Charlotte Puiseux raconte son parcours de la petite fille qui fait l’affiche du Téléthon à la femme militante en se décentrant pour permettre une critique complète de notre société validiste. Elle détaille tout d’abord comment l’objectif premier face au handicap est de recoller à la norme coute que coute, sans questionner le bien fondé et la nécessité de cet objectif. Il faut malmener, rééduquer dans la douleur pour gommer les corps hors-normes.
« Me rendre plus droite, toujours plus droite, dans la lignée des corps parfaits, des corps valides. »
Elle parle également de son inclusion (vers la fin des années 1990) qui fait tristement écho aux débats actuels sur l’école inclusive. Plus de trente années après on note finalement si peu de chemin parcouru. Trop d’enseignant.e.s considèrent encore qu’inclure est une option pour elleux, voient ça comme une BA et s’autorisent à souligner que non, l’année prochaine iels passent leur tour car iels ont déjà eu une inclusion cette année. Alors que l’inclusion n’est pas un choix pédagogique, c’est une obligation. Elle se souvient encore des paroles de son enseignant de CM2 et de la culpabilité que l’école lui renvoyait :
« Il y a aussi eu les paroles de mon maître de CM2 qui considérait que je lui avais donné trop de travail et qu’il ne le referait pas, soulignant que sa bonne volonté initiale avait été mise à trop rude épreuve. »
Charlotte Puiseux raconte ensuite son parcours militant qui va lui permettre enfin d’oser s’autoriser une critique de la société validsite bien qu’il sera, lui aussi, semé de déceptions, le monde militant n’étant pas exempt de diktats valididistes.
Charlotte Puiseux, à travers son parcours, de son enfance à son engagement militant, livre un récit sensible et plein de justesse. Un récit qui questionne le rapport entre la société française et les personnes handicapées. Plusieurs notions sont explicitées par l’autrice, du validisme à l’intersectionnalité. Elle déconstruit avec beaucoup de clarté toutes ces violences non visibles du quotidien. Le validisme en tête. Des violences qui parfois peuvent revêtir l’apparence d’une fausse bienveillance, à l’école, au travail, à la maternité, etc. Elle revendique une vision du handicap comme « force destructrice » et pourquoi pas régénératrice. Faire tomber le monde des valides, ne plus se cacher, ne plus redresser les corps à tout prix. Exister. Exiger d’exister. Occuper l’espace public.
« Il me semblait urgent de ne plus attendre patiemment l’intégration du handicap dans la société, sa validation par une communauté attentive et compréhensive, et de défendre une conception du handicap comme force destructrice »
Avertissement : Ames sensibles s’abstenir, « cet ouvrage utilise le féminin universel, dans un souci de ne pas reproduire le binarisme et le sexisme intrinsèques à la langue française » !
De chair et de fer : Vivre et lutter dans une société validiste – Charlotte Puiseux
Editions La Découverte, 2022
Mädli & Sébastien
Merci pour cette note de lecture!
J’ai écouté suite à ça l’émission Présages où Charlotte Puiseux était invitée et je recommande!
Elle revient de manière très claire sur la conception médicale et misérabiliste du handicap, explique les méfaits du Téléthon et le lien entre validisme et capitalisme.
https://spectremedia.org/podcast/charlotte-puiseux-le-handicap-est-une-construction-sociale/