Décalage de luttes
Quand on est en grève depuis le 5 décembre, difficile de se raccrocher au train-train pédagogique quotidien… Réunion parents-profs, changement de manuel, élèves difficiles à gérer, prochain conseil d’administration, progression annuelle, nouveauté didactique à lire ab-so-lu-ment !… On se sent bien loin de ces préoccupations, on a du mal à comprendre, même, qu’au milieu d’un mouvement social si fort et si crucial, elles puissent encore être mises en avant par les collègues, dans notre établissement comme sur les réseaux sociaux. Notre tête est plutôt remplie de paroles d’AG puissantes et revigorantes, des prochains rendez-vous à préparer, des banderoles à ne pas oublier, des tensions intersyndicales à contenir, de belles images de manif, des camarades à contacter, de l’urgence à nourrir le mouvement même pendant les vacances…
Parler pédagogie, on se dit qu’on aura toute notre carrière pour le faire. Parler du prochain séjour à la montagne de Bob ou d’une recette de vin chaud, ça ne nous vient même pas à l’esprit et ça nous fait même bondir !
Et pourtant, on s’acharne. On vient au collège, tous les jours. Pour échanger avec les collègues, faire le bilan de la veille, informer des nouvelles décisions et points de rendez-vous, montrer que la grève, elle doit être active et constructive pour le collectif. On sait que sur place, on peut aussi compter sur un noyau solide de collègues engagé·es, qui discutent des grèves, des mobilisations, qui y participent activement quand elles/ils le peuvent. Et on se dit aussi que, pour les autres, ces conversations qu’on estime à l’heure actuelle futiles, constituent sans doute (on l’espère!) une échappatoire provisoire, une respiration dans un contexte de tension permanente, et non une fuite devant la réalité ou, pire, sa négation.
D’autres récits de lutte à découvrir ici…