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Se ressaisir dans la grève et expérimenter ensemble d’autres manières de faire

Des millions de personnes dans la rue aux quatre coins de l’hexagone, toutes générations confondues, des syndicats unis contre une réforme injuste, surtout après l’épidémie de Covid qui a mis les « premiers-ères de corvée » en évidence, une opinion publique qui reste très majoritairement contre un projet qui soulève la colère, le gouvernement ne s’attendait sans doute pas à une telle mobilisation. Bien sûr, le mouvement de contestation monte lentement et le découragement se fait parfois ressentir. Il n’empêche, le collectif reprend ses droits et on se sent moins seul-e. C’est déjà une victoire. C’est là dessus qu’il faut s’appuyer pour que la contestation dépasse les manifestations et débouche sur un « faire autrement tous-tes ensemble ».

Nous avons déjà gagné la bataille idéologique

Sur le plan des idées, le gouvernement a déjà perdu. Personne ne croit que cette réforme vise en effet à sauver le régime de retraite par répartition. Il n’est d’ailleurs pas menacé par un déficit qui serait hors de contrôle. Mais le gouvernement a dû concéder que cette réforme en appellerait d’autres, laissant planer le doute sur sa volonté réelle d’assurer la pérennité d’un système qui, horreur suprême, demeure LE symbole de la solidarité, et une des dernières traces de socialisme sur lesquelles s’appuyer pour vérifier qu’il n’y a pas si longtemps le marché n’était pas une règle immuable. Le financement des retraites est assuré en effet encore en grande partie par le salaire des actifs-ves : les salarié-es paient les pensions des retraité-es d’aujourd’hui. Le gouvernement pense s’en tirer à bon compte en répétant dix fois un mensonge. A la fin, cela finira par passer pour une vérité pense-t-il. Mais un mensonge reste un mensonge. Les femmes qui ont des carrières plus hachées que les hommes seront donc bien les grandes perdantes de la réforme. De même pour celles et ceux qui ont un travail pénible. On comprend pourquoi la réforme ne passe décidément pas chez les agent-es dans les collèges et les lycées qui ont un travail physique usant. Souvent en sous-effectif, travailler plus longtemps revient pour elles et eux à se faire voler les meilleures années de leur retraite, celles où elles et ils sont en bonne santé. On a beau nous dire que le travail rend libre, il nous fait mal parce qu’on en est de plus en plus dépossédé-es, il nous abîme jour après jour parce qu’il est mis au service d’objectifs qui nous écœurent : la détérioration des services publics, la sélection ou la rentabilité.

Et quand on vient nous raconter qu’il faudra travailler davantage si nous ne voulons pas faire le jeu des rentiers, nous éclatons de rire tant cela apparaît comme un argument pitoyable de la part d’un gouvernement qui ne cesse de défendre le capital contre le travail, repoussant même toute idée d’augmentation des salaires alors qu’il en irait de la simple logique économique. S’il n’y a pas d’alternative à la réforme, c’est bien parce que le gouvernement se refuse à mettre en effet à contribution les revenus du capital. Le même gouvernement peut bien tenter de nous effrayer avec le refrain « La dette, c’est mal », cela ne marche pas. Puisque sauver l’économie c’est sacrifier la vie sur Terre, autant se sauver de l’économie !

Reprendre le fil des rêves collectifs

Le vent de révolte est attisé par une réforme des retraites qui signifie pour beaucoup davantage de temps volé. Mais l’ampleur de la mobilisation dans les villes moyennes tend à prouver que la colère est plus large et que la patience est à bout. Le démantèlement des services publics, le délabrements des hôpitaux et le manque de personnels soignants, la suppression de postes, la fermeture de classes et même d’établissements scolaires comme à Paris dans l’éducation notamment, le dépérissement des centres-villes, c’est bien le sentiment d’altération du « commun » qui hante le grand nombre.

Nous savons que les manifestations ne suffiront pas pour obliger le gouvernement à retirer son projet : seul le blocage de l’économie peut inverser réellement le rapport de force. Il nous reste encore à nous approprier complètement la grève en nous retrouvant nombreuses et nombreux le 7 mars et après en assemblées générales pour refuser ce qui nous est présenté comme inéluctable. Car faire de la politique, c’est rendre possible ce qui semblait impossible. Pour donner aussi du sens à notre refus et expérimenter d’autres façons de faire. Les grèves sont en effet propices aux rêves collectifs : que voulons nous faire de notre travail, comment voulons nous vivre ensemble, selon quels principes ? C’est sur nos lieux de travail, dans nos quartiers ou dans les assemblées interprofessionnelles que les idées peuvent circuler et des pratiques nouvelles naître. C’est aussi là que la peur et le découragement peuvent être surmontés. Par la lutte commune grandissent les rêves. Et les aspirations à faire ensemble autrement.

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