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Réponse à Emilie Hanrot et son #AlerteInclusion

logo du colllectif une seule école CUSE est écrit en gros en majuscule et collectif une seule école est écrit en majuscule dessous, plus petit, avec un mot par ligne

Le 6 février vous postez une vidéo. Après deux semaines, elle affiche déjà plus de huit millions de vues. Aujourd’hui nous prenons la parole, une parole écrasée et invisibilisée, pour dire en quoi vos propos et le hashtag “alerte inclusion” propagent une vision validiste et libèrent une parole handiphobe insupportable.

Nous sommes des militantEs concernéEs, des enseignantEs, des professionnelLEs médico-sociaux, des libéraux, des agentEs de l’Éducation Nationale, des familles et connaissons la réalité à la fois de l’Éducation Nationale et du handicap. Nous militons pour la scolarisation de touTEs en milieu dit ordinaire, pour la désinstitutionnalisation et contre la casse de l’école publique.

Lancer une alerte c’est prévenir d’un danger grave, alerte intrusion, attentat, tsunami c’est donc dire qu’attentats et tsunamis sont dangereux, qu’il faut s’en protéger. Lancer une alerte inclusion c’est donc dire que l’inclusion est un danger dont il faudrait se protéger ?

Protéger qui, de quoi ?

Vous avancez des chiffres qui ne reflètent en rien la réalité. Vous parlez de 134 000 “porteurs de handicaps » scolarisés en 2004 contre 436 000 aujourd’hui. Il s’agit bien sûr d’un trompe l’oeil. Car ce ne sont pas des enfants handicapés qui se seraient multipliés et auraient envahi les écoles. Non, il s’agit d’élèves désormais reconnuEs handicapéEs par la MDPH sachant que beaucoup ne sont toujours pas, à ce jour, diagnostiqués, que les procédures et les démarches sont à la fois coûteuses en argent et en temps, pourvoyeuses d’inégalités et de discriminations sociales et raciales. Le handicap, engendré par une société validiste, c’est H24. Ce n’est pas un boulot, une activité, une passion, c’est un combat à mener à tous les niveaux, pour vivre, se déplacer, se loger et être scolariséE.

Les solutions pédagogiques, les aménagements, les moyens humains et financiers existent mais ne sont toujours pas une priorité du gouvernement et des autorités (in)compétentes. C’est même à l’inverse que nous assistons aujourd’hui, avec un démantèlement de l’existant et un refus d’envisager l’inclusion en amont et de façon globale. Ce sont des choix politiques qui s’imposent et les élèves, quels qu’ils/elles soient, sont aujourd’hui les premières victimes de ce système normatif. Ils et elles ne sont en aucun cas la cause d’une inclusion qui ne fonctionne pas. Ce qui serait bon pour les élèves handicapéEs serait bon pour touTEs les élèves. L’inclusion n’est pas un problème, c’est une solution. Et quand vous parlez d’inclusion à tout prix sous le prisme d’un problème, vous sous entendez l’exclusion comme solution, mais une exclusion à quel prix et pour qui ?

Cette ambivalence sous-tend votre vidéo et le hashtag laisse planer le doute sur les solutions que vous préconisez. Vous êtes beaucoup plus claire dans des vidéos précédentes et sur votre blog lorsque vous réclamez à la fois des moyens pour inclure et des places en IME. Cette demande est totalement contradictoire. Les IME sont des lieux de ségrégation qui ne permettent absolument pas un suivi scolaire, qui éloignent et séparent les jeunes selon des critères discriminatoires, qui les condamnent de manière définitive à un avenir cadenassé par les institutions. Le préalable c’est l’accueil inconditionnel de touTEs les jeunes quel que soient leur parcours, leur réalité sociale, physique, psychique. Où placez-vous le curseur des bons et mauvais élèves handicapéEs ? Pourquoi ? Qu’est-ce qui aujourd’hui peut légitimer le fait de vouloir mettre des jeunes dans des institutions maltraitantes dénoncées par l’ONU entre autres ?

Et de quelLEs élèves parlons-nous ? De quelLEs élèves parlez-vous ? Vous utilisez des termes anxiogènes pour décrire des élèves qui vous posent problème, assimilant handicap et violence. Il y a du confusionnisme, de l’amalgame alors qu’ici il est question d’humainEs, de parcours, de présents et de futurs. Cette preuve par l’exemple est une manipulation dramatique qui conduit à généraliser et imposer votre vision du handicap, présentant des crises provoquées par le système lui-même comme révélatrices de ce que serait à vos yeux unE élève handicapéE. Vous enfermez les jeunes élèves handicapéEs dans une vision caricaturale, validiste et tellement dommageable.

Vous apparaissez face caméra centralisant l’attention sur votre situation. Vous parlez de votre souffrance et toute votre vidéo est basée sur cette vision autocentrée. Nous ne remettons pas en cause ce que vous vivez mais l’analyse que vous en faites. Car c’est bien le manque de moyens et l’absence de remise en cause d’un système qui produisent ces effets que ce soit pour les jeunes concernéEs et/ou pour les équipes éducatives. Vous ajoutez «quand ils sont là je ne peux pas faire classe » : ce n’est pas leur présence qui vous empêche de faire classe mais bel et bien l’absence de politiques et moyens adaptés. Stigmatiser des élèves, faire reposer la faute sur eux/elles, les culpabiliser eux, elles, leurs proches est inadmissible. Et quid de leur parole ? De ce point de vue silencé, qui n’est jamais entendu ni dans l’institution ni en dehors. Quid des stigmates, des traces qui resteront à vie chez les élèves concernés et leurs proches à la lecture des nombreux commentaires dégueulasses s’appuyant sur votre vidéo ?

A l’heure du tri social, des groupes de niveaux, d’une casse de l’école publique, d’une baisse annoncée des crédits alloués à l’education nationale, à l’heure où certains syndicats manifestent pour exclure des enfants du système scolaire, nous ne pouvons laisser se propager de telles paroles. Nous avons un combat à mener pour faire respecter la scolarisation inconditionnelle des jeunes handicapéEs. Vous avez une responsabilité dans ce que vos propos disent, sous-entendent et ont généré. Le sens des mots, leur portée, le contexte sont essentiels quand on est suivi par des centaines de milliers de personnes, qu’on poste une vidéo et lance un hashtag. Si vous n’aviez pas conscience de cette violence que les élèves handicapéEs et leurs alliéEs prennent de plein fouet, ce message vise donc à vous éclairer et à redire clairement : ne vous trompez pas de cible ! Ne vous trompez pas de solution ! Non à l’exclusion ! C’est pourquoi aujourd’hui alors que votre parole est relayée par des syndicats et des enseignantEs qui se positionnent pour l’exclusion, l’institutionnalisation et contre l’inclusion systématique, nous vous demandons de vous positionner clairement : est-ce que vous demandez plus de moyens pour la scolarisation de touTEs ou est-ce vous demandez l’exclusion de certainEs ?

5 Comments

  1. CECILE-frédérique LOBJOIS

    tellement sidérée ( dans le bon sens) je suis maman de deux enfants autistes et un tdah, militante, et j’ai été profondément choquée par cette vidéo. Elle voulais déjà démissionné en 2019, elle avait fait un article ou elle parlait des enfants de sa classe, suite à mon commentaire sur cet article, je suppose où je lui demandais des explications, celle ci l a retiré ( mais j ai garder les traces)
    j’ai plus de mot sauf un grand merci pour cet article. Vraiment du fond du coeur

  2. Rozen

    Merci pour ce texte qui a beaucoup de sens et qui me soulage … combien de messages ai-je lu comme quoi on ne comprend rien … alors que je ne voyais que de la stigmatisation et du rejet … alors que je ne voyais que les messages au mieux d’exclusion des enfants TSA au pire insultant et menaçant engendrés par ce #… j’ai été profondément choquée , ça a été d’une violence extrême.. et à ceci c’est rajouté les syndicats enseignants qui prônent haut et fort que leur place n’est pas à l’école… j’ai peur pour mon enfant… peur pour son avenir…

  3. Amandine

    En général je partage la ligne éditoriale de Questions de classe, j’ai plusieurs de vos livres et revues.

    Mais là je trouve cet article très malhonnête…

    Émilie Hanot ne remet pas en cause l’inclusion, elle témoigne de la grande difficulté d’accueillir tous les enfants sans moyens supplémentaires. Ce qu’elle dénonce c’est le quotidien des professeurs qui se retrouvent seul à gérer des enfants très difficiles, surtout en petite section.

    De mon côté je vis les 2 situations : j’ai un frère handicapé qui a été en maternelle et primaire classique avant d’intégrer vers 9 ans un IME, IMPRO et maintenant il est en ESAT, j’ai un autre frère dyslexique qui est aussi à la MDPH et mon père est invalide depuis qu’il a 40ans suite à un AVC…
    Et moi je suis prof en Petite section en REP, et sur 18 élèves j’ai 4 élèves violents et ingérables. Chaque jour est extrêmement compliqué à vivre pour tout le monde… enfant comme adulte… et je ne crois pas que ce soit une solution de s’acharner sur une prof à bout qui dénonce juste son quotidien épuisant et ingérable.

    Il y a évidemment beaucoup à dire sur l’accueil de tous les enfants, et sur les propositions alternatives à l’école (ime, esat…) mais il ne faut pas tout mélanger, Émilie Hanot réagit juste à sa situation personnelle, et n’exprime pas posément une réflexion construite sur le sujet.

    L’aberration c’est que pour avoir des moyens humains supplémentaires, c’est au près de la MDMH qu’il faut déposer un dossier. On devrait pourvoir demander des moyens humains supplémentaires d’une autre manière, sans qu’un enfant ait une étiquette « handicapé » !
    Et autre aberration c’est qu’en réponse à cette vidéo, sa hiérarchie lui a demandé de retirer la vidéo, et ne lui propose aucune aide…
    En gros : souffrez en silence…

  4. Marion

    Je rejoins complètement Amandine. Je suis moi-même enseignante et il se trouve que j’ai été la collègue d’Emilie Hanrot. On ne pouvait pas plus se tromper de cible que vous ne le faites. C’est une des personnes les plus bienveillantes envers les élèves que je connaisse. Elle accepte tous les enfants à travers leurs différences et tente de les valoriser tous, en posant sur eux ce regard propre aux enseignants passionnés. Elle n’a jamais remis en question la scolarité des enfants handicapés! Au contraire, ces enseignants là sont vos alliés, ceux qui se battent tous les jours pour leur offrir le meilleur. Selon moi elle dit avec émotion qu’elle n’a justement pas les moyens de leur offrir le meilleur et qu’elle en souffre. Que faudrait-il faire alors selon vous? Serrer les dents et continuer à courber l’échine devant cette institution qui reste sourde face à la souffrance des familles, des élèves et des personnels? Je ne sais pas qui sont les enseignants de votre collectif mais je doute qu’ils soient en Rep+ avec deux élèves autistes, des élèves porteurs de divers troubles, des élèves en difficulté d’apprentissage et tout cela sans aide supplémentaire. Qui pourrait bien le vivre tellement c’est éprouvant pour l’enseignant et les enfants? Et c’est plus éprouvant encore quand on a à coeur d’exercer ce métier au mieux et de faire progresser tous nos élèves, quel que soit leur trouble ou leur handicap. Il y a de tels fossés parfois dans les conditions de travail, selon les écoles ou les régions, que même certains enseignants sont loin de s’imaginer ce que l’on peut vivre au quotidien. Certes il faut parfois subir des coups de la part d’enfants en grande souffrance mais ce n’est rien comparé à subir la violence du silence assourdissant de notre hiérarchie qui tente de nier cette réalité et de nous faire taire, comme vous essayez vous aussi en vous trompant d’ennemi; une dure réalité qui, par manque de moyens alloués par nos dirigeants, se heurte avec cynisme à notre rêve républicain d’inclure enfin tous les enfants dans le système scolaire afin de construire une société plus juste, plus humaine, enrichie de nos différences. Faudrait-il s’interdire de dire cette vérité que l’inclusion se passe parfois mal par peur d’être assimilé à l’extrême droite nauséabonde ou de passer pour un des ces (rares) enseignants qui voudraient exclure du système classique les élèves porteurs de handicap? L’inclusion n’est positive pour tous que dans de bonnes conditions. Il faut que l’Etat nous en donne les moyens. N’ayons pas peur de le dire. Il ne faut plus seulement le dire mais le crier. Aux inspecteurs, aux politiques, aux dirigeants. Ces enfants méritent le meilleur. Battons nous pour cela justement! Selon moi c’est tout ce que dit Emilie Hanrot.

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