« C’est ma faute, c’est ma très grande faute d’orthographe », se moquait Prévert. L’erreur d’apprentissage est en effet si entachée d’opprobre qu’il était bon que Jean-Michel Zakhartchouk, avec la clarté et le sens du quotidien professionnel qu’on lui connaît (on lira si ce n’est fait, dans la même collection, Réussir ses premiers cours), rédige une sorte de manuel sur le thème « comment travailler sur et contre les erreurs ».
Pour combattre, il faut d’abord comprendre. Les sciences cognitives, si elles sont utilisées pragmatiquement pour des résultats confirmés – et non dans une vision réductrice et propagandiste comme c’est le cas du côté ministériel -, sont utiles pour faire partager aux élèves une compréhension de ce que l’on sait sur l’attention, la mémoire… et la satisfaction. Il s’agit là de « penser l’erreur pour la panser », selon le mot du chercheur Yves Reuter.
Allant plus loin, J.-M. Z. souligne les sources de l’erreur : la mauvaise évaluation de la difficulté par l’enseignant, l’excès contre productif de stress si souvent imposé aux élèves comme aux enseignants, la perturbation, aux origines diverses, de la relation aux savoirs.
Si les sources de l’erreur sont nombreuses, les remèdes se déclinent également au pluriel : prise en main par les élèves eux-mêmes, soit individuellement (pouvoir refaire son travail par exemple), soit collectivement (par la coopération en classe – on voit toujours mieux les erreurs des autres !) ; dans ces moments, l’enseignant est en posture d’accompagnement, pour débloquer tel ou tel nœud, sur demande d’un élève ou d’un groupe. L’auteur cite de nombreuses pratiques : usage du brouillon dans un travail d’écriture par étape, analyse collective d’erreurs, construction par les élèves d’évaluations.
Fondamentalement, il s’agit de construire (ou reconstruire) la confiance en soi, cette base émotionnelle fondamentale – on ajoutera : socialement déterminée et déterminante.
Toujours concret, l’auteur multiplie les exemples qui permettent cette construction, allant de la piscine au théâtre en n’évitant pas ces deux « massifs » que sont l’écrit en général et les maths. Sans oublier aucune discipline – un excellent passage sur la voix.
Dans cet ouvrage jamais ennuyeux, l’auteur a voulu raccrocher un chapitre sur l’esprit critique : on partagera cette préoccupation, même si elle est moins directement en ligne avec le sujet, et même si on peut critiquer (!) telle ou telle référence, car c’est une manière de rappeler que la vigilance à exercer n’est pas seulement technique mais joue aussi sur le sens.
Le dernier chapitre porte sur la formation des enseignants : pouvoir comprendre ses propres erreurs (là non plus sans y voir des fautes !) , apprendre à rebondir sur les erreurs des élèves serait indispensable. Il faudra se donner les moyens d’obtenir ces temps de réflexion…
Un ouvrage particulièrement utile dans un pays où l’erreur est le plus – et le moins efficacement – stigmatisée : les enquêtes PISA indiquent qu’en France on compte 75 % d’élèves ayant peur de se tromper contre 7 % en Finlande (et 59 % en moyenne au niveau de l’OCDE).
J.-M. Zakhartchouk, Enseigner avec les erreurs des élèves, ESF-Cahiers pédagogiques (collection La classe en pratiques), 2019, 219 p., 15,90 €.
– Extrait et sommaire en ligne : https://esf-scienceshumaines.fr/pedagogie/336-enseigner-avec-les-erreurs-des-eleves.html