Kaya Takada vit dans les années 70 dans une communauté au Japon où les enfants sont séparés des parents qui peuvent travailler dans d’autres villages du réseau. Les filles et les garçons dorment dans des dortoirs différents et sont regroupés par âge dans une communauté autoritaire (l’éditeur parle d’ailleurs à tord d’idées libertaires et alternatives plutôt que collectivistes et doctrinaires).
Les enfants sont élevés par des éducatrices sévères et bien peu bienveillantes avec punitions et châtiments à la clé. Ce qui étonne le plus, c’est que dans cette communauté sans propriété mais riche de ses productions agricoles, les enfants sont peu nourris : pour l’auteure tout tourne autour de la question obsédante de la quête de nourriture supplémentaire.
Une éducation parfois sadique, souvent terne et presque toujours austère avec des réunions d’auto-critique et des bilans journaliers obligatoires… Toutefois, le récit, bien que parfois monotone mais avec des moments de gaieté, est porté par la joie de vivre de l’auteure et sa résistance psychologique aux prescriptions rigides.
Kaya Takada, trentenaire, vit aujourd’hui à Tokyo après dix-neuf ans de vie communautaire. Elle raconte du point de vue de l’enfant et de l’adolescente qu’elle était, sa jeunesse à son mari Fusao, « un homme ordinaire » . Tout au long de cette chronique autobiographique, Fuseo la coupe, la questionne ou lui fait des remarques mordantes car l’auteure raconte son histoire sans acrimonie ni jugement mais avec sensibilité.
– Le village te manque parfois ?
– J’y pense avec nostalgie. Parce que je sais que c’est le passé et que je n’y retournerai plus.
Je me rappelle surtout ma vie avec tous les enfants quand j’étais en section primaire dans un village au milieu des bois.
C’est un souvenir étrange, comme si tout cela avait eu lieu dans un monde à part.
Un roman graphique inhabituel mais cependant attachant avec un dessin élémentaire qui correspond bien au vécu de la petite Kaya. Une description d’une collectivité qui refuse, avec des solutions autoritaires, la société de consommation.
Kaya Takada, Je suis née dans un village communautaire, Rue de l’échiquier (coll. BD), 2019, 283 p., 19,90 €.
