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Kroniks Robinson : Education: en finir avec les cadres, les repères et les limites

Tout concept, un temps novateur, finit toujours par tourner à vide , dans la période qui suit, au fur et à mesure qu’on l’emploie sans fin et sans but.

Nous savons qu’il était révolutionnaire d’être nationaliste dans la France divisée de l’Ancien Régime et nous voyons combien il est réactionnaire de l’être aujourd’hui. Il en est de même pour les mots du Social.

Parler de cadres, de repères, de limites durant les 30 glorieuses, au moment de la diffusion de la psychanalyse était une avancée. On sortait ainsi du suivi stérile des traditions, de l’interdit de penser et rêver, du respect quasi religieux des institutions, pour s’intéresser à leur sens, à leur économie, à leur usage.

Aujourd’hui nous vivons les 40 « piteuses », et employons également ces mots par dépit. Le concept de cadre est devenu une notion morte, rigide, quelque chose d’enfermant, quelque chose dont l’usager se sauve; quelque chose qui ne retient plus et n’a plus de contenu.

Nous sommes habitués à voir émerger des institutions de plus en plus fermées au moment même où on dresse aussi le constat qu’elles ne sont plus capables de rentrer en relation avec les enfants, les adolescents, et tous ceux pour lesquelles elles ont été faites. Les professionnels en retirent une forme de résignation, une tentation de laisser aller. « Que voulez vous qu’on fasse? » « On ne peut rien faire ».

Autant s’abstenir, en effet! Et on voit que le fait de recourir à la clôture , s’appuyer sur des cadres rigides, des règlements excluants, revient toujours nourrir, au final, une philosophie de la renonciation. « Laissez donc les individus, les groupes, les populations dériver. Vous voyez bien qu’on ne peut rien y changer ». La démission sociale mène ainsi toujours à l’insensibilité publique et prépare le terrain aux chantres des solutions finales.

Pendant qu’on imagine toujours plus de limites, de cadres, et de règles excluantes qui posera les questions qui dérangent?

– Comment se fait il que les institutions aient cessé d’attirer et retenir par elles seules leur public?

– Comment se fait il que nous fixions toujours notre attention sur les clôtures et limites, et n’apercevons jamais le grand vide de ce qu’elles recèlent?

C’est comme si nous n’avions jamais appris à décrire les relations, le contenu éducatif autrement qu’en termes de vides. Nous avons 100 mots pour décrire les transgressions, les limitations, les conditions, les contrats, les projets; nous en avons si peu, lorsqu’il s’agit de décrire ce que nous produisons ensemble. Il nous reste juste à bégayer des mots ambigus comme « relation », « autonomie », ou creux comme « accompagnement ».

La Pédagogie est justement ce plein à habiter, au coeur des forteresses vides; une tentative pour décrire ce qui fait lien, attache, et chaleur; pour dire ce qui dure, au delà des buttées; pour désigner ce qui fait sens au delà des circonstances.

Le problème du cadre , des limites et de leurs thèmes connexes, c’est que tout cela renvoie au mythe « d’une société pleine ». Nos structures du social et de l’éducation agissent encore comme si la société était pleine de cohésion, d’emploi, de relations, d’avenir et comme s’il suffisait juste d’y réintroduire nos usagers, après une parenthèse, un faux pas, un accident.

Or, c’est de reconstruire une nouvelle société dont il est besoin aujourd’hui; de faire lien et sens. Cette tâche n’est pas à renvoyer sur ce qui est périphérique mais doit devenir le coeur de notre action.

Si l’Ecole était vraiment Ecole , les enfants ne décrocheraient pas; si les structures de l’éducation populaire étaient réellement gratuites, inconditionnelles et à ciel ouvert, elles n’auraient pas besoin de rechercher leur public et de s’interroger sur sa participation. Si les structures sociales ne résonnaient plus en termes de places, elles pourraient imaginer de vraies réponses aux problèmes d’aujourd’hui. Si la société faisait société, elle ne multiplierait plus fragmentations et discriminations.

Or, ce n’est pas de cadres dont nous avons besoin aujourd’hui , mais de contenance, continuité et enveloppement.

La finalité du cadre est toujours de protéger l’ordre extérieur; celle de l’enveloppement, au contraire, est de créer de la valeur, à l’intérieur.

Nous rêvons à Robinson d’une éducation tellement libre qu’elle serait sa seule ressource pour accueillir ou retenir; de formes d’action tellement ouvertes, qu’elles sauraient se mettre au service des gens, plutôt que des institutions.

Nous rêvons de formes d’accueil tellement riches, que dehors paraîtrait pire; de relations authentiques et fortes qui n’auront plus besoin de contrats.

Tout est à construire et inventer pour y parvenir, à commencer par les formations éducatives et sociales dont nous avons besoin. Nous allons agir dans ce sens.

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