Professeur de lycée professionnel et militant de la FERC-CGT, Matthieu Brabant nous livre ici une série de réflexions sous forme de manifeste de la pédagogie des interactions.
Nous proposerons sous forme de feuilleton cet essai très stimulant…
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Ma pédagogie est émancipatrice
Mon objectif est l’émancipation collective des élèves via une émancipation individuelle, je m’engage donc à saisir les brides d’émancipation que mes élèves apporteront afin d’opérer des moments de conscientisation.
Je ne suis pas neutre politiquement car je suis inscrit dans le réel, mais ma pédagogie est neutre dans le sens où ma boussole est la critique et le refus de toute propagande.
Je sais que l’émancipation réelle provoque une réponse identitaire en réponse et que des brides d’émancipation des discriminations : j’ai donc la nécessité de travailler sur ce point.
Trois expérimentations :
– Installer un travail en équipe entre élèves :
J’utilise, entre autres, les outils des pédagogies coopératives pour installer des équipes d’élèves qui s’appuient sur des plans de travail pour répondre à leurs objectifs concrets : comprendre une notion ou réussir son bac. J’interroge avec les élèves les modes d’organisation de ces équipes, les modes de décisions etc, en m’appuyant sur les « compétences psycho-sociales » attendues par l’école capitaliste. Utiliser ces « compétences », c’est utiliser deux notions compliquées à manier.
Il s’agit de plus de « compétences », notion elle-aussi très compliquée à manier car les « compétences » sont utilisées à la fois pour faire disparaître les qualifications (ce qui a des conséquences directes et néfastes pour les conditions de travail et les salaires des travailleur·euses) et comme nouvelle modalité d’évaluation des élèves (faisant petit à petit disparaître les notes). S’ajoute sans doute une façon de contourner les difficultés didactiques par ce biais. J’ai néanmoins fait le choix de m’en saisir dans mon travail pédagogique, en précisant qu’en parallèle j’ai une activité syndicale luttant contre la disparition des qualifications. Je m’en saisi car il me semble que nous avons là une brèche pour poser la question des notes comme outil de tri social et pour poser, avec les élèves (et avec les enseignant⸱es) la question de l’évaluation (pour quoi faire, pour qui, comment ?).
Pour revenir aux « compétences psycho-sociales » : elles ont l’avantage d’ouvrir à autre chose que les savoirs académiques et ouvrent une voie pour dialoguer sur les rapports sociaux.
Tout ceci étant posé, une grande lucidité est de mise sur la manipulation et l’utilisation des « compétences psycho-sociales » et installer un travail en équipe entre les élèves permet aussi de travailler collectivement cette lucidité à avoir…
– Avoir un regard critique sur les modalités des différentes élections politiques :
Je propose aux élèves des activités comparant, par exemple, les modalités d’élection aux États-Unis et en France, permettant de voir que les modalités mathématiques choisies ont un sens politique, trouver les limites, etc.
Je cherche là si ce n’est une émancipation, même partielle, des modes de désignations « démocratiques » des institutions représentatives, au moins un regard allant vers cette émancipation. Cela ne signifie pas que je cherche à ce que les élèves ne votent pas : il s’agit d’une conscientisation des rapports de dominations existants dans le champ politique et des outils mathématiques pour organiser ce champ.
– Croiser les regards sur les différentes discriminations :
Je propose aux élèves des activités démontrant qu’il existe des discriminations de genre et des discriminations racisées et croisant ces discriminations. J’interroge de plus avec iels les moments officiels comme les activités lors du 8 mars.
Enfin, je construis avec iels des actions concernant le harcèlement scolaire. Sur ce point, il me semble que les outils de la « préoccupation partagée »1 sont à prendre en compte à la fois pour travailler sur les rapports de domination dans nos sociétés, mais également sur au moins les racismes, la misogynie, l’homophobie et la transphobie. Voici deux exemples de travail avec des élèves :https://tube-action-educative.apps.education.fr/w/71f6ab08-73b7-4c1a-92b6-2579dd9fb14e
https://tube-action-educative.apps.education.fr/w/6a5ef546-b452-47df-8cd9-4e3a97ee1e9d