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Cours d’empathie : une coquecigrue !

Coquecigrue, en effet, vocable dont, dit-on, Rabelais fut le premier à user et dont le Petit Robert nous donne une foule de synonymes parmi lesquels je ne peux m’empêcher de choisir le plus explicite : ânerie !

Ânerie, en effet, que cette association du mot « cours », autrement dit leçon et du vocable « empathie » qui désigne la capacité de s’identifier à autrui, de ressentir ce qu’il ressent (Robert historique).

Comment cette capacité pourrait-elle être l’objet de leçons ? Est-ce la réponse à cette question que le nouveau ministre a été chercher au Danemark alors qu’il aurait pu, à moindre frais, observer les pratiques de nombre d’enseignants en France qui ne l’ont pas attendu pour se préoccuper de la violence et plus largement du mode de vie dans l’école.

Il est vrai que depuis bien des années déjà on va chercher dans les pays nordiques des « recettes », des « trucs pédagogiques » qui résoudraient comme par miracle les problèmes posés dans l’école en France. Pourtant, on le sait bien, il n’y a pas de trucs, de recettes, en matière de pédagogie.

Car, qu’est-ce donc que la pédagogie trop souvent confondue avec la didactique qui relève, elle, des techniques, des outillages facilitant les apprentissages, fort utiles au demeurant pour qui en use avec circonspection ?

La pédagogie ce n’est pas comme nous en avertissait Montaigne voici plus de cinq siècles, le déversement dans un entonnoir (l’élève) : on ne cesse de criailler à nos oreilles (celles des enfants) comme qui verserait dans un entonnoir… Ceci dans le fameux chapitre XXV, Livre I des Essais (p. 2 30, Livre de poche) dont on ne peut que conseiller la lecture à qui se préoccupe d’éducation et particulièrement au ministre de celle-ci.

La pédagogie, le pédagogisme disait Montaigne fustigeant les tenants de l’instruction à la férule ( les « instructeurs » comme je les qualifiais naguère) n’est autre que l’élaboration et l’organisation par des adultes (enseignants et parents) d’un mode de vie dans l’école grâce auquel les enfants peuvent s’approprier (hurlements des instructeurs!) les savoirs et les connaissances mis à leur disposition.

Car telle est la « mission » du pédagogue : la mise à disposition des enfants de tout ce qui peut les aider à grandir, à « persévérer dans leur être », par la création d’un mode de vie qui, comme disait Ovide Decroly permet d’apprendre par la vie, pour la vie en faisant éclore et en développant les centres d’intérêts de chacun comme le pratiquait Célestin Freinet avec ses textes libres, sa correspondance scolaire, son imprimerie et son journal d’école.

De sorte que l’incohérence, l’ânerie et peut-être même le cynisme se côtoient dans cette formule aporétique qui brandit l’empathie, la reconnaissance de l’autre au sein d’une institution fonctionnant à la compétition dont on sait pourtant que la logique conduit, en dernière instance à « la mort de l’autre » comme cela se vérifie à l’évidence dans le monde du sport professionnel et dans celui de l’entreprise.

Et, on le sait aussi, une autre école est possible , comme l’ont, non seulement montré, mais réalisé Élise et Célestin Freinet, Ovide Decroly, Francisco Ferrer Guardia et tout le mouvement de « l’éducation nouvelle », comme le montrent encore de nos jours nombre d’enseignants bataillant quotidiennement pour une autre école, une « école nouvelle » fondée, non sur la compétition, source de toutes les violences et en cela mortifère, mais sur une « pédagogie active » privilégiant l’entraide, la solidarité et la bienveillance (nouveaux hurlements des instructeurs…).

Nestor Romero

Lien vers les articles de N. Romero sur le Club Mediapart : https://blogs.mediapart.fr/nestor-romero/blog/300923/cours-dempathie-une-coquecigrue

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