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Débat d’élèves “C’est quoi la meilleure orientation ?”

Pour qu’il y ait action, il faut déjà avoir identifié un besoin, une question, un problème. C’est pourquoi, lors de mon passage en classe de 3ème, pour amorcer la réflexion en orientation, j’invite les élèves à formuler deux questions qui leur permettraient d’avancer dans leur projet. Ca n’est pas un exercice facile pour eux. Et évidemment, il serait impossible de répondre à ces interrogations en une heure ! L’objectif est de réfléchir au Comment, quelles démarches à effectuer pour y répondre ? A cette occasion, je propose aux élèves de venir me voir à plusieurs s’ils ont des questions à débattre. En effet, j’apprécie d’utiliser l’entretien d’orientation de confrontation collective qui permet d’interroger ses représentations ; c’est une technique pour pouvoir prendre position et qui participe de la construction du Sujet.

Quelques jours après mon passage en classe, trois filles viennent prendre rendez-vous au bureau. Elles veulent discuter sur « C’est quoi la meilleure orientation ? » La question est pertinente à débattre à plusieurs et je leur demande si elles seraient d’accord pour que nous invitions d’autres élèves de la classe à participer. Une heure d’étude est compatible avec mon emploi du temps. Le jour J, elles arrivent à deux. Mais où est la 3ème ? Elles-mêmes sont surprises et je leur propose d’aller voir en salle d’étude et d’en profiter pour demander si d’autres élèves voudraient participer. Elles reviennent en me disant, presque gênées : « En fait, plein de monde est intéressé ! Me voilà avec un groupe de neuf filles et garçons. J’ai la chance d’avoir une petite salle d’attente avec des fauteuils et en ajoutant les chaises du bureau, nous arrivons tous à nous y installer en cercle, confortablement. Pour l’occasion, j’avais prévu mon bâton de parole et quelques documents visuels en support de mémoire. Je ne voulais pas imposer un cadre de façon autoritaire. Je craignais de remettre de l’institution là où il s’agissait de se rencontrer. Construire le cadre ensemble facilite que son respect soit porté par tous et pas seulement sous le contrôle de l’adulte. Je leur ai d’abord demander s’ils préféraient une discussion où l’on fait attention à s’écouter les uns les autres ou l’utilisation d’un bâton de parole qui circule en cercle. Avec le bâton, on parle si on le souhaite, sinon on le passe à son voisin. A ma surprise, ils ont choisi le bâton de parole comme s’ils avaient perçu de suite la fonction de régulation et de facilitation de la parole. J’ai constaté que les adultes sont souvent réticents à ce type de proposition, ne percevant pas l’importance d’un dispositif pour le respect de chacun et du groupe. Ou est-ce l’inconscient collectif qui voudrait que nous soyons suffisamment responsables pour savoir se réguler sans dispositif ? Mais ceci est une autre question.

Avant de commencer la discussion, je donne les règles : il y a autant de réponses que d’individus, donc chacun est libre de son point de vue, on ne juge pas, on ne se moque pas, il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises réponses.

C’est quoi la meilleure orientation ?, c’est vous les filles qui avaient proposé cette question, est-ce que vous voulez bien commencer ? » leur demandai-je en leur tendant le bâton de parole. L’une le prend, un peu gênée, ne sachant pas quoi dire, regardant sa copine. « Si ça vous inspire pas, vous pouvez le passer à votre voisin ». Le bâton me revient. La question semble trop large, trop abrupte pour commencer et je décide de resserrer. « Est-ce que ça signifie pour vous : c’est quoi la meilleure formation ? ou c’est quoi le meilleur métier ? » Les attentes étaient mixtes, certains étaient plus intéressés par la meilleure formation, d’autres par le meilleur métier. Les jeunes s’aperçoivent qu’ils ne mettent pas tous la même chose derrière « orientation ». Clarifier la demande permet de construire une « alliance de travail », dit-on en psychologie de l’orientation. Je me suis tournée vers les filles qui avaient fait la demande. Leur questionnement d’origine était sur la meilleure formation. J’ai tranché : « On commence par la meilleure formation, et pour ceux qui veulent, on fera une prochaine fois sur le meilleur métier. » Le groupe adhérait, ma proposition était respectueuse de chacun.

Pour commencer, il fallait s’assurer que nous ayons un vocabulaire commun. « Il y a donc trois bacs. Pouvez-vous me rappeler lesquels ? » J’en profite pour sortir un premier support de mémoire : le schéma après 3ème.

« Commençons par la voie professionnelle. Pour quel type d’élève, on va dire que c’est la meilleure orientation ? » Le bâton circule. Certains disent que c’est mieux pour ceux qui ont déjà une idée de métier ou bien qui préfèrent un métier manuel. Un garçon prend la parole, il envisage l’apprentissage. Il dit que c’est mieux d’apprendre en entreprise parce qu’on est dans la réalité du métier et pour lui, c’est la meilleure façon d’apprendre. Je complète en disant que souvent les élèves qui viennent me voir pour parler de la voie professionnelle m’expliquent en avoir marre d’être assis à une table toute la journée au collège et qu’ils ont envie d’apprendre autrement.

J’enchaîne avec la question : « dans quelles situations, le bac technologique est-il la meilleure orientation ? Mais d’abord, pouvez-vous me rappeler quels sont les huit bacs technologiques ? ». J’en profite pour sortir une infographie sur les 8 spécialités (STMG, STL, STI2D, STHR, TMD, STAV, STD2A, ST2S). Ce BAC est toujours le plus difficile à comprendre, c’est le moins connu. Ils ont retenu suite à la séance en classe que cela permettait de découvrir un domaine professionnel. Je complète, la poursuite d’étude est de 2 ou 3 années, alors que le BAC général prépare à une poursuite longue de 5 années après le BAC. Un autre avantage, c’est qu’on travaille plus souvent en groupe et en projet.

« Enfin, pour quel type d’élève le bac général est-il la meilleure orientation ? » Pour ceux qui font des études longues et certains ont vérifié si leur projet envisagé d’ingénieur, ou bien d’avocat exigeait bien des études longues.

« Pourquoi le conseil de classe donne son avis pour le passage en classe de 2nde générale et technologique ? » Parce qu’il faut avoir d’assez bonnes notes, d’être assez scolaire pour faire des études longues. Après ce processus, cela paraît assez évident.

Pour clore, je finis avec une dernière question qui permet un retour subjectif sur le temps proposé « Alors, comment ça s’est passé pour vous ? » Les élèves étaient satisfaits, ils ont pu se positionner vis-à-vis d’un choix de bac sauf une élève qui me dit « Mais alors, avec un bac général, on ne peut pas travailler après ? » C’était son projet. Nous convenons d’un entretien individuel pour en parler. Huit élèves sur neuf ont souhaité poursuivre une autre fois pour débattre sur C’est quoi le meilleur métier ?

Les élèves se sont approprié la connaissance du système éducatif et ont pu construire leur choix autrement que par des représentations fausses telles que « le bac général, c’est le bac normal » comme je peux l’entendre parfois. Contrairement aux représentations, seulement 42% des jeunes d’une classe d’âge obtiennent le bac général. Les arguments et les apports informatifs de chacun ont intéressé le groupe. Je me suis aperçu que le bâton circule vite. Certains ne disent pas grand chose, cela ne les empêche pas de réfléchir. Cette expérience m’a donné envie de tester ce dispositif en classe entière.

Delphine Riccio
Psychologue de l’Éducation Nationale,
Éducation, Développement et Conseil en Orientation

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