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Entretien avec William Blanc – une lecture politique des littératures de l’imaginaire

Plusieurs membres du collectif Lettres vives ont rencontré William Blanc à l’occasion de la sortie de son livre Une brève histoire politique de la fantasy (éditions LIbertalia). Nous avons souhaité en savoir plus sur son rapport à la littérature…

Quels liens fais-tu entre politique, littérature et art ? Te paraît-il possible de faire des lectures qui ne soient pas politiques ?

William Blanc – C’est ma formation d’historien qui me pousse à faire le lien entre politique, littérature et art. Quand on étudie une source historique, que ce soit une charte médiévale ou un comics produit en 1968, un·e chercheur·euse doit toujours se poser la question du contexte de production : qui écrit et pour qui (et pourquoi) écrit cette personne ? Dans cette optique, il est possible de tirer de productions culturelles beaucoup d’informations sur la société dans laquelle elles ont été écrites. En d’autres termes, on peut parfaitement parler de la lutte des droits civiques aux États-Unis analysant les récits de super-héros. Pareillement, il est possible de faire un parallèle entre le développement depuis la fin des années 1960 d’une conscience écologique et la fascination croissante pour la fantasy, que ce soit dans la littérature, au cinéma, ou dans les jeux de rôles. Après, cela ne veut pas dire que les productions de culture pop’ seraient exclusivement politiques. Au contraire. Si elles rencontrent autant de succès, c’est qu’elles sont aussi distrayantes et amusantes, et qu’elles nous font en un mot rêver.

Lors de ton intervention sur la fantasy à Limay, tu as fini en évoquant la réception des œuvres, et plus particulièrement le rôle central des spectateurs et des lectrices dans l’évolution de l’œuvre et dans sa vie post-écriture/diffusion : pourrais-tu développer ?

W. B. – Disons que je fais la différence entre deux usages politiques des œuvres de culture pop’ : l’usage interne et l’usage externe. Le premier désigne le propos politique que l’auteur a voulu passer à travers son travail. G.R.R Martin, avec Game of Thrones, voulait par exemple proposer un récit de fantasy où la politique jouerait un rôle central. L’usage externe, quant à lui, désigne la manière dont le public, au sens large, s’empare d’une œuvre pour lui faire dire parfois l’inverse de ce qu’avait prévu l’auteur. Pour les super-héros, je cite souvent le cas du Punisher, personnage plutôt négatif créé dans les années 1970 et peu à peu repris par des militaires et des policiers, notamment aux États-Unis. Pour la fantasy, le cas de Game of Thrones est particulièrement intéressant, car la série télévisée, notamment le slogan « Winter is Coming » (transformé pour l’occasion en « WInter is not Coming »), est devenu une allégorie du réchauffement climatique, ce que n’avait pas du tout prévu G.R.R. Martin lorsqu’il a commencé à écrire son cycle romanesque au début des années 1990. Dans les deux cas, des publics différents hackent une œuvre pour lui faire dire ce qu’ils veulent tout en profitant de sa popularité pour faire passer leur message.

Question plus perso : pourquoi as-tu choisi de publier en dehors des circuits universitaires ordinaires ?

W. B. – Il m’arrive encore de publier des textes dans des actes de colloques, notamment Fantasy et Histoire(s) dirigé par Anne Besson. Mais c’est vrai que la plupart du temps, je travaille avec les éditions Libertalia qui proposent des livres pas chers et qui me laissent une énorme liberté de ton. Surtout, avec le temps, je m’aperçois que plein de gens n’ont pas le temps ni l’énergie de lire des gros bouquins comme Le Roi Arthur, un mythe contemporain, qui fait près de 600 pages. Alors, petit à petit, je me dirige vers des livres plus accessibles, qui mêlent des éléments de recherches inédits, mais développés dans une langue et un format simples, plein d’illustrations, bref, des bouquins qu’on peut lire dans un train en allant au boulot ou que l’on peut embarquer pendant une balade en forêt. Je vais aussi m’atteler à l’écriture de livres pour enfants, domaine où les historien·nes ne sont, à mon avis, pas assez actifs·ives.

Bonus : un livre marquant (et un seul!) ?

W. B. – Un seul, ce n’est pas possible, laissez-m’en au moins deux, ha, ha, ha… Je dirai en ce qui concerne les super-héros, La mort de Capitaine Marvel, de Jim Starlin, un comics complètement dingue plein de réflexion philosophico-politiques. Et puis, pour la fantasy, Les dieux de Glorantha. Il ne s’agit pas d’un roman, mais d’un supplément pour le jeu de rôles Runequest, peut-être un des plus beaux univers imaginaires qui m’a été donné de découvrir.

Pour découvrir ses ouvrages:

http://editionslibertalia.com/catalogue/ceux-d-en-bas/super-heros-une-histoire-politique

http://www.editionslibertalia.com/catalogue/poche/winter-is-coming

http://editionslibertalia.com/catalogue/ceux-d-en-bas/le-roi-arthur-un-mythe-contemporain

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