Menu Fermer

« Au revoir les enfants » et « collège au cinéma » : Vichy dédouané ?

au_revoir_p_2.jpg

Le centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) propose aux élèves de collège «  de découvrir des œuvres cinématographiques lors de projections organisées spécialement à leur intention dans les salles de cinéma et de se constituer ainsi, grâce au travail pédagogique d’accompagnement conduit par les enseignants et les partenaires culturels, les bases d’une culture cinématographique. »

La plaquette du CNC accompagnant le film « Au revoir les enfants » de Louis Malle, destinée à une diffusion large, pose quelques problèmes d’interprétation de l’Histoire.
Le commentaire “autour du film” publié sur la plaquette, texte très court et ne pouvant être exhaustif, contient cependant des erreurs historiques factuelles, mais des erreurs qui ne sont peut-être pas innocentes.

au_revoir_p_2.jpg

Citation 1 : « En mars 1943, la « zone interdite » est rattachée à la « zone occupée » ; en échange est institué le STO… »
En fait, le STO n’a pas été institué “en échange du rattachement de la zone interdite etc …”, il est destiné à fournir des travailleurs au Reich, et est plutôt, si on parle d’échange, relié à la question de “la relève”, c’est-à-dire au remplacement des prisonniers de guerre, idée qui lui est d’ailleurs antérieure d’un an (donc de 1942). Cette “relève”, marché de dupes, n’aura pour l’essentiel pas lieu, les PG étant trop utiles au Reich, alors que le gouvernement de Vichy, malgré ses efforts zélés, peine à remplir ses quotas, au grand désespoir de Laval.

Citation 2 : « sous-titre l’antisémitisme nazi » suis ensuite un paragraphe sur ce seul sujet.
L’antisémitisme n’est pas seulement nazi, ni même seulement à son initiative. On sait bien que le premier “statut des Juifs” en France est un décret-loi de Vichy d’octobre 1940, rédigé de manière totalement autonome. Cet antisémitisme purement français nourrit l’administration, la police et la milice françaises, bien avant la décision nazie de « solution finale », il est suivi d’autres textes antisémites qui légalisent l’antisémitisme d’État et la participation au génocide. C’est ce cadre idéologique antisémite qui permet la complicité de crime contre l’humanité. Or ce paragraphe ne dit rien de Vichy, ni de sa politique, alors que le film s’y prêtait parfaitement.

Citation 3 : « une milice fut créée en janvier 1943 à l’instar de la SS allemande (à laquelle ils prêtaient serment »
La milice n’était en aucun cas soumise à la SS, à laquelle elle ne prêtait nul serment. Son chef, Darnand, a bien prêté serment à Hitler, mais c’est en tant que membre de la SS, qu’il avait rejoint.
La milice prêtait serment au Maréchal Pétain, comme toutes les forces de répression, ainsi que les fonctionnaires d’autorité. Elle n’avait d’ailleurs rien à voir avec la SS, qui était alors une force intégrée à l’armée allemande, et elle ne contrôlait pas non plus la police (ce dit prétend le texte). La milice était une force parallèle chargée de l’ordre public. Elle appliquait la politique de Vichy, comme la police et la gendarmerie, contre la Résistance, les Juifs, et de façon générale tous les proscrits visés par le régime.

L’ensemble du texte dédouane ainsi Vichy de toute responsabilité antisémite, en n’évoquant que l’antisémitisme nazi, et en plaçant la milice sous l’autorité de la SS. Il dédouane même la police, placée elle par le texte sous l’autorité de la milice. C’est en ça qu’on pourrait penser que ces erreurs ne sont pas neutres, mais sont une manière d’effacer la responsabilité de Vichy dans le génocide. On aurait pu penser que ces thèses avaient disparu de l’enseignement, au moins depuis que Paxton avait réglé son compte à « La France de Vichy ». Il semble malheureusement que ça ne soit pas le cas, et que ce texte ait pu passer dans une publication validée par deux ministères en dit long sur l’état de la réflexion en France.

Laurent Le Gac, sud education 22

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *