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Juin 1984, une défaite cinglante !

Il y a vingt ans, la mise en place d’un « grand service public unifié et laïc de l’éducation nationale », portée par un projet de loi d’Alain Savary, alors ministre de l’éducation, entraina un mouvement de protestation et de manifestation qui culmina le 24 juin 1984, en réunissant plus d’un million d’opposants dans les rues de Paris. L’annonce de la décision de retrait du projet de loi, le 14 juillet suivant, par Mitterrand, offrit un épilogue à cette affaire, avec la démission du ministre, trois jours plus tard.

L’Eglise catholique et la droite, de Veil et Chaban-Delmas, Giscard et Chirac, à Le Pen, apportèrent leur soutien à ce mouvement de l’« école libre », qui ne manquait pas de faire valoir les principes de liberté de conscience, d’expression et d’association.

Même Sardou, en bon individualiste et bon ultra, y alla de sa chanson, renvoyant, dos à dos, l’Eglise et la Convention.

La possibilité, pour des structures privées, d’enseigner fait partie des principes fondamentaux des lois de cette cinquième république (décision du Conseil Constitutionnel du 23 novembre 1977) et la Déclaration universelle des Droits de l’Homme, dans son 26ème article, proclame, outre le droit à l’éducation, la priorité des parents quant au droit de choisir le genre d’éducation à donner à leurs enfants.

Sans aller jusqu’à dire que faire rentrer un enfant dans une école privée, religieuse, par exemple, est une atteinte à l’intérêt supérieur de l’enfant, on ne se lassera pas de s’étonner de l’appui que l’enseignement privé trouve avec l’Etat, sous couvert de complaisance, de financements et d’accords – à obtenir le label d’établissement « sous contrat » – quand on sait, en outre, que cet enseignement, qui scolarise 17 % des élèves de ce territoire, est un des puissants moteurs du tri et de la ségrégation sociale, au même titre que le récent assouplissement de la carte scolaire.
Qu’un enseignement privé existe n’est, peut-être, pas le plus urgent des problèmes. Mais qu’il soit, dès lors, strictement « hors contrat », histoire de circonscrire ce qu’il convient, sûrement, d’appeler un symptôme.

En 2003, la plateforme de la Coordination nationale des établissements en lutte, reprenait cette revendication et cet héritage, en réaffirmant le principe d’une école publique pour tous, et la disparition, dans un délai fixé, des établissements d’enseignement privés sous contrat.
Dix ans après, l’école privée se porte comme un charme, ses effectifs gonflent encore, et l’assouplissement de la carte scolaire hiérarchise, chaque année un peu plus, les établissements publics, dont certains sont de plus en plus relégués à l’accueil de la misère du monde.
« Keep calm and carry on… »

Sébastien MARGUET
(enseignant en collège, Seine-Saint-Denis)

0 Comments

  1. Jean Agnès

    Juin 1984, une défaite cinglante !
    Il y a… trente ans. Ce rappel historique vient à point nommé : toutefois, ne revenons pas en arrière…

    Concernant Savary : l’héritage a bien été dilapidé.

    – Laïcité : heureusement, il y a les bavardages, les bouquins, les commissions, les chartes…

    – La stratégie des “fers de lance” nous avait paru astucieuse : le Clemi de la première époque avait été d’une belle efficacité, le Lycée de St Nazaire avait fait date. Depuis le Clemi a été “éclaté” et son statut d’origine perverti. D’ailleurs, amnésie générale sur ce point. Notons au passage que la manie actuelle d’effacer la part fondatrice de l’histoire est une pratique d’occultation détestable.

    Mais qui s’en offusque ? A qui les leçons ont-elles servi ? Plus personne, de nos jours, ne fait campagne pour des “fers de lance” – établissements expérimentaux, laboratoires d’idées, officines de production méthodologique. Les appareils constitués ne s’y emploient pas, les “intellectuels” patentés préfèrent la causerie au coin du feu et les exhortations morales.

    C’est dommage : l’histoire n’a pas été faite que de renoncements. Encore faut-il ne pas en nier les apports. Sur les points cités, Savary n’a pas de succession.

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