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100 ans des droits de l’enfant

1919 : l’ouvrage de Janusz Korczak Comment aimer un enfant est publié

2019 : la Convention internationale des droits de l’enfant a 30 ans

Toute la vie et la pensée de Korczak ont été vouées à l’enfant, à sa protection, à sa dignité, à ses droits.
Dès 1914, il s’intéresse à l’enfance et demande la création d’une association internationale pour la protection de l’enfance.
En 1919, la Société des Nations (SDN) est créée. Elle met en place un Comité de protection de l’enfance, c’est le début de la reconnaissance des Droits de l’Enfant au niveau international. Korzack suit les travaux du Comité et publie Comment aimer un enfant.
En 1924, la SDN adopte la Déclaration de Genève. Le texte reconnaît l’existence de droits spécifiques aux enfants avec la responsabilité des adultes.
Déporté en 1942 dans le camp de Treblinka avec les enfants de son orphelinat dans le ghetto de Varsovie qu’il ne voulait pas abandonner, Janusz Korczak ne reviendra pas. 
Mais la voie est ouverte pour les droits de l’enfant !
Le 20 novembre 1959, l’Assemblée générale des Nations Unies adopte la Déclaration des droits de l’enfant. De nombreux États sont en désaccord, le texte n’est pas contraignant, mais il ouvre le chemin, il définit en dix principes les droits de l’enfant qui devient un véritable sujet de droit.
Les 10 principes de la Déclaration :
1. Le droit à l’égalité, sans distinction de race, de religion ou de nationalité.
2. Le droit à une attention particulière pour son développement physique, mental et social.
3. Le droit à un nom et à une nationalité.
4. Le droit à une alimentation, à un logement et à des soins médicaux appropriés.
5. Le droit à une éducation et à des soins spéciaux quand il est handicapé mentalement ou physiquement.
6. Le droit à la compréhension et à l’amour des parents et de la Société.
7. Le droit à l’éducation gratuite et aux activités récréatives.
8. Le droit aux secours prioritaires en toutes circonstances.
9. Le droit à une protection contre toute forme de cruauté, de négligence et d’exploitation.
10. Le droit à la formation dans un esprit de solidarité, de compréhension, d’amitié et de justice entre les peuples.
En 1979 la Pologne, en se référant à Korczak propose à l’ONU de rédiger une Convention relative aux droits de l’enfant. Contrairement à la Déclaration des droits de l’enfant de 1959, elle doit être contraignante pour les États. Mais cette Convention ne sera adoptée que 10 ans plus tard.
Afin de favoriser la prise de conscience des États et leur action la protection et la garantie des droits de l’enfant  l’ONU déclare 1979 : Année internationale des droits de l’enfant.
Le 20 novembre 1989, la Convention internationale est adoptée.
Trois protocoles facultatifs (les États sont libres de les ratifier ou pas) seront ajoutés :
– Celui concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés (25 mai 2000)
– Celui concernant la vente, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants (25 mai 2000)
– Celui établissant une procédure de présentation de communication (mécanisme de dépôt de plainte individuelle en cas de violations de droits). Il offre aux enfants un mécanisme de recours international en cas de violations de droit non résolus par les recours internes au pays (19 décembre 2011).
Le 17 juin 1999 à Genève est adoptée la Convention 182 (élaborée par l’organisation internationale du travail (OIT)  sur les pires formes de travail des enfants :
– L’esclavage ou les pratiques analogues, telles que la vente et la traite des enfants, la servitude pour dettes et le servage
– Le travail forcé ou obligatoire, y compris le recrutement forcé ou obligatoire des enfants en vue de leur utilisation dans des conflits armés
– L’utilisation, le recrutement ou l’offre d’un enfant à des fins de prostitution, de production de matériel pornographique ou de spectacles pornographiques
– L’utilisation, le recrutement ou l’offre d’un enfant aux fins d’activités illicites, notamment pour la production et le trafic de stupéfiants, tels que les définissent les conventions internationales spécifiques
– Les travaux qui, par leur nature ou les conditions dans lesquelles ils s’exercent, sont susceptibles de nuire à la santé, à la sécurité ou à la moralité de l’enfant.
Le Comité des droits de l’enfant de l’ONU veille au respect de la Convention par les États, il examine les rapports que les États ont l’obligation de lui remettre tous les cinq ans. Pour la France, le dernier examen était en 2016, le prochain sera pour 2021. Les ONG sont sollicitées pour rendre des rapports alternatifs avec constats et préconisations.

En 2019, la Convention internationale des droits de l’enfant est ratifiée par 196 États sur 197, seuls les États-Unis ne l’ont pas ratifiée.
Et pourtant des droits sont encore bafoués par ces États et dans de nombreux domaines, même dans les États dit riches (santé, éducation, loisirs, logement, expression, participation…). Dont celui de faire connaître la Convention aux enfants et aux adultes.
« Peux mieux faire » pour certains, « insuffisant » pour d’autres…

Cette année du trentenaire de la Convention va voir de nombreux événements pour la célébrer, notamment en France.
Profitons-en pour la mettre dans les mains du  gouvernement, des élus nationaux et territoriaux, des responsables associatifs !
Profitons-en pour l’inscrire dans tous les programmes de formation des acteurs de l’enfance, de la crèche à l’université !
Profitons-en pour la faire vivre dans tous les lieux où vivent, étudient, jouent… les enfants !

Lire et relire Korczak 100 ans après sa publication !  

Comment aimer un enfant[1] écrit au front, est publié en 1919, puis réédité en 1929, avec une préface et différents commentaires de Korczak.
Dans cet ouvrage, il s’adresse aux membres de la famille, aux éducateurs, aux surveillants, aux maîtres d’école pour changer les rapports entre l’enfant et l’adulte, entre l’individu et le collectif.
Respecter l’enfant, ce qu’il est, ce qu’il pense, ce qu’il ressent, ce qu’il croit, ce qu’il sait et ce qu’il ne sait pas, ses erreurs… « le droit de l’enfant à être ce qu’il est »
Un extrait de l’ouvrage dans la partie : La maison de l’orphelin :

Au bout d’une année, la nouvelle organisation était mise en place. Nous triomphions : une seule intendante, une seule éducatrice, un concierge et une cuisinière pour une centaine d’enfants. Nous avons échappé à la tyrannie du personnel habituel des orphelinats. C’est l’enfant qui est devenu chez nous l’hôte, l’employé et le directeur de la maison. Tout ce qu’on lira ensuite est l’œuvre des enfants, pas la nôtre. […]

La boîte aux lettres

L’éducateur qui a connu les avantages de la communication écrite avec les enfants conclut rapidement à la nécessité de disposer d’une boîte aux lettres.
Le tableau, c’est l’effort réduit au minimum, la possibilité de donner à toute question cette réponse machinale : « Va voir au tableau, c’est affiché. » La boîte aux lettres, elle, permet de remettre à plus tard une décision : « Écris-le-moi et nous verrons. »
Il est souvent plus facile d’écrire quelque chose que de le dire. Quel est l’éducateur qui n’a jamais reçu un de ces gribouillis remplis de questions, de prières, de plaintes, d’excuses ou de confidences. Les enfants en ont écrit depuis toujours et la boîte aux lettres ne fait que fixer cette sage habitude.
Chaque soir vous en retirez une poignée de feuilles couvertes d’une écriture maladroite et, dans le silence de votre bureau, vous pouvez réfléchir calmement à tout ce qui, dans l’agitation de votre journée trop chargée, vous aurait probablement échappé ou vous aurait semblé peu important.
« Est-ce que je pourrais sortir demain, parce que le frère de maman est arrivé ? »
« Les enfants sont méchants avec moi. »
Vous êtes injuste : vous taillez des crayons à tout le monde, et à moi, vous n’avez pas voulu le faire. »
« Je ne veux pas dormir près de la porte, parce que, la nuit, je crois toujours que quelqu’un va entrer. »
« Je suis fâché avec vous. »
La maîtresse, à l’école, m’avait dit que j’avais fait des progrès. »
Vous y trouvez parfois un petit poème non signé : l’enfant a eu une idée, l’a couchée sur le papier et, ne sachant pas trop quoi en faire, l’avait glissée dans la boîte aux lettres. Vous pouvez tomber aussi sur une lettre anonyme contenant quelque insulte ou menace.
Il y a des lettres banales, lettres de tous les jours, il y a aussi des lettres exceptionnelles. Les choses s’y répètent-elles ? Eh bien, c’est qu’il y a quelque malaise auquel il va falloir remédier. Si ce soir vous n’avez pas le temps, vous y réfléchirez demain. Le contenu d’une lettre vous a frappé ? Vous lui consacrerez plus de temps qu’aux autres.
La boîte aux lettres sert aussi d’enseignement utile aux enfants. Ils apprennent grâce à elle :
1. A attendre une réponse au lieu de l’exiger sur-le-champ et à n’importe quel moment.
2. A faire la part des choses : distinguer parmi leurs vœux, leurs peines, leurs doutes, ce qui est important de ce qui l’est moins. Écrire une lettre suppose une décision préalable (il n’est pas rare d’ailleurs que l’enfant veuille retirer la lettre qu’il a glissée dans la boîte).
3. A réfléchir, à motiver une action, une décision.
4. A avoir de la volonté (il faut vouloir pour savoir).
– Écris-le, tu pourras mettre ton mot dans la boîte.
– Je ne sais pas écrire.
– Alors, fais-toi aider par quelqu’un qui sait.
Au début, je commettais souvent des erreurs. L’une d’elles, que j’aimerais faire éviter aux autres, consistait à envoyer à envoyer à la boîte aux lettres les enfants raseurs. Je ne le faisais pas sans ironie. S’étant aperçu de ma mauvaise foi, ils m’en ont voulu, à moi et à la boîte, et ils ont eu raison de réagir ainsi.
– On ne peut plus jamais vous parler.
Certains éducateurs m’ont fait le même reproche : n’était-il pas trop officiel, ce moyen de communication avec les enfants ?
Or, je peux l’affirmer : la boîte aux lettres non seulement ne gêne pas la communication orale mais, tout au contraire, elle la facilite. Elle fait gagner du temps à l’éducateur qui peut ainsi consacrer une partie de sa journée aux enfants qui ont besoin d’un long entretien confidentiel et affectueux. C’est grâce à la boîte aux lettres que de tels moments ont pu être aménagés car la journée est devenue plus longue.
Y a-t-il des enfants qui n’aiment pas écrire ? Sans doute, mais ce sont presque toujours ceux qui comptent sur leur charme personnel, un sourire par-ci, un baiser par-là, ils profitent de chaque situation propice pour gagner vos faveurs. Ils ne prient jamais, ils contraignent leur entourage. Les autres, sûrs non pas d’eux-mêmes mais de leurs raisons, font confiance à la justice, écrivent leurs demandes et attendent tranquillement votre décision.

[1] Comment aimer un enfant, suivi de Le droit de l’enfant au respect, Janusz Korczak, Coll. Réponses, Robert Laffont, juin 2006, 23 €.

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