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Réédition de Pédagogie des opprimés, entretien avec Irène Pereira

La réédition – avec une nouvelle traduction – de Pédagogie des opprimés est un événement éditorial important, peux-tu nous en dire plus sur cette édition et sur l’histoire de cet ouvrage en France ?

Pédagogie des opprimés de Paulo Freire a été rédigé en 1968 et est publié pour la première fois en anglais en 1970. Il a été traduit par la suite en français en 1974 et édité chez Maspero. Depuis, il n’y avait plus eu de nouvelles éditions et traduction en français (si on excepte une bref réédition en 2001). Aujourd’hui Pédagogie des opprimés, selon une étude bibliométrique, est la troisième œuvre la plus citée dans le domaine des sciences humaines et sociales. C’était donc une aberration que Pédagogie des opprimés ne soit plus réédité en français.

Dans ta préface, tu rappelles que ce livre n’est pas forcément d’un accès facile. Quels conseils donner aux lecteurs et lectrices pour qu’iels ne soient pas trop dérouté.es ?

Le premier conseil, c’est de lire ma préface ! En effet, la préface que j’ai écrite s’appuie sur des écrire ultérieur de Freire où il corrige les mauvaises interprétations qui ont été faites de son œuvre et les malentendus qui ont été produits. Je m’appuie en particulier sur Pédagogie de l’espoir qui est une relecture par Freire de Pédagogie des opprimés 20 ans plus tard et qui n’a pas été traduit depuis.

Sinon, Freire dit lui même qu’il n’aime pas les ouvrages faciles et trouve normal qu’un lecteur ou une lectrice relise patiemment les textes pour les comprendre. Il considère qu’un auteur doit viser la simplicité sans simplifications.

Tu évoques le fait que cet ouvrage n’est qu’une étape dans la pensée de Freire. Entre sa rédaction et la disparation du pédagogue brésilien, quelles sont les principales évolutions de sa pédagogie ?

La première évolution a déjà lieu avec Pédagogie des opprimés en intégrant la lutte des classes. Il a aussi été amené à mieux préciser le lien entre conscientisation et transformation sociale. En particulier, le fait que l’éducation ne suffit pas à la transformation sociale, mais qu’il est nécessaire de développer des collectifs organisés. Il écrit par exemple : l’éducation ne change pas le monde, elle change les personnes qui transformeront le monde.

L’autre aspect, c’est une insistance de plus en plus grande sur l’agir éthique. C’est le cas dans Pédagogie de l’autonomie, le dernier ouvrage publié de son vivant et l’autre seul livre à être encore édité en français. On tend à tort à réduire Paulo Freire à une méthode d’alphabétisation. Or la pédagogie de Paulo Freire est avant tout un agir éthico-politique.

D’autres rééditions des œuvres de Paulo Freire sont-elles en projet ? Et, plus généralement, quelle est l’actualité des pédagogie critiques ?

Parmi les projets, il est possiblement envisagé, avec le collectif des lectrices de Paulo Freire en France, de traduire le Dictionnaire international Paulo Freire. Mais, il est vrai que sur les plus de 30 ouvrages qu’à écrit Paulo Freire, seuls deux sont maintenant disponibles en français. Il existe des traductions anciennes de ses ouvrages des années 1970, mais presque rien concernant les publications des années 1980 et 1990. Pour ce qui est de l’actualité des pédagogies critiques en France, l’objectif le plus proche est sans doute d’effectuer des présentations publiques de la réédition et de continuer notre séminaire, probablement en ligne, car cela nous permet de toucher des personnes géographiquement très éloignées.

Pédagoie des opprimés, Paulo Freire, nouvelle traduction du portugais (Brésil) par Élodie Dupau et Melenn Kerhoas, préface d’Irène Pereira, Agone, 312 p., 2021.

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