Fin des CAP : à la place des droits, le management
Fin des CAP : à la place des droits, le management
Le gouvernement, dans le cadre du plan « Action publique 2022 », annonce un dynamitage en règle des CAP, les fameuses commissions administratives paritaires auxquelles ont recours l’ensemble des fonctionnaires au cours de leur carrière. Il s’agit là d’une offensive directe sur le statut des fonctionnaires, et notamment celles et ceux de l’Éducation nationale. Et ce qui se profile derrière est connu : mobilité sur profil, avancement au mérite, fragilisation des droits.
Les CAP, qu’est-ce que c’est ?
Les Commissions administratives paritaires désignent un ensemble d’instances réunissant membres de l’administration et représentant-e-s du personnel à parts égales. Ces instances ont été instaurées en 1982, et existent dans les trois versants de la Fonction publique. Elles ont des compétences assez variées, mais qui s’articulent toutes autour d’un axe : la gestion de la carrière des personnels. Concrètement, y sont examinés par exemple les changements d’échelon, de grade, les détachements, les disponibilités, les congés formations, mais aussi et surtout la mobilité (les mutations entre académies ou au sein des académies pour le second degré, entre les départements ou au sein des départements pour le premier degré) et les procédures disciplinaires.
Quel est le but du gouvernement ?
Le 25 mai, le ministre de l’action et des comptes publics, Gérard Darmanin, a transmis aux organisations syndicales, dont Solidaires Fonction publique, un document intitulé : « Chantier dialogue social – définir un nouveau modèle de dialogue social dans la fonction publique ». Les axes mis en avant par le ministre sont explicites : « garantir et fluidifier les mobilités individuelles des agents », améliorer la « prise en compte de la valeur professionnelle pour la promotion et l’avancement », le tout sous couvert de « simplifier le fonctionnement des CAP ».
Concrètement, qu’est-ce que cela signifie ?
Ces objectifs sont déclinés dans les différents domaines de compétences des CAP. Dans l’ensemble, il s’agit de vider les CAP de leurs attributions. Voici quelques aspects saillants :
• Suppression de l’examen des mutations par les CAP. Il s’agit d’une nouveauté énorme, sans doute la plus saillante du projet : on passerait d’un système barêmé et transparent à une « gestion RH qualitative », avec une « meilleure prise en compte des besoins locaux ». Il s’agit tout simplement de permettre les recrutements sur profil, par les RH des rectorats ou des DSDEN, et dans le second degré par les chefs d’établissement, ce qui est cohérent avec les projets annoncés par Blanquer par ailleurs, notamment dans ses derniers livres.
• Réduction du nombre de CAP. Le ministre entend passer d’une architecture des CAP par corps (par exemple la CAPN des instituteurs et professeurs des écoles), à une architecture des CAP par catégorie (A, B et C). Dans l’éducation nationale, cela ferait passer le nombre de CAP nationales, par exemple, de 33 à… 3. Dans ces conditions, il est inenvisageable que les CAP puissent examiner les situations qui resteront dévolues à leur charge dans un cadre respectueux des droits des personnels. Par ailleurs, cela avantagerait nécessairement les corps les mieux rémunérés, le nombre de personnels en catégorie A étant bien inférieur à ceux et celles en catégorie C.
• Promotion : un renforcement des critères de mérite. Le projet ministériel prévoit que l’intervention de la CAP se limite à l’examen des critères collectifs d’avancement, qui devront mieux prendre en compte la « valeur professionnelle » des agents. La CAP n’examinerait donc plus les promotions elles-mêmes, mais devrait se contenter de prendre connaissance de la liste des agents promus selon ces critères. Encore une fois, la CAP est vidée de sa marge de manœuvre, entièrement transférée aux ressources humaines et donc à l’arbitraire managérial.
• Disciplinaire : une marge de manœuvre restreinte. L’élargissement du périmètre de la CAP restreindra nécessairement la capacité de l’instance à la portion congrue, de même que pour ses autres compétences. Pour le ministère, la réponse à cette surcharge de travail réside dans… la dématérialisation des procédures ! À noter, l’instauration prévue d’une nouvelle sanction dans le premier groupe de sanction, aux côtés de l’avertissement et du blâme : l’exclusion temporaire de trois jours. Cette dernière n’entrera donc même pas dans le champ de compétence de la CAP, même si elle n’est que consultative.
L’analyse de SUD éducation
Il ne s’agit pas pour SUD Éducation d’idéaliser un paritarisme dont on connaît les limites et la fonction en terme d’intégration du syndicalisme à l’appareil administratif. Mais derrière les compétences des CAP, ce sont bien les droits de toutes et tous qui sont ici menacées. En effet, en vidant les CAP de leurs compétences, il s’agit pour le ministre de faire sauter les verrous en ce qui concerne un certain nombre de droits collectifs, et de renforcer la gestion managériale des carrières :
• des mutations barêmées remplacées par une mobilité sur profil, avec une gestion directe par les ressources humaines. Pour le second degré, le recrutement par les chefs d’établissements, vieille lune des ministères successifs, n’a jamais été aussi proche ! Cela renforcerait de manière inédite le pouvoir des chefs d’établissement et renforcerait les inégalités territoriales déjà à l’œuvre, en renforçant la désertification de certains territoires moins attractifs pour les personnels.
• le renforcement de la promotion au mérite : la promotion n’étant plus examinée en CAP, elle serait également entièrement laissée aux ressources humaines. Encore une fois, ce serait un verrou qui sauterait dans l’objectif énoncé dans « Action publique 2022 » de favoriser la gestion des personnels au mérite, déjà largement avancée avec PPCR.
SUD éducation refuse ce projet de destruction du paritarisme et appelle les personnels à prendre la mesure de l’enjeu, notamment dans le cadre des mobilisations Fonction publique en cours, et par le biais d’Assemblées générales des personnels. À l’opposé de cette école et de cette fonction publique de la concurrence et de la compétition entre personnels, SUD éducation revendique un service public garant des droits des personnels, et fondé sur la coopération entre pairs et l’horizontalité des prises de décisions.