Nous nous permettons de diffuser la lettre ouverte écrite par 25 jeunes ayant reçu une OQTF suite à l’expulsion de la Gaîté Lyrique.
Nous sommes des mineurs isolés arrivés en France il y a plusieurs mois. Nous avons demandé la reconnaissance de notre minorité qui nous a été refusée après une évaluation rapide. Suite à ça, nous avons été jetés dehors et nous avons déposé un recours devant le juge des enfants.
Les délais de recours sont très longs, nous devons attendre des mois, seuls dans la rue, parce que l’État n’applique pas la présomption de minorité et ne respecte pas notre droit à un hébergement d’urgence. L’État préfère appliquer la « présomption de mensonge » qui n’existe pas dans la convention des droits de l’enfant.
Cet hiver, nous avons rencontré le Collectif des jeunes du parc de Belleville et nous avons participé à l’occupation de la Gaîté Lyrique entre le 10 décembre 2024 et le 18 mars 2025. Nous n’avons pas notre famille, nous n’avons personne pour nous soutenir ici en France. Nous sommes allés à la Gaîté Lyrique pour survivre au grand froid en nous mettant à l’abri, pour être ensemble et nous battre pour nos droits.
Mais le 18 mars, la Préfecture et la Mairie de Paris ont décidé de nous expulser sans faire de proposition qui réponde à notre situation. On nous proposait de partir en province pour 3 semaines dans des centres qui ne sont pas pour les mineurs alors que nos recours, nos écoles, nos hôpitaux sont à Paris. Nous avons refusé ces fausses propositions mais nous sommes sortis de la Gaîté Lyrique avant l’arrivée de la police en respectant l’arrêté de la Préfecture.
La police est quand même intervenue violemment le 18 mars. Elle nous a coincés devant le bâtiment avec les soutiens qui ont passé la dernière nuit à manifester avec nous. Sur environ 1000 personnes présentes au moment de l’expulsion, 46 ont été arrêtées arbitrairement et, parmi elles, nous sommes 25 mineurs à avoir reçu des OQTF (obligation de quitter le territoire français).
Les arrestations se sont faites sur des critères racistes aux abords de la Gaîté Lyrique et au commissariat des tris racistes entre personnes noires et personnes non racisées ont de nouveau été effectués, ces dernières étant traitées de façon très privilégiée.
Nous, la police nous a attrapés avec violence, certains ont été frappés alors que nous étions déjà par terre et que nous n’étions pas violents du tout. On nous a mis dans des voitures de police, parfois on nous a attaché les mains pour nous emmener au commissariat. Certains ont même été pourchassés dans les rues de Paris et arrêtés plus tard, alors que nous étions assis dans des parcs. On nous a arrêtés alors que nous n’avons rien fait de mal. Sans aucun motif à part celui de lutter pacifiquement pour nos droits.
Au commissariat on a pris nos empreintes et on nous a demandé notre âge mais on n’a pas voulu nous croire. La police pense qu’on ne connaît pas notre âge. Ils ont regardé nos documents comme les cartes consulaires, on voyait qu’on était mineurs. Mais sur les OQTF ils ont changé notre âge pour dire qu’on est majeurs. On a demandé pourquoi à la police, elle nous a répondu que c’est la Préfecture qui a demandé ça.
Depuis que nous avons l’OQTF, la police et la Préfecture n’arrêtent pas de nous menacer et de nous harceler. Il y a toujours des nouveaux documents et des nouvelles obligations qui sortent pour nous inquiéter, certains nous menacent avec des paroles racistes quand nous allons signer au commissariat pour notre assignation à résidence. On nous a dit « Signez pour retourner dans votre pays ».
Nous avons beaucoup de mauvaises pensées, on a du mal à dormir la nuit à cause des problèmes qui tournent dans la tête. On a peur tout le temps que la police vienne nous chercher pour nous emmener en centre de rétention, on ne sait jamais quand ça peut arriver. On nous a obligés à dormir dans un centre de l’Ofii [1] mais on a peur que la police vienne là-bas.
C’est horrible de ne pas savoir si on va pouvoir rester ici ou si on va repartir dans notre pays.
Ces OQTF sont politiques. Quand nous allons signer individuellement au commissariat, les policiers sortent un dossier sur lequel est écrit « Gaîté Lyrique ». L’État veut se servir de nous pour faire la guerre à un collectif dans lequel on se bat pour nos droits. Il essaye de nous affaiblir et de nous diviser.
Mais on reste unis et le collectif nous soutient. Nous savons que des syndicats, des élu.e.s, des député.e.s, des enseignant.e.s ainsi que des milliers de citoyens nous soutiennent. Nous ne connaissons pas les OQTF, on ne sait pas comment ça marche. Grâce au collectif nous avons des avocats, du soutien pour nos démarches et la force de tous. Nous remercions aussi l’association Sous le même ciel qui nous accompagne également pour nos démarches.
Nous allons continuer à nous battre pour nos droits. Nous n’avons rien fait de mal. Nous sommes là pour aller à l’école, apprendre un bon métier, travailler.
Nous demandons au Préfet et aux juges du tribunal administratif l’annulation de nos OQTF.
Nous demandons de la justice.
Nous avons besoin du soutien de tout le monde. Nous sommes des mineurs comme vos enfants, nous demandons votre soutien solidaire et massif pour l’annulation de ces OQTF injustes et arbitraires.
Des informations sur le comité de soutien sur le site de Sud éducation Paris : https://www.sudeducation75.org/constitution-dun-comite-de-soutien-contre-les-oqtf/