16 décembre, 9h10, j’attends devant la G02 que ma collègue de français ait fini avec les 203, que j’ai un peu plus tard dans la matinée. Ils sortent, me disent bonjour. Justine m’interpelle : « Monsieur, on a prévu une activité par rapport à notre truc sur l’égalité là. ». « Tu veux dire par rapport à votre rôle de référentes égalité ? ». Elle me demande si elle et sa camarade pourront faire ce qu’elles ont prévu à 11h. Un peu pris de court, je leur dis oui en leur demandant d’essayer de me prévenir à l’avenir (phrase que je regrette un peu!).
Petit retour en arrière. Avec les secondes, nous avons travailler peu de temps avant sur la socialisation et le genre. Le travail se finit sur un tableau assez négatif, celui des inégalités femmes-hommes. Pour ne pas rester sur ce constat un peu déprimant, je leur demande de réfléchir aux actions que l’on pourrait mettre en place de manière générale mais aussi précisément dans le lycée. La plupart des groupes me parlent du rôle important de l’éducation. Je les prends au pied de la lettre et leur dis que nous allons réfléchir à quoi faire dans la classe. J’émets l’idée de référent-es égalité femme-homme au sein de la classe sans préciser les contours de la responsabilité, ne voulant pas que le rôle soit trop artificiel. Après un court moment de réflexion, ils proposent quelques missions que ces référent-es pourraient tenir. Cela tourne autour d’enquête, questionnaire au sein du lycée. Sur le moment, je ne suis pas très convaincu, eux non plus d’ailleurs. Pourtant, c’est là une activité que les ouvriers menaient au 19ème siècle, importante pour la conscientisation de leur collègues.
A la fin de l’heure, je demande si certain-es sont intéressé-es par le rôle de référent-es. 2 élèves un peu hésitantes se proposent. Après des discussions entre deux couloirs sur leur rôle, une des deux me dit qu’elle veut travailler sur la publicité. Pourquoi pas, c’est un média assez genré qui joue sur les normes sexistes de la société. Le temps passe, je n’ai pas de nouvelles particulières de leur travail jusqu’à ce 16 décembre.
Les deux référentes ont préparé seules (sans aucune aide de ma part !) une activité d’une heure sur la question de l’apparence physique et du jugement que les gens peuvent y porter surtout chez les femmes. A partir de 4 photos, elles font discuter et débattre l’ensemble de la classe. Moi ? Je suis au fond de la classe, je regarde avec joie leur travail et l’implication de leur camarade. Je note quelques maladresses mais je reste scotché du travail qu’elles ont produit et de la manière dont elles ont réussi à impliquer tout leur camarade dans des discussions argumentées ! L’institution que je leur ai proposé a pris !
A la fin de l’heure, nous discutons rapidement de leur travail. Le nom de référentes ne semble pas très pertinente, elles me parlent de déléguée. Je leur propose de changer le nom, déléguée à l’égalité ! Elles trouvent ça plus simple, tant mieux, c’est le but. On se met d’accord sur le fait de produire un activité à la fin de chaque période, avant les vacances.
Est-ce une institution qui fonctionnerait avec toutes mes classes ? Je ne sais pas ! Qui sont ces élèves socialement ? Je me pose quelques questions mais j’essaie tout de même de profiter de ce moment de joie pédagogique. La sociologie viendra plus tard.
Erwin
[(La rubrique « L’imprévu » se propose de relater une fois par semaine des récits de classe de la part de pédagogues engagé.es (vous !) : « moments champagne » [[Comme le fait si bien Daniel Gostain sur son blog, La Classe plaisir : http://laclasseplaisir.eklablog.com/]] où la coopération fait pétiller le quotidien, ou au contraire, scène de crise illustrant la violence du métier et de l’institution ; récits d’événement pédagogique où l’inattendu entre dans la classe ou compte-rendus minutieux d’une séance bien ficelée, partagez avec nous ces moments de classe qui font rire, réfléchir, pleurer et s’engager ! Ces moments toujours imprévus[[Comme c’est le nom de cette nouvelle rubrique, voilà une petite introduction à l’imprévu : https://www.icem-pedagogie-freinet.org/node/6092]] et imprévisibles où le vivant entre par la fenêtre, l’endormi se réveille, les passions s’échauffent.
Il importe de faire parler l’école, de faire entendre son quotidien et ses engagements. Raconter ces instants qui nous brûlent les lèvres à 16h30, mais qui trouvent peu souvent d’écrit pour les garder en mémoire. C’est l’objectif que ce donne cette rubrique.
Lire l’Imprévu #1 – Apprendre ensemble en CM1-CM2, par Arthur Serret : ici.
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