de rejeter l’autre à partir de la différence où il nous a enfermé et de mettre en avant une montagne d’empêchements, à vivre, à partager, à travailler, à lutter, à créer avec les autres.
Ainsi celui qui n’a plus de travail n’ a t il plus de temps, celui qui est pauvre craint-il de payer pour les autres, celui qui est seul a t il peur d’être envahi, et celui qui n’appartient plus à aucun groupe affirme sa radicale différence. Le but est que celui qui n’a rien ait toujours peur de le partager.
L’individu ainsi occupé à s’auto-enfermer devient en quelque sorte le spécialiste de son propre enfermement: expert de sa radicale étrangeté, il comptabilise et théorise la somme de ses intolérances et incompatibilités. Il espère juste pouvoir rencontrer un jour ou l’autre des camarades de cellule. Ainsi se sentira t il peut être moins seul mais cela lui semblera légitimer et encourager encore un peu plus son loin, son entreprise de retranchement du commun des mortels.
Face à de telles tendances, quelle voie emprunter en Pédagogie Sociale? Comment à la fois reconnaître la personne et ne pas l’enfermer dans sa radicale solitude?
Comment lui permettre d’accéder au point de vue de l’autre, à la capacité de faire et produire pour le plus grand nombre? A désapprendre les petits chiffres, les petites recettes d’économie et de survie?
En pédagogie sociale, nous travaillons et produisons pour de grandes quantités, de grands nombres avec une sollicitation, une invitation particulière vis à vis de chacun. Nous voudrions que les individus seuls puissent se ré-approprier la multitude sans peur de s’y perdre.
Nous aimerions que ceux qui sont enfermés dans des castes, des catégories , des ethnies puissent se ré-approprier leur identité collective, sans se sentir condamnés aux identités individuelles et individualistes.
Il y a de l’identité qui inclue et de l’identité qui exclue. Il y a de l’identité qui cherche de l’identique et une autre qui cherche du commun. Il y a des identités que l’on conforte par la fréquentation du même et d’autres qu’on fait grandir au contact de la différence.
A Robinson, nous cultivons des identités qui ne soient réduites, ni à l’individu, ni à la catégorie, mais grandies par le sens d’un commun à construire.
Celui ci s’appelle Communauté.