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A propos des langues anciennes au collège

Les conflits souvent vifs et passionnés, voire passionnels, qui entourent la réforme actuelle de l’enseignement au collège des langues anciennes, supprimées en tant qu’options pour être intégrées à l’EPI (enseignement pratique interdisciplinaire) « Langues et cultures de l’Antiquité », invitent à un examen critique de la situation.

Etat des lieux
La part d’élèves qui étudiaient les langues anciennes en 2014-2015 :
Latin :
5e 20,1 %
4e 17,8 %
3e 15,8 %
2eGT 5,4 %
1e GT 4,7 %
T GT 4,3 %
Grec :
3e 2,2 %
2e GT 1,3 %
1e GT 1,1 %
TGT 1 %
Source : Ministère de l’éducation nationale

De l’utilité

Quels sont les principaux arguments des défenseurs de l’enseignement au collège, comme disciplines optionnelles à part entière, des deux langues anciennes que sont le latin et le grec ancien ? Ils sont de deux sortes : elles seraient utiles à l’apprentissage du français et elles contribueraient à l’acquisition de valeurs humanistes et citoyennes.

a) Utilité linguistique :

Certains, nombreux, pensent que l’étude du latin au collège aide pour l’apprentissage de la langue française, notamment via l’étymologie. C’est doublement faux. D’une part, latin et français ont des structures radicalement différentes : langue à déclinaison / langue où la flexion n’est plus visible que dans des traces peu reconnaissables (pronoms relatifs,…), ordre des mots libre / fixe, présence/absence d’un neutre, absence / nécessité d’articles et de pronoms personnels, etc.

D’autre part, si une part importante des mots français ont une origine latine, l’évolution phonétique a modifié les mots avec une telle ampleur que dans nombre de mots courants l’étymon n’est plus reconnaissable (au moins au niveau de connaissances d’un élève de collège : peu de mots de la phrase qui précède, par exemple, sont analysables à partir du latin connu en collège). Enfin les évolutions lexicales et sémantiques font que la connaissance de quelques mots latins soit est insuffisante (savoir décliner equus n’aide pas à comprendre cheval), soit peut conduire à des difficultés d’interprétation en français (chose est issu non du latin res mais de causa, pourtant une cause et une chose sont bien différentes pour un élève de collège à qui on s’efforce de faire acquérir les notions de cause et de conséquence…).

D’autres pensent que le latin aidera les élèves à maîtriser l’orthographe française. C’est faux là encore, pour les raisons ci-dessus et parce que le système orthographique n’est pas le même. Timeo Danaos et dona ferentes ne sert à rien pour orthographier Je crains les Grecs même apportant des cadeaux.

La connaissance approfondie du latin peut assurément aider à la connaissance de la langue française, mais pas à son apprentissage, et pas au collège, où les connaissances dans l’une et l’autre langue sont trop lacunaires. Or la plupart des élèves latinistes abandonnent le latin en arrivant au lycée. Ils ont donc perdu leur temps à décliner rosa ou res et à essayer de traduire des textes. Commencer l’étude du latin après le bac pour ceux qui se destinent à des études de lettres serait pertinent et efficace (l’exemple de nombreux « grands débutants » le montre) ; ou à la rigueur au lycée, en guise de propédeutique. Au collège, c’est inutile.

En termes d’utilité, la langue grecque ancienne, qui n’est abordée qu’en 3e et par 2 % des élèves, est beaucoup plus intéressante, car elle a donné essentiellement des mots savants qui n’ont subi que des évolutions phonétiques et sémantiques mineures et dont les étymons sont identifiables : alphabet, pharmacie ou philosophie sont des calques du grec, et un élève de 3e peut comprendre d’après le grec ce que signifient anarchie ou démocratie, monothéïsme ou bibliographie. Mais il n’est pas nécessaire de traduire Xénophon pour acquérir ces notions lexicales : quelques préfixes et une vingtaine de radicaux suffisent pour élucider et orthographier au niveau du collège la plupart des mots courants d’origine grecque.

b) Utilité culturelle :

Il est d’ailleurs intéressant de constater que la pétition initiée en mars 2015 par la Cnarela et lancée avec cinq autres associations : « Pour le maintien de l’enseignement des Langues et Cultures de l’Antiquité : l’enseignement du latin et du grec ancien pour tous les élèves, dans tous les établissements » ne reprend aucun des arguments dénoncés ci-dessus. Il faut lire entre les lignes pour trouver leurs raisons de défendre ces disciplines : « À la rentrée 2016, dans un État qui s’inquiète du niveau des élèves en langues, qui prône la réussite pour tous et la diffusion des valeurs humanistes chez le citoyen de demain, le latin et le grec ancien ne seront plus des options proposées […] les Langues et Cultures de l’Antiquité, champ d’études hautement formateur à la citoyenneté ». L’étude de la langue, que la pétition prétend défendre, ne transparaît qu’à travers l’idée d’aider les élèves à remonter leur « niveau en langues », on se demande d’ailleurs comment (admettons pour l’italien, mais pour l’anglais ou l’allemand ? sans parler du chinois…).

Pour le reste, c’est l’aspect culturel qui est mis en avant. Il s’agit de « la réussite pour tous », pour laquelle, outre le vague de la formule et du lien avec les langues latine et grecque, on peut se demander ce que cela signifie s’agissant de disciplines choisies par moins d’un élève sur cinq dans un cas, par 2 % des élèves dans l’autre.

L’autre aspect est la diffusion des « valeurs humanistes » et de la « citoyenneté » ; mais outre qu’on ne voit pas en quoi l’apprentissage des déclinaisons permet d’acquérir ces valeurs, il faudra sans doute, si on développe l’étude de ces cultures, négliger l’esclavage, le statut de métèque, le gynécée et la patria potestas, et le fait que moins de quinze pour cent des habitant-e-s de la Rome ou de l’Athènes classiques avaient le statut de citoyen…

Il y a là, et dès l’intitulé « langues et cultures de l’Antiquité », une confusion délibérée entre étude d’une culture et connaissance de la langue correspondante, comme si la seconde était, au niveau du collège, nécessaire à la première. Évidemment on demandera à un étudiant de se confronter aux textes originaux dans ses recherches. Mais au collège ? Il ne viendrait à personne l’idée de demander aux élèves de 6e d’apprendre l’araméen pour étudier les récits bibliques du programme ou à ceux de 5e de maîtriser l’ancien français pour étudier le Moyen-Âge. Les traductions suffisent dans ces cas et ne suffiraient pas s’agissant du latin et du grec ?

Les programmes de 2009 entretenaient la même confusion autour de cet enseignement : « L’objectif de l’enseignement des langues et cultures de l’Antiquité est de permettre à chaque élève, en fin de classe de Troisième, de lire et comprendre de manière autonome un texte authentique simple. » (BO du 27 août 2009), dans un cadre général qui est aussi celui du français : « Au collège, la lecture des textes est un objectif majeur de l’enseignement du français. Pour fonder (la) culture humaniste, le professeur de français construit sa progression à partir de la découverte et de l’étude de textes littéraires. […] En latin et en grec ancien, l’objectif est identique : savoir lire et comprendre un texte, c’est-à-dire élaborer du sens de façon progressivement autonome. ». Mais les mêmes programmes préconisaient, sans se soucier de la contradiction, de se servir de « texte latin ou grec simplifié » : quel est alors l’enjeu culturel ?

Qu’en faire au collège ?

Les civilisations grecque et romaine de l’antiquité sont déjà enseignées au collège en histoire, et abordées en français à travers les mythes et légendes notamment.
Aucune raison ne conduit donc à justifier en collège l’enseignement comme disciplines optionnelles à part entière des langues latine et grecque ancienne. La fonction objective de ces options apparaît davantage de permettre à certains parents de sélectionner certains établissements ou certaines classes.

Cependant leur lien privilégié avec la langue française devrait amener à faire à ces deux langues une place qui ne soit pas négligeable dans l’enseignement du français (ce qui implique d’ailleurs que les enseignant-e-s de français aient dans leur cursus une formation à celles-ci). La prise de conscience de ce qu’est une langue, et donc au premier chef la langue française, la découverte du « système de la langue », de l’origine et de l’évolution formelle et sémantique des mots, de la diversité et de l’origine des alphabets, sont importantes dans la formation intellectuelle des élèves. La comparaison avec des éléments d’autres langues est précieuse, et de ce point de vue le latin et le grec ancien sont bien évidemment utilisables. Comme le disaient les programmes de 2009, « l’étude du système linguistique des langues latine et grecque, langues flexionnelles, place les élèves devant des problèmes complexes, dont la résolution aide à l’acquisition de compétences fondamentales et d’attitudes intellectuelles, transférables dans de nombreux autres contextes. » Mais quelques rudiments suffisent à faire apparaître ces « problèmes complexes », qui peuvent naître également de la confrontation avec l’allemand, le russe ou … l’ancien français : quelques lignes de la Chanson de Roland en version originale sont éclairantes et passionnent les élèves, sans qu’il leur soit nécessaire d’apprendre cette langue.

A noter par ailleurs que les collégien-ne-s utilisent tous les jours au moins autant de mots d’origine arabe (algèbre, chiffre, zéro, ou magasin, café, sucre, alcool, coton, ou guitare, etc.) que d’origine grecque, qu’ils ne comptent ni en grec ni en latin, et qu’il serait bon qu’ils et elles le sachent …

La réforme du « collège 2016 »

Qu’il soit sincère ou non, le constat de la ministre de l’Éducation nationale que les langues anciennes servent, au niveau du collège, à constituer des classes privilégiées est exact. De ce point de vue, la disparition de leur enseignement en tant qu’options disciplinaires à part entière ne peut pas faire partie de nos axes de critique des nouveaux programmes.

La réforme actuelle du collège peut et doit être critiquée et combattue dans sa globalité, pour toutes sortes de raisons développées ailleurs, et cela inclut la critique des fameux EPI. Mais nous ne pouvons pas pour cela défendre aujourd’hui ce que nous condamnions hier. Les filières déguisées et les contournements de carte scolaire qui étaient une des raisons d’être de l’enseignement optionnel du latin et du grec au collège en font partie.

PS : Pour répondre par avance à celles et ceux qui verraient en moi un ignorant des réalités de cet enseignement ou un farouche adversaire de « l’ancien », j’ai, en tant qu’agrégé de grammaire, enseigné, par choix, pendant toute ma carrière, le latin et le grec, à tous les niveaux. Je me suis systématiquement efforcé de rendre cet enseignement attractif, vivant, et de lui donner sens, allant par exemple parfois jusqu’à faire les cours de latin … en latin. J’ai aussi abondamment utilisé ces deux langues, comme d’autres, dans mes cours de français. Mais c’est aussi au fil de cette longue expérience que je me suis forgé la conviction que ces langues étaient enseignées de manière inappropriée si on veut défendre une école égalitaire et émancipatrice.

PS 2 : L’histoire de l’enseignement offrant amplement matière à réflexion, on se souviendra qu’au début du vingtième siècle certains s‘offusquaient qu’on ait en lycée remplacé (décret de 1880 puis surtout réforme de 1902, soutenue notamment par l’helléniste Victor Bérard) la composition en latin par la composition française …

11 Comments

  1. Christian

    A propos des langues anciennes au collège
    Autre argument entendu de la part d’une collègue de latin : celui ci développerai la logique par le truchement d’une grammaire rigoureuse. Rigoureuse je ne sais rien, mais cher collègue voici un argument de poids pour l’apprentissage du “code” comme on dit actuellement… informatique que tu honnis par ailleurs; -)

    • Alain Chevarin

      A propos des langues anciennes au collège
      Je honnis l’informatique ? Il doit y avoir une confusion… Quant à la rigueur logique, la grammaire latine peut certes en apporter quand elle est enseignée avec cet objectif, mais pas plus que la grammaire française bien comprise, et d’autres disciplines tout aussi rigoureuses ne sont pas enseignées pour autant.

      • Christian

        A propos des langues anciennes au collège
        Le “cher collègue” s’adressait à la collègue qui utilisait cet argument. Desolé pour ce manque de clarté 😕

  2. Loys Bonod

    A propos des langues anciennes au collège
    Sauf que l’enseignement du “code” (lequel ? le LOGO enseigné en 1985 ?) ne nous apprend rien sur notre langue, notre histoire, nos institutions, nos arts, notre littérature…

    Par ailleurs, l’essai-erreur, à travers une interface graphique du type Scratch par exemple, voilà la philosophie pédagogique qui préside à l’enseignement du code (cf Seymour Papert). On est loin d’un enseignement de la “rigueur”.

    • Christian

      A propos des langues anciennes au collège
      première remarque, je ne suis pas favorable à l’introduction du “code” dans les enseignement obligatoires.

      Sur les remarques de M. Bonot :

      – Scratch est un support d’initiation à la programmation, pas un langage en lui-même. Il est conçu comme un tremplin vers les “vrais” langages de programmation et en a un grand nombre de concepts (variables, boucles, conditions, fonctions, etc.) À l’enseignant qui l’utilise de mettre en évidence et à expliciter ces particularités.

      -Essais-erreurs et tâtonnements ne sont ni antinomiques ni synonymes. En programmation, sur des problèmes simples (notamment de syntaxe) il m’arrive de tâtonner pour arriver au bon code. Reste à vérifier par un ensemble de tests (sur les cas limites, les exceptions etc.) si le code obtenu par tâtonnement donne le résultat escompté. Cela ne dispense pas d’une réflexion complète et complexe, bien au contraire.
      Sur un algo plus complexe, il n’est plus possible de tâtonner, et il faut mener une modélisation complète du problème. Dans les deux cas la rigueur est là.
      Code vs latin : sur ce point, je vois un avantage énorme au code. Le retour sur l’erreur est immédiat. Compilateur ou interprète s’arrête en moins d’une milliseconde sur les erreurs et ne laisse rien passer (et ceci pour 30 élèves en même temps, bien sûr). Il faut combien de temps à un prof de latin pour relever une erreur de syntaxe ?

      – le code ne nous apprend rien sur notre histoire, notre littérature, etc. ? L’enseignement des maths pas beaucoup plus. Je suis surpris de la vision essentiellement utilitariste qu’ont les profs de latin pour justifier la pertinence de leur enseignement. J’ai vu la même évolution, au cours des 20 dernières années, chez les profs d’EPS. Pour éviter de passer pour de simples “profs de muscles” ils se sont sentis obligés de justifier de leur enseignement par toutes sortes de d’évaluations, de progressions, etc. Même complexe chez les profs de latins qui nous *inventent* (cf argumentaire de l’article ci-dessus) des effets sur l’apprentissage du français, de la logique, etc. et pourquoi pas sur le réchauffement de la planète.
      Arrêtez de vouloir péter plus haut que le fondement, si le latin intéresse des élèves, faites-leur faire du latin. De la même manière, j’ai animé des ateliers de météo et de programmation avec des élèves volontaires juste parce que ça m’intéresse et eux aussi. Je ne me suis jamais senti obligé de justifier plus que cela mes ateliers.

      Cordialement

      • BV

        A propos des langues anciennes au collège
        “Je suis surpris de la vision essentiellement utilitariste qu’ont les profs de latin pour justifier la pertinence de leur enseignement. ”

        Je suis pour ma part totalement d’accord avec vous sur ce point. Mais il faut aussi garder à l’esprit que le latin est une option, sujette à suppression. C’est-à-dire qu’on a forcé le latin à trouver des justifications externes à sa présence dans les grilles d’enseignement (au contraire des matières dites obligatoires). Les programmes entrés en vigueur depuis septembre sont la parfait illustration de cette dérive…

  3. greg

    A propos des langues anciennes au collège
    On pourrait apporter quelques précisions, déjà en ce qui concerne la vision élitiste et sélective que font certains réacs de l’enseignement du latin au collège. Dans son dernier livre L’école est finie, Jacques Julliard ne s’en cache pas :
    « Autant le latin pour tous, tel qu’il était encore défendu au lendemain de la guerre, était une position intenable, autant la disparition des langues anciennes de notre Éducation nationale serait une véritable déculturation. »

    L’École est finie, Flammarion, « Café Voltaire », 2015, cité dans L’école des réac-publicains, p. 106 (Libertalia) Il est à remarquer que dans sa première version, le projet de réforme entendait supprimer les options de latin et de grec et les intégrer dans des enseignements interdisciplinaires qui permettaient à tous les élèves de s’initier aux langues anciennes. Le ministère a finalement rétabli les options, ce qui démontre que ce ne sont pas les « pédagogues » qui décident en dernier ressort… contraire au mythe de leur toute puissance rue de Grenelle.

    Ensuite… En 1950, le programme de 6e comportait 5 heures de latin par semaine contre 2 heures de maths. Voilà qui peut remettre en perspective les débats actuels sur la “déculturation” aujourd’hui à l’oeuvre…
    Grégory Chambat

    • Anonyme

      A propos des langues anciennes au collège
      “s’initier aux langues anciennes” dans les EPI : vous citez fidèlement les éléments de langage du MEN en omettant de préciser que cette “initiation” interdisciplinaire peut être effectuée par n’importe quel professeur de n’importe quelle discipline, pendant un temps ridiculement court (aux mieux : une heure pendant un an)…

      Une véritable initiation, avec un horaire dédié en 6e par exemple, effectuée par un professeur compétent, ainsi qu’une sanctuarisation en éducation prioritaire des options de langues anciennes en 4e et en 3e, voilà ce qui ressemblerait à une véritable début de démocratisation des humanités classiques.

      Vous reconnaissez que ce sont bien ceux que vous appelez curieusement les “pédagogues” qui ont planifié, rue de Grenelle, la lâche suppression de ces options, afin d’économiser plusieurs milliers de postes de lettres classiques en les convertissant en postes de lettres modernes. Mesure d’austérité s’il en est, que certains “pédagogues” applaudissent mais que dénoncent de véritables consciences de gauche, conscientes de leur intérêt et de leur importance pour ceux qui ne disposent pas chez eux d’une exposition suffisante au français ou à la culture générale.

  4. Florence Castincaud

    A propos des langues anciennes au collège
    Bonjour,
    vous dites que l’enseignement des langues anciennes est supprimé au collège pour être “reversé” dans les EPI ; c’est inexact, chaque collège peut faire le choix de garder des heures pour un enseignement des LCA à part entière. Je suis “Lettres classiques” (et je défends cette réforme, c’est un autre sujet) ; dans mon collège en éducation prioritaire, nous avons fait le choix de garder cet enseignement LCA sur un nombre volontairement réduit d’heures, parce que les priorités sont ailleurs. Je suis bien d’accord avec vos arguments ci-dessus qui déconstruisent les raisons habituellement avancées pour “faire du latin”. Pour moi, c’est un choix offert à certains élèves comme d’autres font du sport en plus, ou la chorale, ou du théâtre : plaisir, culture, réflexion sur la langue, tout ça ! Cette année, les 5e qui se sont inscrits à l’option l’ont fait, selon leurs dires, pour des raisons très variées : curiosité des choses anciennes, idée que “ça va aider pour le français”, impulsion de leur prof de français de 6e, joyeuse envie de tout ce qui va aider encore plus à réussir à l’école… Parmi eux, un groupe important d’élèves d’origine turque, je ne sais pas pourquoi ; en tout cas, comme le turc est aussi une langue flexionnelle, on va en profiter pour faire des passerelles ! Cordialement, Florence Castincaud

    • Alain Chevarin

      A propos des langues anciennes au collège
      Bonjour,
      c’est exact, je suis passé un peu vite sur la présentation de la réforme (qui n’était pas l’objet principal de mon texte). C’est dans le projet initial que figurait le transfert vers les seuls EPI, le ministère ayant fait ensuite marche arrière en ouvrant cette possibilité d’un “enseignement de complément” que les établissements peuvent organiser sur leur marge d’autonomie (2h45 par semaine de “dotation horaire supplémentaire” pour mettre en place travail en groupes à effectifs réduits, interventions conjointes de plusieurs enseignants, enseignements de complément en langue régionale et langues anciennes).
      Merci pour cette précision.

  5. BV

    A propos des langues anciennes au collège
    Bonsoir.
    Merci pour votre article, fort intéressant et stimulant.
    Je suis d’accord avec vous pour dire que la situation problématique des langues anciennes ne date pas de cette réforme 2016, mais remontent à bien plus loin.
    Je pense qu’il faudrait remonter à la séparation des concours de recrutement de professeurs de lettres (lettres classiques et lettres modernes), sur laquelle, à raison selon moi, vous proposez de revenir. Dans l’absolu, non seulement tout professeur de lettres devrait avoir une formation solide en langues anciennes, mais il devrait pouvoir proposer à ses élèves un enseignement du latin et du grec.
    Or, l’identité professionnelle des professeurs de lettres modernes s’est en partie fondée sur le rejet du latin (tout comme l’identité professionnelle d’une certaine fraction des professeurs de lettres classiques s’est fondée sur le mépris des collègues de lettres modernes). Pour s’en convaincre, lire “Des lettres au Français” de Clémence Cardon-Quint.
    Cette séparation, explicable dans le contexte socio-économique de l’époque, mais stupide (à mon sens) d’un point de vue épistémologique, a totalement isolé les langues anciennes et permis d’abord leur transformation en option en 1968 puis leur cristallisation, comme rempart de la civilisation contre la barbarie, mais aussi comme enseignement bourgeois, élitiste et inutile, comme tête de turc à progressiste, ce qui a gravement empêché sa diffusion.
    On a laissé le latin et le grec croupir, littéralement pourrir dans leur situation sans penser un instant que leur étude pouvait être intéressante et bénéfique pour les élèves. On a parfois (je l’ai vu au cours de ma carrière) littéralement empêché leur enseignement, au collège mais d’abord et avant tout au lycée.
    Cette charge symbolique qui pèse sur le latin (et pas sur le grec, l’avez-vous remarqué?) est telle qu’elle a aussi pollué la communication autour de cette réforme. Si, comme on le prétend, on souhaite “généraliser” le latin et le grec et les “offrir à tous”, alors pourquoi diable tenir dans les médias et dans les réunions un tel discours à leur sujet? Pourquoi les avoir chassés du socle commun?
    Dire que le latin est réservé à une petite élite alors que, lorsqu’un professeur de langues anciennes dynamique souhaite ouvrir davantage de groupes pour éviter le biais social que vous évoquez, il se voit refuser les ouvertures de groupe, c’est faire preuve de la plus grande hypocrisie.
    Le latin et le grec vont disparaître. Mais pas seulement du collège. La situation dans les lycées est très mauvaise, aussi parce que le discours tenu à son sujet y est encore plus dévalorisant.
    Et par voie de conséquence, la situation dans les universités sera encore plus mauvaise.
    Les propositions que vous faites (langues anciennes au lycée et à la fac) sont intéressantes et pourraient être un moyen de travailler, modestement, à un renouveau de leur enseignement et à la possibilité de répondre de manière correcte aux ambitions affichées des programmes de français. Mais aucun discours positif, aucune décision d’ordre organisationnel ne viendra soutenir ces idées. La totémisation marche à plein, à coup de “je me rappelle de mes cours il y a cinquante ans et je m’ennuyais” ou de “profs de voyage en Grèce”.
    Peut-être faudrait-il aussi interroger le rôle de ces discours dans la marginalisation des langues anciennes?

    Et quant aux vraies filières administratives d’évitement (les classes CHAM, CHAT, option sport), dont la réforme ne dit absolument aucun mot (voire les conforte), elles ont de beaux jours devant elles…

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