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L’école pour tous jusqu’à 18 ans ?

Chaque année, de nombreux lycéens se retrouvent sans établissement, on leur propose même de redoubler leur troisième pour ne pas être déscolarisés…
Les médias s’en sont emparés cette année, mais combien de jeunes de plus de seize ans se retrouvent sans école à chaque rentrée dans la plus grande indifférence ? Il faut dire que le plus souvent cela concerne les élèves aux résultats incertains, aux orientations moins gratifiantes ou issus de familles en situation précaire.

Des élèves invisibles pour le système éducatif, en effet ce n’est pas une obligation de l’État de scolariser un jeune de plus de seize ans.
Les plus chanceux, les plus accompagnés trouveront un lycée, mais beaucoup feront des kilomètres pour rejoindre LE lycée public disponible. Certains grâce aux moyens financiers de leur famille rejoindront des établissements privés.Et pour tous les autres, rien. A quoi aura servi l’orientation du collège – souvent subie et liée aux résultats scolaires – devant cette absence de places ?
Les excuses du ministère sont simples : le baby-boom des années 2000 et le manque de m² dans les lycées pour ouvrir de nouvelles classes. Sinon, il y aurait assez d’enseignants…
Pourtant dans la réalité, même si c’est une souffrance, voire une désespérance pour certains, le nombre des plus de 16 ans qui ne sont pas scolarisés ne va pas faire exploser le nombre d’élèves dans les établissements ! Même en ajoutant ceux qui décrochent et ceux que le système n’accroche pas comme les enfants des bidonvilles ou vivant dans des logements précaires
Alors les excuses de places et du baby-boom des années 2000 concernent plutôt ceux qui sont scolarisés. Une absence de volonté politique ? Certainement.

Ceux qui se retrouvent sans école volontairement ou non, que font-ils ?
On pourrait penser qu’ils pourraient apprendre un métier en travaillant, avec le compagnonnage par exemple. Eh bien, non ! Même quand il y a des postes à pourvoir, peu d’entreprises embauchent un jeune de moins de 18 ans, elles préfèrent utiliser des stagiaires qui ne leur coûtent rien ou presque rien.

Que leur reste-t-il ?
Les petits boulots au mieux, l’errance… jusqu’aux petits ou gros trafics sur leur territoire.
La société les ignore tant qu’ils ne commettent pas de délits. Devenus délinquants, la justice des mineurs s’intéresse encore à eux pour tenter de les insérer dans la société – jusqu’à la prochaine nouvelle réforme de l’ordonnance du 2 février 1945 – , mais à 18 ans c’est fini, s’ouvrira alors pour certains d’entre eux un chemin parsemé de séjours en prison.

Alors qu’attend-on pour prolonger l’instruction obligatoire jusqu’à 18 ans ?
L’enfant pour la Convention internationale des droits de l’enfant – ratifiée par la France depuis 1990 – est entendu de 0 à 18 ans, ce serait donc cohérent de garantir à chaque enfant jusqu’à 18 ans le droit à la scolarité dans un établissement public.
Et de plus, cette prolongation permettrait de repenser le lycée autrement, de prévoir des établissements « polytechniques » où toute la jeunesse pourrait étudier entre les mêmes murs, où se croiseraient, se tisseraient toutes les disciplines qu’elles soient générales, techniques, professionnelles. De la philosophie à la mécanique en passant par la biologie et la robotique, l’histoire et la mode… tout un programme !
Une réforme du lycée est en devenir, c’est le moment !

13 ans en 1882, 14 ans en 1936, 16 ans en 1959 et 18 ans en… ?
La ministre de l’Éducation nationale Najat Vallaud-Belkacem pourrait entrer dans l’histoire, il lui reste très peu de temps… jusqu’en 2017 !
Bien sûr, ce n’est pas une des 60 propositions du candidat François Hollande de 2012, mais avec toutes celles qu’il a abandonnées, il y a de la place !

0 Comments

  1. Thierry Flammant

    L’école pour tous jusqu’à 18 ans ?
    Najat Valaud-Belkacem est déjà entrée dans la très petite histoire pour avoir poursuivi la politique de la droite en matière scolaire. Sa “réforme” est l’alliée objective de ce que Grégory Chambat appelle les “réacs-publicains” puisqu’ils concourent tous à exclure les enfants des classes populaires de l’école sous une forme ou sous une autre.
    Sinon totalement d’accord avec la prolongation de l’obligation scolaire jusqu’à 18 ans : voilà une mesure anti-Médef ! Soustraire au patronat deux classes d’âge !
    Y a-t-il quelqu’un parmi nous pour imaginer une seconde qu’un gouvernement aux ordres d’un capitalisme de plus en plus sauvage ferait voter une telle loi ?

  2. Haluska Patricia

    L’école pour tous jusqu’à 18 ans et un salaire pour toute sa vie
    Responsable associative et enseignante dans les quartiers dits “sensibles ” depuis les années 1977, j’ai vu se dégrader la situation économique des familles et tout ce qui accompagne ce processus au nom de la soi-disant cohésion sociale : culture ghettoisée, non mixité sociale dans les écoles, stigmatisation des jeunes en échec scolaire, main mise sur le monde associatif, disparition des lieux de vie intergénérationnels, politique d’urbanisation sécuritaire…. de nombreux jeunes issus de tous les milieux sont touchés par cette désespérance et ce manque de confiance en la jeunesse . Les médias continuent de stigmatiser les jeunes qui pourtant n’ont qu’une demande : “Avoir du travail et réussir dans la vie “. J’accompagne aujourd’hui de nombreux collégiens et jeunes dits en échec , ils souhaitent tous réussir et leur famille rêvent un autre avenir pour eux. Aller au lycée jusqu’à 18 ans serait une réponse citoyenne et responsable pour donner à chacun les moyens de construire son avenir dans un lycée respectueux de leur parole et de leur jeunesse . Je pense à Janusz Korczak, Deligny ou Tomkiewiech qui en leur temps ont su donner confiance à ces jeunes en désespérance mais toujours en quête d’une main tendue. Pour finir, la proposition de Bernard Friot sur ” donner un salaire toute sa vie pour tous” serait une bonne réponse qui permettrait à chacun de venir acteur de sa vie et non dépendant de la société.
    Laisser sortir des jeunes du système scolaire à 16 ans c’est créer une jeunesse désespérée qui n’ a plus confiance aux adultes, qui n’a aucune arme face à des politiques ” populistes”, pour qui l’école sera un lieu “négatif”. Quels messages transmettront-ils à leurs propres enfants ? Toute la jeunesse a le droit à notre considération quelque soit son parcours : quand nous prenons le temps de les écouter …. ils ont plein de rêves.

  3. Bernard Collot

    L’école pour tous jusqu’à 18 ans ?
    Désolé, je vais être quelque peu politiquement incorrect et en contradiction apparente avec ce que je défends par ailleurs (je défends la mise à disposition permanente, pas l’obligation) !

    Dans ce qu’est l’école actuelle, y enfermer les jeunes encore plus longtemps par une obligation n’a pas de sens. Une fuite en avant qui permet d’occulter qu’il n’y a aucune place, aucune possibilité d’être et de faire librement pour eux dans l’espace social, un espace compartimenté où chacun doit rester dans un statut, y compris celui de chômeur.

    Libérer les jeunes en prolongeant leur statut d’élève sous l’emprise d’une Institution ? Les garder plus longtemps sous prétexte de les aider à résorber des échecs fabriqués par l’école ? Cela pose bien une question de classe et de classes (sociales, d’âge) qui ne peut se contenter d’être résolue par une obligation, une de plus.

  4. Bernard Collot

    L’école pour tous jusqu’à 18 ans ?
    Je ne doute aucunement des bonnes intentions de tous, du “pour leur bien”. Mais pense-t-on à demander l’avis de ceux directement concernés ? A moins que l’on pense qu’ils ne soient pas encore capables d’émettre un avis sur le sort qu’on leur fait ou qu’on leur réserve ?

  5. Thierry Flammant

    L’école pour tous jusqu’à 18 ans ?
    Pour être tout à fait précis : l’école obligatoire jusqu’à 18 ans existe déjà. Elle est même obligatoire au-delà de cet âge. Pour les enfants des classes moyennes et supérieures. Aucun enfant de cadre, en France, n’arrête l’école à 16 ans et la plupart vont jusqu’à 23 ans. L’obligation jusqu’à 18 ans, ça veut dire au moins égaliser deux années de plus. Après, il faut un cadre : pas un établissement pourri sous équipé et tombant en ruines à l’image du système.
    Il y a un autre argument en faveur des 18 ans. Depuis des années, les heures d’enseignement ont diminué dans plusieurs disciplines, le français étant devenu totalement sinistré avec les conséquences que nous voyons tous et les répercussions sur les autres savoirs. Deux années de plus ne seraient effectivement pas superflues afin de commencer, timidement, à combler le retard accumulé. Toutes proportions gardées, un élève qui quitte l’école à 16 ans aujourd’hui – et il s’agit souvent d’un échec – correspond à celui qui quittait l’école à 10 ou 13 ans, selon les pays, au début du XXe siècle. Je vous conseille de lire ou relire le merveilleux Padre Padrone de Gavino Ledda qui, avec les textes de Jaurès ou Sébastien Faure, est un anti-Illich (évêque partisan d’une société sans école) salutaire.

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