YA CEUX QUI…
YA CEUX QUI viennent te parler
après
ou juste avant la récré
pour t’avoir un petit moment à eux tout seuls
ou qui ont besoin de te livrer
le trésor de mots encore cachés
dans leur cœur
à 9 heures
« Tu sais j’ai un bobo là
tu sais quand j’étais bébé j’ai pris le TGV
tu sais mon frère y m’a tapé et j’ai pas pleuré
je suis grande … »
YA CEUX QUI viennent juste te dire franchement
sans peur
parce qu’ils sont content de sentir
qu’avec toi
ils vont pouvoir te dire
dans les yeux
2 à 2,
une déclaration
de bonheur,
dont eux seuls sont porteurs !
« Tu es belle…
Demain, je vais te faire un beau cadeau…
Je vais t’inviter à mon anniversaire…»
YA CEUX QUI courent toujours
et n’entendent pas
qu’il faut s’arrêter là.
C’est la station « à prendre »
C’est là qu’il faut apprendre
les mots que la maitresse a dit.
Car soudain le voici !
Arrêtez vos élans
le Savoir a surgi,
comprenez à présent ce qu’on vous dit.
Sinon, tant pis !
Pas vu, pas pris !
YA CEUX QUI comprennent tout
et qui sont bien partout
qui parlent avec leurs yeux
et disent « Oui, oui, oui… »
Ceux là
faut les laisser
en paix.
Ils savent pousser tout seuls,
tranquilles.
Même s’ils ne pipent pas mot,
surtout ne pas les prendre
pour des sots.
YA CEUX QUI vivent à 100 à l’heure
la tête encore pleine
des riches moments vécus,
ailleurs que maintenant.
YA CEUX QUI parfois pleurent
en silence
à l’intérieur
et qui ont peur que ça se voit.
Qui cachent leurs blessures
avant d’être sûrs
que quelqu’un saura
attendre
avant de toucher
que ça soit un peu cicatrisé.
YA CEUX QUI font le choix
qu’on ne les voit surtout pas
depuis qu’ils sont entrés
dans la classe à pas feutrés.
Seuls quelques mots sont dits,
et encore seulement si
j’insiste pour qu’ils me parlent.
Sinon ils ont toujours l’air
d’être ailleurs que sur notre terre.
Mais même en cachette, ils sont là aussi
présents que les autres qui font du bruit.
YA CEUX QUI rient, heureux
YA CEUX QUI, trop anxieux
s’agitent.
La tête pleine de choses tordues à l’intérieur,
dont le fil emmêlé leur sert encore le cœur.
Ya encore tous ceux qui…
Tous ceux que je n’ai pas décrits.
Ya ceux que je ne vois pas
à qui je dis pardon.
Quoique je sais que parfois
c’est aussi bon
de se laisser porter
anonyme,
par le groupe.
A tous ceux que j’ai dit et pas dit
je dis un grand MERCI
d’exister si intensément
différents.
Francine MISRAHI. 13 mai 2010.
Professeur des écoles en maternelle à Paris